SRPJ – Toulouse

Samira avait convoqué toute l’équipe pour faire le point sur l’affaire « Mélodie ». Ange était également présent, pour assurer la liaison avec le parquet. Elle commença par demander à Clémentine Marchand de partager les informations dont elle lui avait fait part le matin. La jeune femme avait apporté son ordinateur, à partir duquel elle présenta les photos extraites du site de l’association.

— Ces photos ont été publiées il y a dix ans. Le bâtiment correspond de toute évidence à celui que vous avec visité à Saissac. Est-ce que l’un d’entre vous reconnaît une des personnes représentées ?

— Lorsque j’ai parlé à la nonne ce week-end, dit Ange, elle avait mauvaise mine et ses cheveux étaient coupés très court. La plus jeune des femmes pourrait correspondre, mais ce n’est pas évident.

— Ibrahim, Claude, avez-vous obtenu quelque chose à Labège ? demanda Sam.

— On a montré les trois photos aux voisins, à l’ancienne adresse des Pujol-Lacrouzette, expliqua Diallo. Deux personnes qui habitaient déjà le quartier à l’époque ont formellement reconnu la plus jeune comme étant la femme du notaire. La voisine immédiate a aussi dit que l’autre femme ressemblait à quelqu’un qui venait en visite l’après-midi, mais elle est âgée et n’a peut-être pas une bonne vue. Bien entendu, elle n’a pas de nom à nous donner. Elle nous a juste parlé d’une petite voiture rouge. On ne peut pas dire que ça nous aide.

— Pour l’homme, reprit Clem, c’est bien Charles Van Den Brouck, nous avons trouvé plusieurs photos de lui à cette époque, parues dans la presse. Il n’y a pas de doute.

— Tu as trouvé qui paye les factures ?

— Oui, les factures sont réglées par virement bancaire, depuis un compte ouvert chez Standard Bank Jersey Limited. Le compte est au nom de l’association « ADBEP ».

— Association pour le Développement et le Bien-Etre Personnel ! compléta Samira. C’est cohérent.

— Olivier a fouiné dans les archives de la Dépêche, dit Clem, en présentant un scan de coupures de presse. Je le laisse vous les commenter.

Le policier fit défiler quelques articles illustrés de photos. Tous faisaient état d’un grave accident de la circulation survenu entre Saissac et Castelnaudary, sur la commune de Saint-Papoul. Les images du véhicule broyé ne laissaient aucun doute sur la violence de l’impact. L’accident avait eu lieu en pleine nuit. La voiture ayant heurté un platane sur le bord de la route, au vu des dégâts sur le véhicule, une berline BMW, les gendarmes avaient conclu a une perte de contrôle liée à une vitesse excessive. La voiture transportait quatre personnes, deux hommes et deux femmes. Le chauffeur, Henri Launay était l’homme à tout faire de l’investisseur bien connu à Toulouse, Charles Van Den Brouck. Il était décédé durant son transfert à l’hôpital. La femme assise à ses côtés, Muriel Lacroix, était connue comme étant la maîtresse du businessman, elle était pour sa part morte sur le coup.

Charles Van Den Brouck lui-même, qui voyageait à l’arrière, était grièvement blessé, transporté par hélicoptère à l’hôpital Purpan, à Toulouse. La passagère à ses côtés, Béatrice Moreau, était également une amie de Van Den Brouck. Elle était blessée, mais moins sérieusement, et hospitalisée à Carcassonne.

L’un des articles montrait en vignettes les photos des quatre victimes. La femme décédée correspondait à la troisième personne sur le site web, aux côtés de Charles Van Den Brouck et Béatrice Moreau.

— Muriel Lacroix était également identifiée dans les rapports de police sous le pseudo « Solange », ajouta Olivier.

— Bon travail ! commenta le commissaire, je comprends mieux pourquoi on n’a plus de traces après cette date. Essayez de creuser du côté des hôpitaux et des centres de rééducation. Il faut savoir ce qu’est devenu Van Den Brouck après l’accident. Voyez aussi ce que vous pouvez trouver sur Mélodie. Un accident de voiture ne suffit à transformer une femme en nonne. Si vous avez des problèmes pour parler aux médecins, faites-le moi savoir. Je demanderai un coup de main au Docteur Philippe de Loubennes.

— Dernier point, reprit Samira, les retours du labo ?

— On a de l’ADN sur les mégots de cigarettes et le cigare, mais pas de correspondance connue. On n’a pas l’ADN de Van Den Brouck. Du côté des empreintes, par contre, c’est plus probant. On a retrouvé une trace papillaire sur le verre cassé, mais de qualité médiocre. Il y a tout de même quelques points qui collent avec celle de Béatrice Moreau. Par ailleurs, on a trouvé de bonnes empreintes dans le château, et en particulier dans la salle de bain. Parmi beaucoup d’autres, on a les empreintes de Charles Van Den Brouck.

— Ainsi donc, le gourou est revenu, et il a tiré Mélodie de son sommeil au couvent, conclut Ange. La question maintenant est de savoir pour quelle raison et pourquoi il a attendu dix ans. Je crois qu’il va falloir retourner à Sainte-Scholastique parler à Sœur Marie des Anges. Elle ne nous pas tout dit, loin de là. Sam, tu continues à creuser avec ton équipe, mais prévois de venir avec moi demain à Dourgne. Peut-être parlera-t-elle plus facilement à une femme.

— Tu crois qu’une religieuse catholique va se confier à une musulmane ?

— Un, ce n’est pas écrit sur ton visage, tu n’as pas de voile ni de main de Fatma. Deux, je ne pense pas qu’elle soit entrée au couvent par vocation. Elle y est entrée pour se cacher ou fuir quelque chose. Trois, je te crois très bonne pour obtenir des confidences dans ce genre de situation. Je te présenterai puis je vous laisserai en tête à tête. Pendant ce temps, j’irai parler à la Mère Supérieure. Elle aussi en sait sûrement d’avantage que ce qu’elle a accepté de nous dire.