Prologue

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                                        Janvier 1507

Au milieu d’une petite rue, derrière une porte, en haut d’un escalier de pierre, accrochée aux barreaux du lit, Lisa souffrait comme seules les femmes peuvent souffrir. Ce jour-là, le soleil chatoyant commençait sa lente descente, inondant les murs. Sa douce lumière d’hiver caressait le dôme majestueux qui dominait la cité. Ses rayons réchauffaient les promeneurs arpentant les pavés usés. Les rues étroites qui serpentaient en son sein lui donnait un air étriqué qui estompait l’immensité d’une des plus grandes villes de son temps. Les ponts enjambaient l’Arno, reliant les deux rives de la cité. Florence, avait quelque chose d’intime. Ses jardins verdoyants se cachaient aux détours de rues oubliées. Les maisons de pierre toisaient avec hauteur le passant éphémère. Si le quidam savait écouter, il devinait la vie, derrière les fenêtres grillagées, qui suintait de toute part d’une énergie artistique et mercantile. Florence, cité puissante, regorgeait de créativité, d’inventivité, de vénalité. Les pauvres croisaient les riches dans un mélange saisissant de cruauté. Dans ses dédales se jouerait bientôt un pan de l’histoire. Non, pas la grande histoire, mais l’histoire d’une vie qui, sans être connue, ne serait jamais négligée.

Accroupie à côté de son lit, Lisa grognait et poussait autant qu’elle le pouvait. Elle n’en était pas à sa première fois mais cela n’atténuait pas son angoisse. La sage-femme la soutenait par les épaules, toutes ses forces étaient en action, enfin, celles qui lui restaient. Elle hurlait sa douleur.

La sueur dégoulinait dans son dos, ses cheveux collaient à son front. Son visage ne montrait plus qu’un masque de contractions effrayant. Ses reins étaient en feu. Elle pensait mourir ici. Les femmes autour d’elle l’encourageaient. Poussée par des croyances ancéstrales, elle s’était confessée avant l’inévitable épreuve mais cela ne suffisait pas à atténuer sa douleur. Son corps vivait un écartèlement insupportable. Elle avait chaud, bien trop chaud. Il fallait qu’elle sorte cet enfant de son ventre comme elle avait donné vie aux autres. Ses forces s’amenuisaient. Depuis combien de temps poussait-elle ? Des heures sans doute. Sa chemise était tâchée de sang et de liquide poisseux. Elle ne serait pas la première à succomber. Elles étaient tellement nombreuses. Serait-ce sa punition ?

Il fallait qu’elle soit forte. Ses enfants comptaient sur elle. Mais ce petit diable qui vivait en elle l'entendait autrement. Il lui rendait déjà la vie dure. Il n’arrivait pas à se frayer un chemin. Pourtant, elle y mettait tout son cœur et sa sueur.

Il aurait déjà dû sortir de ses entrailles. Il s’accrochait à ses viscères dans un acte insensé pour rester en elle. Comme s’il redoutait la suite. Elle poussa encore, autant qu’elle put. Elle n’en pouvait plus, son cœur s’emballait sous l’effort. Ses muscles semblaient n’être que de la chair molle. La sage-femme la soulevait et la secouait de haut en bas avec une force incroyable. Elle devait penser que les secousses feraient descendre le rejeton. Lisa se tenait aux barreaux du lit, accroupie. C’était la meilleure position pour enfanter. Du moins, l'espèrait-elle. Elle s'essouflait, exténuée.

Elle le savait, il lui était interdit d’abandonner. Elle poussa encore. Cette fois, elle sentit la tête de l’enfant s’engouffrer dans son bassin. Alors, elle redoubla ses efforts, dans un cri animal. De sa main, elle toucha le crâne de son petit déchirant ses chairs. Une tête duveteuse qu’elle attrapa de ses deux mains. La sage-femme l’aida, elle poussa encore. Il restait les épaules à dégager. Elle serra plus fort les barreaux du lit, ses ongles lacérant ses paumes. L'accoucheuse récupéra le nourrisson qui une fois les épaules passées, s’expulsa tout entier. Lisa retomba sur son fessier, trop fatiguée. Son esprit vacillait. Elle aurait perdu connaissance si la sage-femme ne lui avait pas tendu le bambin toujours relié à son cordon. C’était un garçon. Ils avaient déjà décidé de son prénom, pour éviter les mauvaises langues. En enlaçant le petit homme blond contre son sein, elle se demanda ce qu’il allait advenir d’eux.

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