Secteur K0Я
L’Airedale arriva quelques secondes après le cargo dans l’espace du secteur K0R. Immédiatement, les scanners du vaisseau de Clothilde s’affolèrent. Il y avait d’innombrables chasseurs et bombardiers Kondo-Bandaloriens en embuscade près du centre de gravité du système. Clothilde eut du mal à repérer l’identifiant du cargo transportant la marchandise de MégaCorn®.
« Qu'est-ce qu'on fait, capitaine ? demanda Ed.
Le soldat, d’habitude stoïque en toute circonstance, était pétrifié devant l’armada extraterrestre.
— Je ne sais pas trop, je ne m’attendais pas à une telle démonstration de force.
Déjà, trois des signatures convergeaient vers eux. Ils n’avaient aucune chance en cas d’affrontement direct. Les premiers signaux brouilleurs tentaient d’interférer avec les systèmes de l’Airedale.
— J’ai une idée, mais je vais devoir faire un sans-faute… J’aurais préféré avoir Mouss' avec moi pour les calculs.
— Désolé capitaine, moi, j’suis plus doué avec les flingues qu’avec les chiffres. »
Clothilde envoya un message aux Kondo-Bandaloriens, s’excusant de son intrusion dans le système, et promettant de repartir aussitôt. Il activa son moteur à plasma et déploya ses mandibules comme pour passer en hyperespace. Il coupa alors brusquement toute l’alimentation du vaisseau, disparaissant ainsi des radars Kondo-Bandaloriens. L’Airedale continua sa course, porté uniquement par son accélération initiale. Le poste de pilotage était plongé entièrement dans le noir. Clothilde sortit un des petits drones f-0-s lumineux de Mouss' de sous sa veste, et le fit survoler la zone.
« Si j’ai bien calculé mon coup, on devrait pouvoir s’approcher du vaisseau cargo tout en douceur. Une fois assez proches, nous pourrons réactiver les moteurs et nous amarrer à celui-ci. Je vais chercher une bouteille de whisky, tu veux un verre ?
— Avec plaisir capitaine.
— Hé, ne m’oubliez pas !
— Nadia ! » fit Clothilde, en reconnaissant la voix cassée par les racines DoOolies de sa pilote.
Quelques minutes et verres plus tard, Clothilde aperçut le vaisseau cargo de MegaCorn® par une des baies d’observation de l'Airedale. Il attendit encore d’être à moins d’un kilomètre pour réactiver les moteurs, pour être sûr que les signatures énergétiques se confondent pour les scanners des Kondo-Bandaloriens. Par une manœuvre très délicate, il se posa sur le cargo.
« C'est quoi le plan, maintenant, capitaine ? demanda Ed.
Les bras croisés, le dos contre le mur, Ed parvenait difficilement à contenir son excitation. Il était vraiment énervé contre les deux femmes, qui se moquaient d’eux depuis leur départ du Dollhouse.
— Tu es prête à te reconnecter à un Vaisseau, Nadia ?
— Je préférerais éviter.
Clothilde hocha légèrement la tête, compréhensif.
— Bon, les Bastards, on va sur une planète contrôlée par ces vermines de Kondo-Bandaloriens. Ça va pas être du gateau…
— Pour Primo Humanis. Pour l’humanité. On se bat pour la bonne cause, capitaine.
Ils trinquèrent bruyamment et avalèrent leur verre d’un trait.
— Pour Primo Humanis ! répétèrent-ils en chœur.
— Il nous reste deux heures avant d’arriver sur K0Я-3. Allez vous reposer, vous aurez besoin d’énergie pour ce qui va suivre. »
* * * * *
Tanya et Clarinetta rejoignaient leur cabine. Elles avaient à peine une heure pour se reposer avant que les opérations de déchargement ne commencent.
« Tu as remarqué ces types, à la cafeteria ? demanda Tanya à Clarinetta, une fois la porte fermée derrière elles.
— Ah, toi aussi ? Ceux dans le coin, près de la porte des toilettes ?
— C’est ça ! Ils m’ont semblé… louches.
— Tu crois qu’ils sont là pour nous ? s’inquiéta Clarinetta.
Prise de panique, elle mit la main sous son oreiller et y retrouva son pistolet M-0 Flare.
— Je ne pense pas, où alors, ils cachaient vraiment bien leur jeu. Ils n’ont eu aucun regard dans notre direction. »
Rassurée, elle rangea son arme.
* * * * *
Clothilde profita du chaos créé par l’entrée dans l’atmosphère pour se désolidariser du vaisseau cargo. K0R-3 était une petite planète désertique, sans lune. Clothilde posa l’Airedale à trois kilomètres de la colonie. Le cercle polaire nordique était une zone très plate, balayée par de forts vents. Avec un masque intégral à filtre à cyanure, l’air était respirable pour l’être humain. Les longs manteaux des trois Bastards battaient avec violence contre leurs jambes.
« Ed, prépare les Kayane-400, s’il te plaît.
— Bien, capitaine. »
Les bras croisés, adossée à une des mandibules, Nadia regardait avec amusement Clothilde se débattre avec l’interface des drones-espions, malgré les instructions laissées par Mouss. Derrière elle se trouvaient trois sacs qui contenaient tout le matériel nécessaire à une intervention chirurgicale. Ed revint quelques instants plus tard avec trois motos.
« Même pas besoin de les dépoussiérer ! Je lance les diagnostics mécaniques. »
Après quelques mouvements de son gant à réalité virtuelle, l’ancien soldat eut la confirmation que les trois Kayane étaient en état de fonctionnement optimal. Le cargo entamait la dernière phase d’atterrissage.
« Tout est bon, ici, capitaine. Le visage de Clothilde était rouge de colère. Il marmonnait dans sa barbe sa litanie rituelle d’insultes.
— Il faudrait juste que ces saloperies de.... Ah ! Enfin ! »
Les petits rotors des cinq drones-espions se mirent en marche. Ils décollèrent, et s’ajustèrent difficilement à la puissance des rafales de vent. Clothilde leur indiqua les endroits où se positionner autour du vaisseau cargo. Dans un léger bourdonnement, ils se dirigèrent vers le spatioport de la colonie.
* * * * *
Les trois Bastards avaient les images des cinq drones dans leur exovision. Les opérations de déchargement avaient commencé depuis vingt minutes maintenant.
« Alors, vous avez quelque chose ? demanda Clothilde.
— Rien, répondirent les deux subalternes.
— Merde ! Vous pensez que cæ bâtard nous a menti, sur Nu-R13 ?
— Aucune chance, assura Ed. Il n’avait pas les couilles pour…
Il laissa échapper un éclat de rire, rapidement brimé par Nadia, qui n’avait pas du tout la même position que lui sur les Neutres.
— Attendez, je les vois ! s’écria Nadia. Drone numéro trois, dans le coin droit. Clothilde ordonna à l’engin de changer de position, pour avoir un nouvel angle de vue.
— Oui, ce sont bien elles, continua la pilote de Vaisseaux. Mais qu’est ce qu’elles regardent avec tant de méfiance ? »
Le capitaine de l’Airedale ordonna à tous les drones de se placer pour couvrir la zone. Ils eurent bientôt une vision d’ensemble. Leurs cibles surveillaient un groupe d’hommes qui manipulaient un grand conteneur. Un Kondo-Bandalorien s’approcha d’eux, un peu agressif. À la grande surprise de tous les présents, l’humain le vaporisa d’un tir de M-0 Flare. La confusion s’installa alors instantanément sur le spatioport. Le groupe se mit en position de défense. Les premiers échanges de tirs avec la sécurité commencèrent, alors qu’un des humains ouvrait le conteneur.
« Qu’est-ce qui se passe ? demanda Nadia, abasourdie.
— Je ne sais pas trop, mais c’est notre moment. Nadia, guide-nous d’ici. Avec l’agitation, on arrivera pas à suivre la position des cibles en temps réel. Ed, sur la moto ! »
Les deux hommes grimpèrent sur les Kayane-400. Ed fit ronronner le moteur avant de lancer la moto à pleine puissance sur la plaine. Trois minutes plus tard, ils arrivèrent aux abords du spatioport. Les échanges de tirs continuaient, plusieurs nuages de fumée s’élevaient au milieu de la zone de déchargement.
« Nadia, rapport de situation, ordonna Clothilde.
— Ils ont sorti un étrange appareil du conteneur, ça ressemble à de la technologie alash’tarienne… Oh, merde. »
Le silence frappa soudain la zone. Un chasseur apparu au-dessus d’eux. Puis un autre… d’innombrables chasseurs, bombardiers et croiseurs marqué du sceau de la Guilde apparurent quelques kilomètres au-dessus de la colonie. À chaque fois qu’un vaisseau quittait l’hyperespace, une onde de choc se propageait. Leur moto se renversa lors de l’arrivée du premier croiseur, leur vitesse dépensant les deux cents kilomètres heures, ils se renversèrent et roulèrent sur plusieurs dizaines de mètres.
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