Chapitre 28
Versailles
La nuit avait été courte pour Ange, qui avait laissé ses hommes penchés sur les écrans à plus de deux heures du matin. Le commandant se regarda dans la glace de la salle de bain. Il était habitué à ces rythmes atypiques, part intégrante du métier de flic. Il ne se trouva pas trop mauvaise mine et après une longue douche brulante, il était prêt à repartir au combat. Lorsque les enquêtes atteignaient ce stade, il savait le dénouement proche, et se préparait pour l’assaut final. Il aurait pu se contenter de coffrer Mad Dog et White Horse, mais il voulait plus. Il lui fallait tout le groupe, ne pas laisser filer les meurtriers des deux premières victimes. Il avait l’intention de scinder ses forces, Ivo et Franck, soutenus par Boris, pour traquer le réseau, Salma et Marie, pour continuer l’ingrate tâche d’identification des victimes.
Lorsqu’il arriva à son bureau, il ne fût pas surpris d’y trouver le jeune informaticien.
— Tu es resté là toute la nuit ?
— Oui, je n’aurais pas pu dormir de toute façon. Et je crois que ça en valait la peine. J’ai identifié le groupe sur lequel Delaveaux et Landraud se connectent. Ces gars se croient plus malins que nous, mais ils laissent des traces, même quand ils pensent avoir effacé leurs messages. J’ai pu remonter aux historiques des conversations. On a des pics d’activité et des conversations concordants pour les deux derniers meurtres, mais aussi pour les deux premiers. J’ai relevé six pseudos différents.
— Tu penses que la série n’est pas terminée ?
— Si on considère que ces crimes constituent un rite initiatique, alors il se peut qu’il en reste un ou deux à accomplir.
— Tu as des éléments pour les identifier ?
— Comme je te l’ai dit cette nuit, je vais contacter la DGRI pour voir si les pseudos sont connus chez eux. Ils nous ont déjà mis sur la piste des deux premiers, ils pourront peut-être nous aider à remonter le fil.
— Très bien, fais le nécessaire dès que possible, ensuite tu files chez toi et tu ne reviens pas avant le milieu de l’après-midi. Je te veux en forme la nuit prochaine.
— Bien chef, et la réunion du matin ?
— Tu m’as transmis les infos importantes, et Ivo connait le reste.
Une heure plus tard, toute l’équipe, sauf Boris, était dans la salle de réunion pour le briefing. Ivo, qui était parti plus tard que son chef, avait les traits tirés.
— Tu as dormi un peu ? lui demanda Ange.
— Trois petites heures, j’ai connu pire. Si Demange nous a fait un jus acceptable, ça ira.
Le jeune brigadier arrivait avec la cafetière et des gobelets en plastique.
— On ne pourrait pas avoir des vraies tasses ? demanda Franck.
— Si vous faites la vaisselle vous-même, je n’y vois pas d’inconvénient, mais ne comptez pas sur Jacques pour ça, répondit Ange.
Le commandant attendit quelques minutes, le temps que tout le monde soit servi et attentif pour lancer la réunion.
— Boris n’est pas là ? demanda Marie.
— Il est rentré chez lui, Ivo va vous expliquer dans un instant. Ivo à toi, fais-nous le compte rendu de la nuit.
Le serbe rapporta les confirmations obtenues par la localisation des mobiles ainsi que les éléments recueillis au travers de la messagerie des deux suspects.
— Il faut retrouver ces fachos au plus vite, avant qu’ils ne fassent une nouvelle victime, explosa Salma. Pourquoi on ne coffre pas ces deux là ?
— On est tous mobilisés là-dessus, répondit Ange, j’ai tout autant envie que toi de les arrêter, mais je préfère les mettre sous surveillance et essayer d’utiliser leurs messageries pour identifier le reste du réseau. Je vais aller expliquer la situation au commissaire et lui demander des hommes pour la filature. Ivo, je te laisse organiser tout ça. Salma, qu’est ce que tu as obtenu de ton côté ?
— J’ai pu rencontrer la famille qui hébergeait la femme syrienne. Des braves gens qui ont réussi à se faire une place chez nous, et qui essaient d’aider les derniers arrivants. Nawal Asmudi commençait à peine à s’intégrer, elle n’avait visiblement pas de relation en dehors de sa famille d’accueil et de quelques foyers proches, à qui elle rendait quelques services, comme aller chercher les enfants à l’école. Elle fréquentait la mosquée du quartier et il lui arrivait juste de se rendre en ville de temps en temps, pour prendre l’air et faire quelques courses. Elle aura croisé la mauvaise personne.
— C’est certainement pas à la mosquée qu’elle aura rencontré Landraud, commenta Franck.
— Myriem Mansour, l’amie de Nawal, a accepté de se rendre à l’IML pour reconnaître le corps. Je vais en profiter pour l’interroger sur le dernier jour, mais je ne sais pas si elle pourra me donner beaucoup de détails. Elle travaille toute la journée.
— Tu veux que je t’accompagne ? demanda Marie.
— Oui, pourquoi pas, merci.
— Ensuite, compléta Ange, je voudrais que vous essayiez d’identifier les deux autres victimes. Je sais que ça commence à dater un peu, mais on ne peut pas renoncer aussi vite.
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