5 décembre

8 minutes de lecture

Je me réveille avec difficulté, me rappelant encore de ma fin de journée difficile de la veille. Notre conversation m’a complètement retourné. J’ai passé le reste de mon après-midi à éviter Marisol le plus possible. Comment être normal alors que je suis au courant de ses potentiels sentiments ? Je ne sais plus comment faire, cela fait trop longtemps. Je ne saurais plus. C’est tellement dur sans elle à mes côtés. Je sais qu’une part de mon deuil est fait. Salomé ne pourra malheureusement plus jamais faire partie de ma vie, j’en ai conscience. Pourtant j’ai la sensation que mon cœur ne sera plus jamais capable d’aimer à nouveau. Comme s’il avait épuisé ses chances après la dernière belle chose qu’il a su attraper. Je suis incapable de savoir comment agir. Est-ce que je suis censé lui faire la bise ? La serrer dans mes bras ?

Pourquoi est-ce que je me pose toutes ses questions ?

- Aaaaaah ! m’exclamé-je en enfouissant ma tête dans mon oreiller.

Allongé près de moi, Nox sursaute avant de s’étirer, étendant ses pattes face à moi. Ses oreilles sont écartées sur sa tête, tombant presque sur les côtés, en cet instant il ressemble plus un a véritable chat qu’à un ange. Lui, qui d’habitude me fait plutôt penser à un humain avec ses manières étranges. Ses oreilles se tournent vers moi, alors qu’il me demande gentiment :

- Qu’est-ce qui se passe ?

- Je suis encore plus perdu que hier.

- Tu veux m’en parler ?

- Je ne saurais même pas quoi dire. Heureusement que Marisol est en repos aujourd’hui. J’ai bien besoin d’une journée avec Elio.

Nox s’étonne, alors que je renfouis ma tête dans le coussin en criant. Mon ami félin rit légèrement, posant sa patte sur mon épaule en guise soutien. Nous discutons quelques minutes encore avant que je ne me décide à me lever pour me préparer. Je n’ai pas vraiment le temps de déprimer dans mon lit, le jeudi à beau être calme, je n’ai pas encore fini l’aménagement de la boutique pour les fêtes. J’ai tout une étagère de roman à installer avec les nouveaux auteurs à découvrir, c’est chaque année la même chose. Même si les ouvrages sont présents à l’année dans ma boutique, les clients ont tendance à se tourner vers les auteurs connus. Noël, c’est l’occasion de les mettre plus en valeur. C’est toujours un succès. J’ai également la séance de dédicace d’un écrivain à préparer, envoyer un mail à l’éditrice afin de recevoir les stocks, même si j’en ai un peu dans la réserve et en rayon, j’espère bien pouvoir en vendre quelques-uns de plus.

Je passe mon visage à l’eau, les cernes se dessinant sous mes yeux, témoignant de ma nuit difficile. Je n’ai pas cessé de repenser aux derniers moments de Salomé. A quel point j’ai eu espoir qu’elle s’en remette. Albert et Ange, également. Elle était jeune. Comment a-t-elle pu partir aussi tôt ? Si seulement nous pouvions remonter le temps, nous aurions pu prévenir la maladie. Si nous avions compris que ses pertes d’appétits étaient un symptôme ou que sa fatigue n’était pas dû à une surcharge de travail.

- Tu veux manger quelque chose ? demandé-je à Nox.

- Partons, je piquerai un truc à Elio.

Je ris, même si cela fait peu de temps, il a déjà pris nos mauvaise habitudes. Fouiller dans la petite cuisine de mon meilleur ami, mon activité favorite. Surtout l’hiver, il prend le temps de préparer des gâteaux simples pour les clients, c’est très apprécié. Autant de leur part que de nous.

Nous quittons l’appartement en trombe, Nox sous sa forme humaine, ses cheveux ne se coiffant décidément pas. Un sourire amusé prend place lorsque je vois le pull de Noël que je lui ai donné aujourd’hui. Il est décoré de petit chat blanc aux ailes d’anges. Une idée fafelue de Salomé qui adorait les félins sous toutes ses formes. Elle n’avait pas complètement tort finalement. En courant presque, nous arrivons à temps face à un Elio hilare qui déverrouille le café.

- Lequel de vous deux à louper son réveil ? taquine-t-il amusé.

J’ignore sa remarque en lui bousculant gentiment l’épaule avant d’entrer de mon côté à mon tour. La douce odeur des livres prend mes narines alors que je poursuis mon tour habituel, tournant le panneau pour indiquer « ouvert » avant de rejoignant Elio pour mon thé, ouvrant la double porte. Le bruit caractéristique de la bouilloire empli la pièce pendant que Nox s’active à descendre les chaises en attendant que sa propre boisson soit prête. Je m’installe au comptoir, attrapant la tasse fumante pour en boire une gorgée.

- Merci.

- Comment tu vas, Noah ? Tu me parais bizarre ces derniers jours.

- Je suis désolé. Je réfléchis beaucoup.

Son regard m’interroge, alors qu’il se sert son café. Nox reste à l’écart, entendant vaguement notre conversation mais souhaitant nous laisser notre intimité. Je joue avec l’anse du mug, incapable de savoir par quoi commencer.

- Tu peux tout me dire, No’… Tu le sais, n’est-ce pas ?

- J’ai beaucoup repensé à notre discussion de l’autre jour, à propos de Marisol.

- Je m’excuse, c’était complètement déplacé. Je ne voulais pas te donner l’impression d’oublier Salomé.

- Je le sais bien, bro. Je n’ai jamais pensé le contraire.

Mon meilleur ami pose une main sur mon bras, serrant fort. Je lève les yeux, voyant ses iris se remplir de larmes :

- Elle me manque, Noah, et je me doute qu’elle doit te manquer encore plus. Le temps à beau passé, je n’oublierai jamais le bonheur que Salomé à apporter dans nos vies.

- Tu n’as même pas idée. La vérité, c’est que je suis terrifié, Elio. J’ai tellement peur de l’oublier. Toutes ses choses que j’étais censé partager à deux, avec elle à mes côtés, je dois à présent le vivre avec quelqu’un d’autre.

- Je comprends. Peut-être pas complètement mais elle a été une part de ma vie aussi. C’était notre soleil, n’est-ce pas ?

- Oui.

J’essuie l’eau qui a coulé sur ma joue, entendant la clochette de l’entrée qui résonne laissant apparaître les premiers habitué de la journée. Elio, commence à s’affairer mais il me fait promettre de continuer cette discussion à la fin de la journée. J’acquiesce sans mal, partant de mon côté, Nox sur les talons. Debout derrière le comptoir, je commence à nouveau mes stocks, à Noël, il y a des livres qui partent plus que d’autres.

- Tu as besoin d’aide ? interroge Nox.

- Non, ne t’inquiètes pas, tu peux remettre en place les rayons si ça ne t’ennuie pas.

Nox s’éloigne, hochant la tête. Je replonge la tête dans mon ordinateur, réfléchissant aux nouveaux ouvrages que je pourrais avoir à la boutique. Plusieurs sorties sont annoncées et j’attends avec impatience de découvrir les histoires qui arrivent. En tout cas, les titres et les quatrièmes de couvertures donnent envie. Je sélectionne plusieurs romans, j’envoie des mails aux éditeurs qui souhaitent que leurs auteurs dédicacent chez moi.

Je continue ma paperasse une bonne partie de la matinée, encaissant de temps à autre un client, surveillant mon ami du coin de l’œil qui s’amuse à remettre en place les livres pour qu’ils attirent plus les gens.

- Au fait, Noah. Tout va bien avec Elio ?

La tête de Nox passe par-dessus le comptoir, me faisant sursauter. J’avoue avoir un peu du mal à suivre le rythme aujourd’hui, mon cerveau tourne au ralenti. Ma discussion de ce matin remue encore mon esprit et j’ai vraiment du mal à être a 100% présent.

- Oui. C’est une discussion que nous devons avoir, elle sera dure mais je crois que j’ai besoin de partager cela avec lui.

La fin de journée passe lentement, il n’y a malheureusement pas foule, me démoralisant un peu. Ce n’est pas souvent mais ce n’est pas facile pour autant lorsque cela arrive. De son côté, Elio a eu plus de monde. C’est l’avantage du café, c’est rarement complètement vide. Avant de rejoindre mon ami pour continuer de discuter, je glisse les clefs de mon appartement à Nox pour qu’il puisse rentrer sans m’attendre.

Nous fermons les deux boutiques, ne laissant d’allumer que les lumières du bar, fermant les rideaux des baies vitrées pour être tranquille. Elio salue Nox, qui rentre à la maison, puis il pose une énième tasse de thé devant moi.

- Je suis encore désolé, Noah. Je ne voulais pas te mettre mal à l’aise avec mes paroles.

- Je me doute. Dans le fond tu avais raison. Je me persuadais d’aller bien, d’avoir fait mon deuil mais la vérité c’est que je ne suis pas certain d’être capable de tomber amoureux à nouveau.

- Je comprends mais est-ce que tu pourrais l’envisager ?

- Honnêtement, je ne sais pas, avoué-je.

- Tu sais, même si cela arrive à nouveau, cela ne voudra pas dire que tu oublies Salomé.

J’avale de travers, me rendant bien compte qu’il a visé juste. J’ai cette peur viscérale au fond de mon ventre. Plus le temps passe et plus celle-ci élu domicile à l’intérieur de moi. J’ai la sensation qu’elle ne partira jamais vraiment.

- Je suis terrifié, Elio.

- Elle aurait voulu que tu retrouves quelqu’un. Elle aimait te voir heureux.

Je hoche la tête, bien conscient des mots que souffle mon ami. Le liquide chaud me brûle la gorge, autant que la réalité qui me gifle le visage. Malheureusement, la vie continue, n’est-ce pas ?

- Salomé fera éternellement partie de toi, mais tu as le droit d’évoluer. Je suis tellement désolé pour ce qui vous est arrivés, aucun de vous deux ne méritait cette tragédie.

- Nous n’aurions jamais pu prévoir tout cela, n’est-ce pas ? soufflé-je.

- Non, c’est impossible.

Nous restons quelques minutes silencieux, buvant nos boissons, seul les lumières du sapin éclaire la pièce, la nuit étant déjà tombé depuis longtemps. Je réfléchis, jouant avec le reste de thé dans le fond de ma tasse. Je brise le silence :

- Qu’est-ce que tu me conseilles ?

- Je ne saurais pas te dire exactement mais… Aller dîner avec quelqu’un serait un bon début, non ?

- Tu insinues que je dois inviter Marisol ?

- Elle t’aime bien. Si tu souhaites le faire, oui, cela pourrait te permettre de lui dire si au contraire, cela te met mal à l’aise. Elle ne mérite pas les faux espoirs.

- Je ne comptais pas lui faire de la peine, je te rassure, Elio.

- Je le sais bien. J’ai confiance en toi, sourit mon ami.

Je l’imite avec un rictus crispé, pas certain que toute cette histoire se termine bien. J’apprécie sincèrement Marisol, c’est une femme douce et gentille. Je sais que dans d’autres circonstances, les choses auraient été différentes.

Peut-être que je pourrais me donner une chance de vraiment avancer ?

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