Cauchemar
Cauchemar est un être particulier, fils de la Déesse Nyx et du Dieu Hypnos, il hante nos nuits à la recherche de la moindre faille dans nos rêves pour en prendre le contrôle et imposer sa noirceur dans nos songes.
Pourtant, quelques fois, dans son empressement, il se dévoile et certains petits malins en profitent pour lui tendre un piège…
Je me nomme Bernie, j’ai 32 ans et je suis un scientifique, mais pas que…
Je suis aussi un alchimiste et un penseur libre. Je lis beaucoup et suis toujours à la recherche de bouquins spéciaux aux contenus interdits. Apprendre est ma raison d’être et relever les défis, une seconde nature.
J’aime parcourir les bibliothèques oubliées, découvrir des textes anciens et tenter de déchiffrer d’antiques parchemins aux contenus à peine lisibles. On y découvre, certaines fois, des choses incroyables et parfois même, extraordinaires.
C’est ainsi que j’ai découvert qu’on pouvait enfermer l’entité « Cauchemar » dans un espace-temps clos, mais seulement sous certaines conditions. Je me suis donc employé à réunir ces diverses modalités et j’ai posé mon piège.
Cauchemar est un être rusé, mais il se croit aussi omnipotent et insaisissable. Lorsqu’il pénétra ce soir-là dans ma chambre, il comprit aussitôt son erreur…
- Bien le bonjour, dis-je, d’un ton amusé.
L’être vaporeux qui me faisait face se figea, mais resta silencieux. Il tenta de reculer, mais une bulle de cristal l’entourait, lui interdisant tout mouvement.
- Oui, c’est bien à vous que je parle, messire Cauchemar, ajoutais-je d’un ton sec.
La forme brumeuse tenta à nouveau de se soustraire à cet entretien qu’elle ne désirait pas. Mais le piège s’était refermé et il devait se montrer « beau joueur ».
- A qui ai-je l’honneur ? répondit la divinité.
- Un fan… que dis-je… un admirateur qui a déployé de nombreux efforts pour obtenir cette entrevue, j’en conviens, un peu forcée.
- Je vois… et que me vaut ce privilège?
- C’est que vous êtes un être à part et vous rencontrer me ravit au plus haut point.
- Voilà qui est chose faite. Pouvons-nous en rester là ?
- Je crains bien que non. Vous n’imaginez pas la somme des efforts nécessaires afin de vous avoir comme hôte à cet instant.
- J’imagine sans peine que cela ne fut pas aisé. Peut-être même que cela pourrait présenter quelques dangers, vous ne pensez pas ?
- Oui, certes.
La forme brumeuse prit soudainement corps. Désormais, un homme élégant me faisait face. Il était habillé à la mode de la bourgeoisie du XIX e siècle, un costume trois-pièces avec cape et chapeau haut de forme.
- Que puis-je pour vous ? Cher ami…
- Répondre simplement à quelques questions, rien de plus.
- Et si je refuse ?
- Voyons… voyons, mon ami. Nous sommes entre gens de bonne compagnie. Une simple conversation serait-elle au-dessus de vos moyens ?
- Vous m’intriguez, me répondit l’homme, une lueur malicieuse dans l’œil.
- J’en suis ravi. Pouvons-nous commencer ?
- Faites donc et je répondrais le plus sincèrement qu’il me sera possible. Je crains de beaucoup vous décevoir, je suis d’un ennui mortel…
- Je n’en crois rien, rétorquais-je en déployant un papier que j’avais préparé à l’avance.
La discussion qui s’annonçait sembla amuser Cauchemar. La divinité n’en était pas à sa première entrevue avec un représentant de l’humanité. Comme à son habitude, il était sûr de lui et assez hautain.
- Êtes-vous en bon terme avec votre frère Morphée ?
- Le Dieu des rêves et moi entretenons des rapports tout à fait cordiaux !
- Mais encore ?
- Ce petit prétentieux n’a aucune considération pour mes prérogatives qu’il considère comme une intrusion dans son domaine privé. Je l’abhorre, lui et ses rêves insipides !
- Je vois.
Marquer une pause me sembla judicieux. Puis, je repris :
- Comment choisissez-vous les assoupis qui auront le privilège de vous accueillir durant leur sommeil ?
- Je dirais… au mérite ! Certains humains ont une conscience si lourde et si mauvaise que je suis, d’instinct, attiré vers eux. Je côtoie la plupart durant des années et même, toute leur vie pour certains.
- Nous est-il possible de vous bannir de nos songes ?
- Non. Je ne suis que la pénitence liée à vos propres turpitudes. Soyez meilleurs et je m’inclinerai, ajouta-t-il un large sourire aux lèvres.
- Faite vous, vous-même des cauchemars ?
- Je ne dors jamais…
- Regrettez-vous certains cauchemars infligés à tort ?
- Je suis un Dieu ! Et par conséquence… omnipotent ! Mes « cauchemars » sont intimement liés à vos consciences.
- Pourtant, il est communément admis que vous frappez de votre vindicte aussi bien les bourreaux que les victimes. Comment expliquez-vous cela ?
L’être sembla embarrassé par cette question.
- Phobos et Déimos, peur et terreur, sont des amis très chers. Ils m’accompagnent la nuit dans mon errance et sont d’une efficacité rare pour dénicher les êtres perturbés. Des consciences bouleversées que mon arrogant de frère aura du mal à s’approprier. Je fais œuvre utile en m’immisçant dans ces esprits troublés et en les confrontant à leurs névroses. Vous aurez du mal à y croire, mais certains trouvent dans mes « cauchemars » la force et la volonté qu’ils leur manquaient pour surpasser leurs troubles. Au final, toutes ces aliénations ne sont pas de mon fait !
Ainsi, trois êtres divins s’associaient afin de terroriser des êtres qui ne le méritaient pas… J’en restais abasourdi.
- Qu’adviendrait-il si l’humanité devenait miséricordieuse ?
- J’imagine que je disparaitrais, mais qui peut vraiment croire de telles fadaises ? L’humanité s’enivre de péchés, et cela, depuis la nuit des temps. Je n’ai aucun souci à me faire sur la pérennité de mes actions.
- Redoutez-vous qu’on ne vous craigne plus ?
- Aucune chance, je ne visite que ceux qui le méritent et ils sont… légion !
- Êtes-vous heureux ?
L’homme garda le silence. Il me dévisagea :
- Croyez-vous, monsieur, qu’il soit opportun de continuer cet entretien ?
- Je ne souhaitais pas vous mettre mal à l’aise… Oubliez ma question.
La prison de cristal autour de l’être divin commençait à se fissurer.
- Il est temps de nous séparer, je le crains, ironisa Cauchemar, qui avait repris sa forme vaporeuse.
- Ce fut un privilège, que dis-je, un honneur de converser avec vous. Je vous remercie du temps que vous m’avez consacré, répondis-je en m’inclinant.
L’être brumeux disparut et repartit à sa tâche. Mon temps était écoulé.
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