Un jour, je suis mort et depuis... je négocie !
Défis: Raphaël Hary
Bonjour à tous !
Un petit défi pour s'entrainer à l'art des dialogues, ça vous tente ?
L'idée est d'écrire une petite histoire sous la forme d'une conversation entre deux personnes maximum (vivantes, mortes ou même extraterrestres, c'est à vous de voir), mais :
— Pas plus de 5 min de lecture (plus ou moins).
— Pas de descriptions.
— Pas d'incises.
Oui, oui ! Vous avez bien compris : vous n'avez pas le droit d'utiliser autre chose que du dialogue. Et le lecteur doit savoir en permanence quel protagoniste parle.
Pas une mince affaire me direz-vous... mais c'est là tout le but d'un défi, non ?
Aussi, pour les lecteurs, merci de ne pas inonder les participants d'annotations (je sais, je suis le plus mal placé pour dire ça). L'idée est surtout de s'entrainer pour voir les "faiblesses" des uns et des autres afin de nous améliorer sur la rédaction de nos dialogues. ;-)
Alors ? Qu'attendez-vous pour commencer ?
Et des bisous <3
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— Et du coup, vous êtes mort comment ?
— Comme un chien…
— C'est-à-dire ?
— Un mec s’est jeté sur moi, m’a roué de coups. Puis, il m’a fracassé le crâne sur le trottoir. J’ai rien vu venir! Un fumier de première grandeur !
— La vache… Vous aviez dû bien l’emmerder celui-là ?
— Pas vraiment, je ne l’avais jamais vu.
— C’est ballot… Imaginez que le gars se soit trompé de personne…
— Putain… c’est ce que je n’arrête pas de me dire. Ce con m’a sûrement pris pour un autre !
— Ah oui, mais là… Ça ne change pas grand-chose à la situation. C’est votre tour de passer à la caisse.
— La caisse ?
— Je me présente… Je suis une sorte de comptable. Je dois faire le bilan de votre pathétique existence. Comme pour une société, y’aura des plus et des moins. Si vous avez réussi à équilibrer vos comptes… ça ira. Mais je vais être honnête, dans votre cas, l’addition risque d’être salée.
— De toute façon je suis mort… Que peut-il m’arriver de plus ?
— Détrompez-vous, mon ami… La mort ne saurait vous dédouaner de vos dettes. Votre âme s’en porterait garante.
— Mon âme ? Mais je n’ai pas d’âme, je ne suis pas croyant !
— Il est vrai que vous n’avez jamais pris le temps de faire connaissance avec votre âme. Se sentant méprisée et pas vraiment à sa place dans ce corps de rustre malodorant… elle resta cacher et meurtrie. Mais, je peux vous le certifier, votre âme est bien la seule chose qui reste de vous…
Berni n’en croyait pas ses oreilles. Même mort, on allait encore le faire chier avec une soi-disant ardoise dont il ignorait tout…
— Donc eh… Dieu existe vraiment ? Je ne veux pas faire mon malin, mais, si on me l'avait dit avant... J'aurai mené ma vie autrement !
— Avec une église à chaque coin de rue et trois religions qui se massacrent à tour de rôle... On ne peut pas faire plus explicite.
— Eh bien, pas tant que ça ! D'ailleurs, en fin de compte, laquelle des trois est légitime ?
— Chacune a sa part de vérité.
— Moi, je trouve quand même tout ça un peu limite. Je vous assure que chez les vivants... L'existence de Dieu fait débat et que les non-croyants gagnent chaque jour du terrain.
— C'est assez vrai. La sécularisation fait son œuvre.
— Je serais vous... je prendrais les devants. Un petit miracle par-ci, une résurrection par-là devrait relancer tout le mic-mac. Moi j'dis ça pour vous, juste pour que d'autres pauvres types comme moi ne se retrouvent pas dans le pétrin !
— Estimez-vous être dans le pétrin ?
— Avec la vie de con que j'ai menée... Je sens que je vais morfler grave !
— C'est pas faux...
Berni n’était pas idiot. Ce passage au purgatoire n’avait jamais été envisagé et son cas allait être difficile à défendre ? L’invétéré joueur de poker en lui prit la direction des négociations avec son hôte.
— Bon… Déjà, je veux négocier avec le patron ! C’est vrai que mon cas est délicat, ça va sûrement se jouer à pas grand-chose.
— Vous croyez ?
— Abaissez vos cartes, mon vieux. Je parie ma dernière cigarette que…
— Ne pariez plus… Je vous y encourage vivement, le coupa la voix d’un ton sec.
— Je peux tout expliquer. Chaque choix, plus ou moins vaseux, qui jalonna ma chienne de vie.
— Je suis tout ouïe.
— Pour commencer, je tiens à dire que je fais partie du haut du panier et que je trouve un peu gonflé qu’on vienne me demander des comptes à moi ! Quand tous les autres chiens galeux doivent passer entre les mailles du filet !
— Un orgueilleux, comme c’est cocasse !
— Bah oui, excusez-moi de m’estimer un poil au-dessus des crétins que je côtoie. Est-ce ma faute, si je suis entouré d’abrutis analphabètes ? Tous ces idiots ne m’arrivent pas à la cheville et ont toujours été jaloux de ma réussite. L’homme qui m’a assassiné en voulait sûrement à mon magot !
— Un avaricieux peut-être ?
— Mais cet argent m’appartient. J’ai sué sang et eau pour ce fric. Je tuerai le premier minable qui tentera de me voler. Ces sangsues m’auraient pompé jusqu’aux derniers euros si je les avais laissés faire ! J’ai besoin de ce pognon pour jouer dans la cour des grands, trouver ma place parmi les cadors !
— Un envieux, cela expliquerait tout !
— Toute ma chienne de vie, j’ai tenté de me faire un nom. Mais on m’a toujours rabaissé, humilié. J’ai été spolié de ce qui me revenait de droit. Je suis une victime du système que je hais ! Il n’y a pas un jour où je n’ai pas été emmerdé !
— Un colérique, par-dessus le marché…
— Mais toute cette vermine m’a toujours considéré comme un moins que rien. Ils méritaient mille fois la mort ! Ils avaient tout, alors que je trainais ma misère. Moi aussi, j’avais droit à la belle vie, au luxe et aux filles faciles.
— Un luxurieux, comme je ne suis pas étonné.
— Moi, je n’ai jamais prétendu avoir fait vœu de chasteté. Le sexe est une juste récompense pour ceux qui le méritent. Après l’effort, le réconfort et quel pied que de s’étendre, épuisé, et dormir après avoir faits des folies de son corps dans un grand lit chaud pendant plusieurs jours d’affilés.
— Le paresseux ferait-il son apparition ?
— Il est vrai que je suis assez fainéant. L’oisiveté est mère de tous les vices et j’en prends souvent ma part. Le travail n’a jamais été fait pour moi et je revendique le droit de ne rien faire. Entre fast-food, chips et bière, je trouve souvent matière à picorer de façon plus ou moins raisonnable.
— Vous les aurez donc tous eus et dans le bon ordre, la gourmandise étant la cerise sur le gâteau, si j’osai…
— J’aime la bouffe et le revendique, cela ne fait pas de moi une mauvaise personne. J’ai trop de bide, j’en conviens et je cumule un peu les problèmes : diabète, cholestérols, varice, hypertension,… Comme tout le monde, je traine avec moi une liste de médoc longue comme un jour sans pain et alors, c’est pas de ça que je suis mort !
— La question sera donc… dans quel cercle des enfers allez-vous bien pouvoir atterrir ? Une personnalité à ce point diverse doit être étudiée avec soin… Et que pensez-vous d’une période d’essai d’un an pour chaque péché ? Je pense que votre vie, aux multiples facettes, mérite bien de « gouter » aux joies des sept cercles infernaux, chacun correspondant à une facette de votre personnalité…
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