Jacques Prévert
Le soir après l’école, dès que le goûter était avalé, c’était l’heure des devoirs. Je les faisais rapidement sans difficulté, je passais souvent plus de temps à écrire mes lignes de punition. Même si j’écoutais d’une oreille la maîtresse, je retenais facilement le cours. Ma mère ne nous aidait pas, on devait juste lui réciter les leçons. Je me souviens encore par cœur de ma leçon de sciences sur l’eau. Pour les poésies, ça prenait un peu plus de temps, elles étaient très longues. Et si l’on se trompait d’un seul mot, ma mère nous renvoyait l’apprendre. On arrêtait de l’apprendre par cœur que lorsqu’il n’y avait plus aucune erreur.
Une fois, j’ai appris un poème « L’orgue de Barbarie » (p.143) de Jacques Prévert. Ce poème me faisait très peur. Après, pendant de nombreuses nuits, j’ai fait des cauchemars, en imaginant le musicien et la petite fille jouer de l’orgue de Barbarie et jouer du couteau aussi, puis assassiner tout le monde. C’est tout de même étrange, ce choix de poème, pour des enfants si jeunes. Même si l’on était aux alentours de Mai 68, et que les poètes classiques étaient délaissés au profit d’une poésie réaliste. Un autre poème, de Prévert aussi, m’inquiétait et me rendait triste « La grasse matinée » (p.145). Il racontait l’histoire d’un mendiant affamé devant des vitrines emplies de bonnes victuailles, qui a fini par voler et tuer un homme pour quelques pièces. Heureusement, tous les poèmes de Prévert que j’ai appris n’étaient pas aussi angoissants.
Le poème de Prévert que j’adorais, c’était « Pour faire le portrait d’un oiseau » (p.148). J’avais même essayé de le faire, pour voir. Ce qui était possible pour le poète était peut-être possible pour moi aussi. J’ai fait un beau dessin. J’ai peint une cage et j’espérais qu’un vrai oiseau y entre et se mette à chanter. Mais ça n’a pas marché, c’était sûrement le signe que mon tableau était mauvais.
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