Le jardin ouvrier
Dans l’appartement au-dessous du nôtre, il y avait une famille que j’aimais bien. Il n’y avait pas d’enfants de notre âge, ils étaient soit plus grands soit plus petits, mais les parents étaient gentils. Ils avaient un jardin ouvrier, on y allait quelquefois avec eux. J’aimais bien leur grand-mère aussi, la grand-mère Colo comme elle était appelée.
Cette mère de famille me répétait toujours qu’elle aimait bien mon père, qu’elle le trouvait beau. Ça me faisait enrager, j’étais jalouse. Un jour qu’elle revenait du jardin, mon père est arrivé à moto quelques minutes après elle. Elle me dit en plaisantant qu’ils avaient passé l’après-midi ensemble au jardin. J’étais furieuse. Je me suis assise sur le bord du trottoir pour attendre pendant des heures le retour de son mari. À peine son mari avait-il garé sa voiture que je suis allée tout lui raconter, l’après-midi de sa femme passée avec mon père au jardin.
Aujourd’hui, je me dis que j’aurais pu déclencher des histoires terribles dans les couples. Je reste cependant convaincue que la voisine devait toutefois avoir un petit faible pour mon père.
La fille aînée de cette famille était fiancée à un grand sportif. Il faisait de l’athlétisme, le 3000 mètres steeple. Il était champion de France. Ce jour-là, il participait aux Jeux Olympiques de Mexico. Tout l’immeuble était, à l’heure de sa course, le nez collé sur les écrans de télé. C’était notre champion. Pendant la course, c’était une vraie frénésie, des hurlements d’encouragement à tous les étages. Il a terminé neuvième. Quelques années plus tard, il a remporté la médaille d’or aux Championnats d’Europe et a participé à deux autres Jeux Olympiques.
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