Ma mère
Ma mère n’a jamais fait la moindre différence entre ses enfants, tous étaient traités de la même façon, à égalité. Elle n’était pas câline non plus, les bisous, ce n’était pas son genre.
Je ne l’ai jamais vu faire le ménage du quotidien, et elle ne nous demandait pas non plus de l’aider. Pourtant, la maison était toujours impeccable. Je ne sais pas à quelle heure elle le faisait, sûrement le matin avant notre réveil ou lorsqu’on était à l’école. Même chose pour le linge, nous étions toujours très propres avec des vêtements parfaitement repassés, toujours tirées à quatre épingles comme elle disait.
Tous les jours, elle allait faire les courses au petit supermarché du coin et chez les commerçants du quartier. Elle adorait ça, c’était l’occasion pour elle de babiller avec beaucoup de monde. Parfois, si elle n’avait pas discuté assez longtemps à son goût, elle retournait une deuxième fois faire les courses. Si bien que contrairement aux copines, on allait rarement faire les courses pour ma mère.
Et moi encore moins que mes sœurs, car si elle m’envoyait acheter quelque chose, je traînais et à droite et à gauche durant tout le chemin si bien qu’arrivée à la boutique, je ne savais plus ce que je devais acheter. Je rentrais en disant « Il n'y en avait plus » ou bien j’achetais n’importe quoi à la place. Ma mère n’était pas contente du tout.
Après cela, elle pensait avoir trouvé la parade, elle écrivait la liste des courses sur un papier qu’elle me donnait. Mais ça ne me plaisait pas du tout, j’avais l’impression d’être prise pour une gourde. Aussitôt sortie de la maison, je jetais la liste et le résultat était le même, j’oubliais ce que je devais acheter. Du coup, je n’allais plus faire les courses, c’est une de mes sœurs qui y allait.
La semaine avant Pâques, le petit supermarché du coin, faisait toujours une campagne publicitaire. Il offrait à tous ses clients, moyennant un certain montant d’achats, un petit poussin. L’animal vivant et piailleur était ramené à la maison dans une petite boîte cartonnée. On l’installait confortablement dans un grand carton au fond de la baignoire et on allait le voir des dizaines de fois par jour et même la nuit. On pressait ma mère pour qu’elle fasse d’autres achats, jusqu’à ce qu’elle ait trois poussins. Avec les trois poussins, on était satisfaite. Je crois qu’après avoir récupéré trois poussins, elle refusait ensuite tout nouvel animal offert. On en choisissait chacun un et leur donnait un nom. On passait des heures à les observer.
Le plus difficile, c’était après Pâques, on devait aller conduire nos trois poussins chez ma grand-mère, dans le poulailler. Dès qu’on retournait en visite chez ma grand-mère, on allait aussitôt voir nos poussins. Mais rapidement, ils grandissaient, et devenaient de petits poulets, si bien qu’on ne pouvait plus les reconnaître parmi les autres volailles.
Aujourd’hui, il est certain que la Société Protectrice des Animaux interdirait ce genre de promotion en accusant le supermarché de maltraitance animale.
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