Il y avait une règle tacite dans l’immeuble, chacune des grandes filles de CM2 avait en charge un petit de maternelle. Pour les autres enfants, du CP au CM1, ils suivaient le groupe à leur gré. Les grandes filles, qui avaient entre dix et douze ans, étaient chargées de conduire à l’école et de ramener à leurs mères les petits de cinq ans.

Les mères se mettaient d’accord entre elles, et avant la rentrée des classes, chaque fille de CM2 savait quel était le petit dont elle devait s’occuper pendant toute l’année scolaire. Elles devaient, tous les jours, leur donner la main durant tout le trajet, leur faire traverser la route en toute sécurité et les conduire dans leurs classes, même chose au retour jusqu’à ce que le petit soit auprès de sa mère.

Quand j’étais en maternelle, c’était Bernadette, la grande qui s’occupait de moi, la fille de la dame du dernier étage qui faisait le catéchisme. Et lorsque j’ai été en CM2, j’avais en charge Pascal, un petit garçon du premier.

On prenait notre rôle très au sérieux, pas de bêtises sur la route de l’école, on était responsable d’un petit. Si une des grandes filles défaillait à sa tâche, elle était aussitôt destituée par les mères de son rôle de responsable. C’était la honte de sa vie, la pire des choses qui puisse lui arriver.

En fin d’année scolaire, la mère du petit offrait un cadeau à la fillette qui en était chargé. J’ai reçu de la mère de Pascal un étui en cuir rouge zippé, avec mes initiales en lettres dorées sur le devant, contenant un nécessaire de manucure. Je le possède encore aujourd’hui, et l’utilise régulièrement.

Je ne sais pas qui avait eu cette idée, mais elle était excellente, les enfants étaient responsabilisés très jeunes.