Ô joie ! Pouvoir tenir un arc dans ses mains, tendre la corde, tirer une flèche ! Aéléa se senti vivante.

• Tiens ! s’exclama Odwan, qui l’observait, tu sais tirer à l’arc !? Et avec quelle souplesse !
• Non, vous croyez ? Ca alors, j’étais persuadée d’être en train d’éplucher des légumes ! Les arcs existent aussi dans l'autre monde vous savez ?
• Quelle effrontée tu fais ! Puisque tu ne daignes pas être aimable, je m’en vais !

Aéléa n’en fit strictement rien, et continua de se délecter de sa passion. Quelques minutes plus tard, un pas ferme se fit entendre dans la cour où était la jeune fille.

• Tu ne m’apprécie pas, cela ne fait aucun doute ! Mais, pourrais-je en avoir la raison ?!

Elle reconnut la voix d’Odwan. Mais quand donc allait-il arrêter de la perturber !?

• En fait, répondit-elle, vous ne m’inspirez pas confiance. Et puis, malgré vos grands airs, vous avez l’air naïf. En plus de ça, vous me tutoyez, et je ne me rappelle pas vous en avoir donné l’autorisation !
• Naïf ?! Moi ?! Oui, je te tutoies, car tu es bien plus jeune que moi ! Et si tu te crois tout permis avec tes manières hautaines, il faudra que tu te réveilles, car ce n’est pas toi qui décides ! Ce n’est pas moi, ni ton frère, mais ton père !
• Mais…

Aéléa s’apprêtait à riposter quand l’Elfe partit sans plus rien ajouter. Elle se fit sévèrement réprimander par son frère qui lui apprit que même si elle était princesse, cela ne l’autorisait pas à insulter un prince ! surtout celui de la Contrée des Montagnes, car il était forgé pour la guerre.

• Le…commença la jeune Elfe.
• Oui ! répliqua son frère, le prince héritier de la Contrée des Montagnes !
• Prince ou pas, il n’avait qu’à pas me chercher ! Moi, quand on me cherche, on me trouve.

Et voilà, après s’être embrouillée avec son père, elle recommençait avec son frère !

Une servante arriva et annonça que le dîner était prêt. Aéléa partit se changer. Elle mit une élégante robe blanche au buste ajusté, ornée d'un léger décolleté arrondi qui laissait ses épaules dénudées. Les manches longues et évasées ressemblaient à des ailes délicates lorsque la jeune fille levait les bras. La robe, cintrée à la ceinture, descendait droit sans créer de volume excessif. Dans sa boîte à bijoux, elle choisit un bracelet en or rond qui enlaçait délicatement son poignet, se terminant en pointe aux majeurs. Lorsqu'elle découvrit son reflet dans le grand miroir, la jeune Elfe se trouva ravissante.

Elle descendit les escaliers qui débouchaient dans un large couloir très éclairé, et dont la lumière semblait sortir directement du mur. Elle y croisa des valets, des servantes, des Elfes du peuple, et à tous elle adressait un sourire ou une parole gratifiante.

Aéléa finit par arriver dans la salle à manger, silencieuse, spacieuse, lumineuse. Elle observa la pièce en détail, car elle n’en avait pas eu le temps auparavant.

Cette pièce était elle aussi taillée dans la roche de la montagne. Aéléa remarqua que des motifs de feuilles de chêne étaient omniprésents dans la salle, prenant différentes formes : ornant les dossiers des chaises, surplombant les portes, décorant les ornements, en somme, présentes partout.

Au dîner, la jeune princesse voulut savoir :

• Que veulent donc dire toutes ces feuilles de chêne ? Pourquoi ce symbole partout ?
• Ces « feuilles », comme tu le dis, répondit le souverain, sont l’emblème de notre peuple, la Contrée Sylvestre, la fierté de nos terres !
• Waou…Fut tout ce que l’adolescente pu répondre.

Après le copieux repas, la jeune fille monta sur le sommet de la montagne ; là, elle constata que le soleil était déjà couché. Déception… Ici, elle pouvait sentir la présence de sa mère, c'est donc tout naturellement qu'elle se mit à lui parler :

• Tu sais, maman, je sais pas trop quoi penser...Cela fait maintenant presque 3 semaines que je suis ici, et j’ai l’impression d’avoir toujours vécu dans ce palais ! Mais il y a quelque-chose qui ne va pas. Je ne parviens pas à mettre de mots dessus. Normalement, les Elfes se battent, ont un tout autre mode de vie, enfin c'est comme ça qu'ils sont représentés...Je pense, non, je sais que je dois trouver la solution de moi-même, mais c’est compliqué ! Je suis de caractère assez ouvert, mais de tempérament très impertinent. Oui, j’ai « clashé » un prince dont je ne connais que le nom et le titre, oui j’ai boudé mon royal père, mais il ne se préoccupait pas assez de moi.

Après ce long monologue, la jeune Elfe s’étendit sur le sol.

Un profond trouble, jusque là si infiniment petit, venait d’envahir une importante part de son esprit.

Pendant ce temps, dans la grande salle, Thellundril étudiait des cartes, tandis que, mollement assis sur son trône, Lundril écoutait ses généraux d’une oreille distraite. Il percevait le brouillard qui avait envahi sa fille, et cela le troublait.

...

Quelques mois plus tard, le Seigneur humain d'Aldmoor, ville située à plusieurs lieues du royaume de Lundril, vint à la rencontre de ce dernier. Le roi Elfe convoqua ses enfants, ainsi qu’Étaure et des officiers :

• Voici Miroslaw, seigneur d'Aldmoor. Il est venu me demander de l’aide.

Thellundril s’avança et s’inclina, puis après s’être redressé, demanda :

• Pourrait-on savoir quelle serait le but de notre aide ?
• Je vais monter une armée. Miroslaw soupira : Les hommes de ma cité ne sont guère formés au combat...ce ne sont que des paysans, des chasseurs tout au plus. Vous seuls êtes aptes à les former comme il se doit.
• Que désireriez-vous que nous leur enseignions ? questionna Thellundril.
• Tout ce qui pourrait être utile au combat : l’art de manier arc ou épée, monter à cheval, que sais-je encore ! Ils ont tout à apprendre.
• Y’a du boulot, marmonna Aéléa, puis tout haut : Père, avec votre permission, j’accepterai volontiers d’enseigner à ce peuple comment s’y prendre avec les chevaux !

D’un geste de la main, le roi Sylvestre répondit à Miroslaw:

• Eh bien soit, nous allons vous aider !

Puis, se tournant vers sa fille :

• Puisse cette tâche faire disparaître ta nostalgie, mon enfant !

Le roi Miroslaw prit la parole :

• Le peuple d'Aldmoor vous remercie solennellement pour l’aide que vous acceptez de nous porter.
• Depuis maints siècles nous nous entraidons, rappela Lundril, c’est tout à fait naturel.

Miroslaw s’inclina, remercia encore et partit.

• Écoutez tous ! Ordonna Lundril, il ne faut pas prendre cette mission à la légère, mais si tel est le cas pour vous, sachez qu’il y va de la vie de milliers d’innocents mortels !

Intriguée, Aéléa prit la parole :

• Mais de quoi ou qui doivent-ils se défendre au juste ? Tout à l’air si calme, si paisible !
• J’aimerais vraiment que ce que tu dis là soit vrai. Répliqua le souverain, mais las, la paix n’a pas eu lieu ici depuis des centaines d’années !
• Que s’est-il passé ?
• Je t’expliquerai, intervint Thellundril.
• Bien, reprit le roi, la réunion est terminée ! Merci d’avoir répondu présent.

Tous sortirent, exceptés quelques généraux qui voulaient parler stratégie. Ils mirent en place un programme afin de bien organiser les différentes disciplines qu’ils avaient à enseigner aux humains.

Quelques mois plus tard, la jeune Elfe avait énormément changé, aussi bien physiquement que mentalement.

Elle s’était affinée, avait encore grandit, ses cheveux avaient étonnamment foncé, jusqu’à devenir auburn. Ses yeux étaient les mêmes, seule leur lueur changea : une lueur pleine de savoirs acquis, d’expérience, une lueur sûre, ferme.

Aéléa s’avéra être très douée pour tenir une conversation calmement et poliment, et la danse n’avait plus de secrets pour elle. En la voyant s’épanouir ainsi, le roi la chérissait de plus en plus. Lui rappelant sa défunte épouse, sa fille devenait sa priorité.