Par une somptueuse matinée ensoleillée, il se rendit à l'académie d'Arytor où l'on forme les meilleurs guerriers du continent. Comme à son habitude, son apparence et son armure cliquetante retenaient l'attention et stoppaient les activités des autres. Il monta les escaliers en spirale jusqu'à atteindre une petite salle contenant un bureau, quelques chaises et une bibliothèque au mur. Là, un elfe l'accueille d'une poignée de mains chaleureuse. Ils échangèrent quelques mots puis descendirent vers les salles d'entraînement. Jetant un coup d'oeil expert sur les nouvelles recrues de l'année, Cerulean commença :

"Et tu compte vraiment en faire les meilleurs guerriers du continent ? Tes capacités se sont légèrement affaiblies au fil du temps, mon cher.

- Je t'en prie, ne me fais pas penser à ma jeunesse, tu es là depuis plusieurs siècles, bien entendu que je perds de ma vigueur. De plus, je t'assure que ceux-là sont prometteurs. Toi qui a étudié toutes les méthodes de combat, tu es sûr de ne pas vouloir te joindre aux maîtres ?

- Je suis un maître mais pour moi-même. Et tu sais très bien que je ne supporte ni d'appartenir à un cadre, ni d'enseigner aux enfants.

- Ils sont tout de même âgés de vingt ans au moins. Mais comme tu voudras, merci d'avoir pris le temps de passer.

- Je ne refuse jamais de voir l'un de mes plus fidèles amis. Je repasserais dans quelques mois, Beülar. D'ici là, entraîne bien tes petits protégés. Je les mettrais personnellement à l'épreuve cette fois-ci.

- Entendu."

Cerulean tourna les talons et se dirigea vers la sortie. Il était certes assez froid dans ses réponses mais il savait entretenir ses amitiés sincères. Jadis, il avait sauvé Beülar d'un démon ayant dévoré la moitié d'un village. L'elfe avait été appelé pour vaincre ce mal mais la bête s'était révélée au-dessus de ses forces. Cerulean abattit le démon en quelques minutes après avoir entendu des cris dans la montagne mais Beülar avait déjà perdu son bras. Leur amitié avait débuté quelques années auparavant mais le loup bleu avait ses habitudes bien à lui et ne pouvait se montrer que tout les dix ans s'il le désirait.

Il appréciait de temps en temps aider les mortels de ce monde et se satisfaisait de leurs remerciements. Ses journées étaient assez tranquilles, il pensait plus souvent à long terme et accomplissait ses actions au moment qu'il trouvait le plus judicieux. Il revenait cependant tous les jours à Arytor, comme une sorte de rituel, même si la distance se montrait immense. Il survolait quelques instants la cité, observant les habitants ordinaires et les étrangers. Et se disait que parfois, il aurait voulu naître dans un autre corps et mener une vie simple. Mais il sortait rapidement de cette nostalgie, car beaucoup de choses restaient à faire.

Malgré sa renommée, il était libre.

Il prenait beaucoup de temps pour lui. Lustrer ses plumes et sa fourrure, aiguiser ses griffes, peindre, s'entraîner d'avantage et lire faisaient partie de ses activités quotidiennes. Et il gardait ses oeuvres et livres dans une caverne luxueuse aménagée par ses soins raffinés. Il chérissait sa demeure, construite dans les galeries jouxtant cette grotte au sein de la montagne près d'Arytor. Et souvent il se posait à l'entrée pour regarder la neige tomber et recouvrir le monde d'un filtre blanc.

Il savourait sa vie. Même en étant immortel.