Hugues 2
La salle du banquet du château était pleine à craquer. Tout Carrinville voulait fêter la victoire du jeune prodige. Les tables débordaient de viande et de vin, l'orchestre jouait un air entrainant, les hommes et les femmes buvaient et riaient. Richard Popincourt était à la table du comte, tout sourire. Les femmes étaient sous son charme. Des jeunes pucelles aux vieilles délabrées, toutes fantasmaient sur ce blondinet au sourire ravageur qui avait terrassé le chevalier sans-cœur. Il était maintenant surnommé le chevalier au chat, hommage à son félin roux et bedonnant dont il s'était servi pour me battre. Le gros rouquin était là d'ailleurs, au côté de Richard. Il avalait une énorme portion d'ailes de poulet bien grasse sans même prendre le temps de mâcher. Etouffe-toi avec, pensais-je. Enguerrand me lança un regard, et s'installa à une table entre deux femmes qui brillaient plus par leur ébriété avancée que par leur classe naturelle. Enguerrand disait souvent que toutes les femmes étaient belles, il suffisait juste trouver l'alcool qui convenait. Il posa un bras autour de chacune de ses proies du soir, et me fit un clin d'œil.
Je n'avais rien dit à Enguerrand sur mon plan, il aurait été capable de tout faire rater. Si tout va bien, j'aurais largement compensé les cinq cents pièces d'or qui me revenait de droit. Je m'installais à la table des participants au tournoi et commença à me servir un gros morceau de bœuf ainsi qu'un verre de vin. Je jetais régulièrement des coups d'œil à la table du comte, et particulièrement à Aliénor. Nos regards se croisèrent plusieurs fois et je la voyais faire des petits sourire en coin. Tout se déroulait parfaitement.
Une main se posait sur mon épaule, c'était un des domestiques du comte. Celui-ci souhaitait que je le rejoigne à sa table. Je finis mon verre de vin, puis me leva pour rejoindre la table. Le comte Robert et Aliénor étaient assis côte à côte, Richard en face du comte. Je m'assis donc en face d'Aliénor.
– Voici donc le chevalier sans-cœur ! Dit le comte qui semblait déjà passablement éméché.
– Merci de me recevoir à votre table, monsieur le comte. Répondis-je poliment.
– Nous étions en train de parler de vous avec Richard, votre présence semblait donc pertinente.
Le comte se tourna vers richard, avala une grosse gorgée de vin et dit :
– Connaissez-vous la véritable histoire d'Hugues Popincourt ? Mais avant que Richard puisse ouvrir la bouche, il continua.
– Il vient d'une famille Popincourt avec de modestes moyens, à Merville, à l'autre bout du royaume. Sa famille avait arrangé un mariage avec Blanche D'Arcourt, une des familles les plus riches du royaume, ils souhaitaient avoir du sang Popincourt dans leur lignée. Mais ce crétin refusa. Les D'Arcourt prirent très mal cet affront, ce qui mena à la bataille de Fort-Sommeil. Même s'il gagna cette bataille, les D'Arcourt était trop puissant et trop influents pour eux. Si bien que la famille d'Hugues préféra trouver un accord pour mettre fin au conflit. Cet accord comprenait une somme d'argent à payer régulièrement aux D'Arcourt. C'est donc pour payer les D'Arcourt qu'Hugues écume les tournois.
Pendant que le comte racontait ma vie, je regardais la vraie raison de mon refus du mariage avec Blanche D'Arcourt, et ce qu'il ne savait pas, c'est qu'elle se trouvait juste en face de moi. A cette époque, Aliénor et moi étions fous amoureux l'un de l'autre, et pour rien au monde je n'aurais épousé une femme autre qu'elle. Le comte pensait que notre histoire était juste une petite amourette de jeunes gens, Aliénor n'avait jamais osé lui dire la vérité. Elle m'avait trahi, alors que nous nous étions promis de rester ensemble pour toujours, elle s'était enfuie, et avait épousé cet ivrogne de comte. Je crois qu'à partir de ce moment, j'ai perdu espoir dans l'humanité. J'ai ensuite toujours préféré la compagnie des animaux, en particulier de Providence. Maintenant, Aliénor allait me servir à dépouiller le comte de son bien le plus précieux. Elle me devait bien ça après tout.
Le chevalier au chat me regarda et me dit :
– Je tiens à m'excuser pour notre duel, vous êtes un combattant d'exception, certainement le meilleur du royaume, et je devais ruser pour avoir une chance de vous battre. Tout le mérite de ma victoire revient à mon chat Firmin.
Sur ces paroles, ledit Firmin émit un miaulement rauque qui fit s'éclaffer le comte. Je ne prêtais guère d'intérêt à ce que me disait Richard. Ce qui m'importait, c'était la jambe d'Aliénor qui se frottait à la mienne sous la table. Je fis comme si de rien n'était. Je mentis à Richard en lui disant qu'il méritait sa victoire.
La soirée continuait sur d'autres sujets tel le Don des Popincourt ou encore la politique du royaume. Le comte, fidèle à sa réputation enchainait les verres de vin et chancelait de plus en plus sur son siège. Il était alcoolique et volage, pour le plus grand malheur d'Aliénor. Lorsqu'une servante vint remplir une nouvelle fois son verre, il l'attrapa par la taille et la fit assoir sur ses genoux. Aliénor, furieuse, me regarda dans le fond des yeux, et partit dans ses appartements. Robert haussa les épaules et continua son numéro de charme. Richard, mal à l'aise par la scène, déclara qu'il souhaitait aller danser. J'en profitais pour m'éclipser également. Je filais voir Enguerrand. Je le retrouvais avec une des deux filles de tout à l'heure. Il était en train de parvenir à ses fins. Je l'interrompis pour lui dire qu'il devait aller préparer Providence, car nous n'allions pas tarder à partir. Il fit une moue déçue, mais s'exécuta.
De mon côté, j'observais le comte. Il était trop occupé à flirter avec sa servante pour me surveiller. Je filais discrètement rejoindre Aliénor. Celle-ci m'attendait à l'écart de la fête. Quand elle me vit, son visage s'illumina. Elle me mit son index sur mes lèvres, et m'entraina dans la chambre conjugale, loin des regards. Une fois arrivée, elle m'embrassa passionnément. Je lui rendis son baiser. Plus que la douceur des lèvres d'Aliénor, c'est ce qui était accroché sur le mur qui me combla de bonheur. Je savais que le comte possédait un bouclier de pierre de lune, et je me doutais qu'il le gardait bien précieusement dans sa chambre. La vente d'un tel artefact me rapportera bien plus que les cinq cents pièces d'or de la victoire au tournoi. Alinéor était mon seul moyen d'approcher la chambre du comte et elle avait joué son rôle à la perfection. Mon plan initial était de parvenir à voler le bouclier et de compter sur la discretion d'Alénior. Elle ne voudrait certainement jamais avouer à son époux qu'elle m'aura fait venir dans leur chambre. Mais maintenant que j'étais là, je la désirais. Je ne pourrais dire si c'était un relent de notre relation passée ou juste pour me venger de l'affront de ma défaite au tournoi. Je passais une main sur son dos, et glissait l'autre sur ses cuisses afin de remonter sa robe. Elle me stoppa net.
– Non Hugues, je ne peux pas faire ça. Je suis désolé, je n'aurais pas dû t'embrasser. Est-ce qu'on peut discuter un peu ?
Je ne voulais pas discuter, je voulais souiller celle qui était la femme du comte ainsi que mon ancien amour. Elle essaya de se dégager, mais je la tenais fermement. Je lui infligeais une claque en plein visage qui lui fit monter les larmes aux yeux, puis je la retournais, et la plaquais sur le bureau du comte. Je remontais ensuite sa robe, et commença ma besogne. Elle ne se débattait plus. Je l'entendais juste pleurnicher. Et tout en la violant celle qui m'avait jadis abandonné, je regardais le bouclier de pierre de lune accroché sur le mur qui serait bientôt en ma possession.
Au loin, la cloche du château retentit, ce qui interrompit mon affaire.
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