Chapitre 5 : Onze ans
En l’an 1556, la jeune sorcière allait vivre une année qui changerait sa vie du tout au tout, sans retour en arrière possible.
Gaïana était assise sur la pelouse avec sa mère et Cernunnos. Ils passèrent sont onzième anniversaire dans la joie et la festivité. Ils mangeaient un gâteau que Cerridwen avait préparé avec soin. Il s’agissait d’un délicieux Kouign Amman, traditionnel de leur région natale. Le beurre avait été acheté la veille au soir à un éleveur de vaches au nord de la forêt. Cerridwen était satisfaite de cette transformation magique d’un bloc de beurre en un juteux et si goûteux gâteau. Cernunnos, qui était un cerf avec un appétit de loup, finit le gâteau en mangeant la moitié de celui-ci. Cela amusait Gaïana qui passait son meilleur anniversaire, avec tout de même un seul regret, de ne pas pouvoir le passer avec son père. Elle pensa à son père toute la journée et se mit à imaginer des scènes, atroces à un jeune esprit ; des scènes exprimant la mort de sa chère et tendre mère. Mais très vite rattrapée par la douce réalité, elle riait et s’amusait en compagnie de sa famille, dégustant à pleine dents son gâteau et son anniversaire.
Les jours passèrent, arrivait l’hiver. La jeune sorcière enchaînait les missions, comme elle le faisait depuis déjà huit longues années. Toujours à peu près la même histoire : une sorcière est en danger de mort imminente pour cause de sa pratique jugée illégale et impure. Voilà l’état de l’Occident chrétien l’ère de la Renaissance… Le destin de l’Irlande et de ses sorcières les plus vulnérables reposaient les épaules seules de la petite sorcière Gaïana. « À son âge, déjà tant de responsabilité, se dit Cernunnos, ce n’est plus envisageable ! » Cernunnos prit du temps à se décider de qui serait la nouvelle alliée de Gaïana au cours de ses missions. « Ce sera toi ! dit-il, d’un air assuré. » Cernunnos avait choisi, il ne restait plus qu’à faire les présentations.
Il faut savoir que lorsque Cernunnos avait choisi la nouvelle partenaire de Gaïana, il s’attendait à une réaction de joie et de soulagement. Ce qu’il en fût en réalité était d’un tout autre registre. Lorsqu’il avait pris contact avec Dagda, une autre divinité, qui était la seule autre divinité à avoir une protégée sur le territoire irlandais, il ne s’attendait pas le moins du monde à voir arriver une enfant de sept ans à peine… « Il faudra faire avec, se dit le Grand Cerf, en plus, Gaïana, qui n’a jamais eu de petite-sœur, ne pourra être que satisfaite. » Arrivèrent le moment que Cernunnos avait choisi pour présenter sa nouvelle partenaire à Gaïana.
« – Gaïana, jeune prodige, sache que désormais tu ne seras plus seule. entra brutalement en matière Cernunnos.
– Continue, mais je sens que ça ne va pas me plaire. rétorqua l’adolescente, quelque peu agacée.
– Je te présente… Luciana et Dagda ! Ce seront nos deux nouvelles coéquipières. Dagda est la divinité qui protège Luciana, qui est encore trop inexpérimentée pour combattre seule.
– Super… Me voilà à me coltiner une débutante… J’en ai de la chance.
– N’est-ce pas ? Aller, tire pas cette tête, j’ai une mission pour vous ! Vous devez aller chasser un esprit malintentionné qui réside près de la ville de Galeway. Cette mission sera une bonne entrée en matière pour apprendre à vous connaître.
– Bon, épargne-nous ton blabla qu’on en finisse. »
Lorsque Gaïana, téléportée par Cernunnos et Luciana, par Dagda, arrivèrent sur les lieux dans un petit village près de Galeway. L’adolescente apprentie sorcière, qui se voyait déjà être la nouvelle Aradia à l’irlandaise, se mit immédiatement au travail. Luciana était une petite-fille maigre et pauvre. Elle était blonde et son teint était lumineux. Ses yeux verts, digne d’une prairie au printemps se mirent à se crisper dès lors que Gaïana trouva la planque de l’esprit. Sans une once d’hésitation, elle fonça, tête baissée.
« – Monstre d’esprit impur, je vais te réduire à néant !
– Dagda, j’ai … j’ai peur… Sors-moi de là, je t’en prie ! exprima la petite Luciana.
– Luciana, tu n’es qu’une faiblarde ! Tu n’arriveras jamais à rien si tu as peur. Moi, je suis une guerrière, je n’ai jamais eu peur.
– La ferme, jeune idiote ! haussa le ton la divinité qui protégeait la petite-fille.
Gaïana, qui récitait les incantations pour chasser l’esprit impur de la maison abandonnée, se prit une charge magique d’une couleur verdâtre venant de Dagda. « Là, c’en ait trop ! se dit Cernunnos »
L’adolescente, qui eut à peine le temps de finir le travail qu’elle devait accomplir s’écroula au sol. Cernunnos, fou de rage, sorti les bois et les sabots de feu. Le combat entre divinités était lancé !
Le combat était féroce, mais il n’est guère important d’en savoir plus que c’est Cernunnos qui l’a remporté. Dagda et Luciana avaient été terrassés par le Grand Cerf à qui on avait trahi la confiance.
« – Le partenariat prend fin ici et maintenant ! Quant à toi, Dagda, je saurai désormais que je ne peux te faire confiance. Quel idiot ai-je pu être pour te croire mon ami. Nous savons tous deux comment ça se passe là-haut.
– Soit-en certain Cernunnos, nos chemins ne se recroiseront plus. Que mon pouvoir se disperse. »
Cernunnos amena Gaïana chez elle et l’abreuva de l’eau du lac. Elle était déshydratée à cause du sort de Dagda qui avait cet effet pour objectif. « Et dire qu’Elle était prête à la tuer ! Quel idiote ! »
Cerridwen, ayant encore de vagues souvenir de quand elle était rentré dans le même état il y a sept ans, était prise de panique. Cernunnos la rassura, elle se calma et l’alita. Il fallut attendre trente minutes après qu’elle eut ingurgité l’eau du lac pour qu’elle se réveilla.
« – Dagda ! Elle m’a dépossédé de tous mes pouvoirs. dit Gaïana, encore entre le sommeil et le réveil.
– Je peux t’assurer que c’est faux, rétorqua Cernunnos.
– Cernunnos ? Tu es là ? Je t’entends mais je ne te vois pas ?! Où es-tu ? Si c’est une mauvaise blague, elle ne me fait pas rire !
Cernunnos était paniqué, l’espace d’un instant, il se mit à penser au pire. Cela ne pouvait pas arriver. Et si… Mais non, voyons. Elle ne me ferais pas un coup aussi bas. Est-ce que Gaïana ne pourrait plus être une sorcière de combat ? L’a-t-on réellement dépossédé de ses pouvoirs et par conséquent, déliée de Cernunnos ?
Gaïana, face a son destin, celui de la nature et non des divinités, était sur le point de prendre un tournant qu’elle n’osait imaginer jusqu’alors. Faire face à l’armée catholique, aux esprits, à toutes les hostilités de ce monde sans son ami Cernunnos, comment allait-elle le supporter, le subir de plein fouet ? Une longue et périlleuse descente aux Enfers s’annonçait pour la jeune adolescente. Elle qui se voyait comme la nouvelle Aradia, la voilà réduite à néant.
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