Ch 5 (2/2)
Il lisait sur leur visage comme dans un livre ouvert. Udiir y voyait de la peur et du dégoût. Le chaman ne s'attendait pas à autre chose. Il avait longtemps redouté et appréhendé ce moment. Il avait su depuis toujours que son apparence, ou ses pouvoirs, provoqueraient de l'hostilité.
Alka se plaça près de son cavalier et émit un grognement d'inquiétude en frottant son museau contre le torse du chaman. La pauvre bête était couverte de coupures et d'ecchymoses sur ses deux flancs. Udiir s'approcha pour soigner son amie mais il fut stoppé net par un sifflement, un instant après un flèche lui transperça l'épaule gauche. Udiir fut certes pris au dépourvu mais il ne sentit presque rien, son corps était encore sous l'effet de l'adrénaline et cela rendait la douleur inexistante. Kiara et Arya firent volte-face comme une seule personne, leurs regards inquisiteurs traquant le tireur. Les deux Arginanes trouvèrent rapidement l'archer responsable du trait qui avait meurtri l'épaule de leur frère. C'était un jeune elfe, un aventurier, au regard acéré empli d'agressivité. Sa main était sur le point de saisir une seconde flèche dans son carquois, mais Kiara l'envoya aussitôt au tapis d'un violent coup de son bouclier d'acier, lui arrachant une dent et lui déchirant la lèvre supérieure au passage.
L'elfe roula dans la boue, avant de se relever la bouche pleine de sang, jetant un regard éberlué à la chevalière sacrée. Plusieurs regards désapprobateurs suivirent celui de l'archer et plusieurs soldats portèrent la main à leurs armes. Les mages commencèrent à incanter, la magie se mit à tourbillonner tout autour des troupes erganiennes, quelques guerriers tirèrent leurs armes. Kiara invoqua la lumière de Bal'Dar, son armure de plaques se mit à briller, Artha en appela à la magie et un vent glacial se mit à souffler autour d'elle.
La situation commençait très sérieusement à dégénérer, Udiir empoigna la hampe du trait planté dans son épaule et l’arracha du coup sec sans broncher. Le chaman soigna la plaie avec le pouvoir de Aquos puis saisit la sangle de la selle d’Alka se tenant prêt à l’enfourcher à tout instant. Mais ses sœurs avaient plus d’un tour dans leur manche. Elles se campèrent entre les soldats et lui, bien décidées à ne laisser personne toucher à leur petit frère.
Le groupe d’aventuriers auquel l’archer elfe appartenait se regroupa en première ligne. Leur leader, un humain trapu à la peau olive, s’avança l’œil mauvais et dit, d’un ton qui se voulait le plus menaçant possible :
-Soldats vous avez agressé l’un de mes coéquipiers, j’accepte de passer l’éponge si vous…
Il n’eut pas le temps de poursuivre, Kiara planta son bouclier dans le sol et provoqua une violente onde de choc lumineuse qui tétanisa de peur toute l’escouade et fit taire les protestations comme elles avaient commencé.
Le silence revenu, la chevalière parla d’une voix implacable :
- Soldats d’Erganane écoutez moi tous autant que vous êtes ! Elle se retourna en désignant Udiir. Ce guerrier est un membre de notre clan et notre petit frère, il est votre allié dans cette guerre. Au cas où cela vous aurait échappé, il vient de vous sauver d’une attaque surprise.
Le discours cloua toute la troupe de surprise. La chevalière planta ses yeux de braises dans ceux du guerrier avant d’ajouter :
- Ne vous avisez plus jamais de lever la main sur lui, vous savez ce qu’il vous en coûterait.
Cette phrase suffit à faire disparaître toute idée d’hostilité au sein de l’escouade. Soulagé, Udiir voulut enfourcher Alka mais Arya l’arrêta, lui saisissant l’épaule. Le jeune chaman interrogea la magicienne du regard puis sentant ses jambes se dérober et la douleur enflammer peu à peu son corps il comprit. Ses blessures étaient trop graves pour qu’il tente le voyage de retour.
Il pensa invoquer les éléments pour se soigner, mais le combat contre l’amazone l’avait vidé de ses dernières réserves d’énergie. Il sentit peu à peu la fatigue le happer et brouiller ses sens alors que les subalternes de ses sœurs l’entouraient. La dernière chose qu’il vit fut les soigneurs et les herboristes qui, avec réticence, l’encourageaient à s’asseoir et commençaient à le soigner à l’aide de lumière sacrée, de cataplasmes et de bandages. Après quoi ses yeux se fermèrent, et il sombra dans un sommeil sans rêve.
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