Ch 6 (2/2)
Sans plus de cérémonie les mages aux ordres de la magicienne de glace se mirent en mouvement, avant de se placer en cercle autour du groupe composé des trois Arginanes et des soldats.
L’air ambiant devint lourd, l’énergie arcanique se mit à tourbillonner tout autour de l’escouade. Les yeux des mages ainsi que leurs spectres se mirent à briller d’une lumière bleue, une figure géométrique brillante se forma au sol autour du groupe et des mages.
Ces derniers commencèrent alors à psalmodier :
-SARIACUM-DIMENTIO…EXPANTUM-SPATIUM…TRANSPA-TELEPORTIO !
Sitôt le dernier mot de l’incantation prononcé, un pilier de lumière jaillit du cercle brillant et enveloppa tout le groupe. La lumière brilla pendant quelques secondes avant de s’éteindre aussi brutalement qu’elle était apparue, mais à la place du groupe il n’y avait plus rien, ils s’étaient téléportés.
Udiir n’avait jamais expérimenté la téléportation. C’était comme s’il nageait dans un océan de lumière et d’étoiles. L’espace s’étendait et se compressait devant lui. Il ne connaissait pas tous les secrets autour de cette magie, mais il savait cependant que son principe consistait à déplacer une masse d’un point à un autre soit en ouvrant un portail soit en manipulant l’espace entre les deux points.
Le sortilège du portail prenait du temps à être lancé, il était donc la plupart du temps employé pour durer sur le long terme et donc pour des destinations lointaines. Le second sortilège quant à lui demandait moins de préparation mais en contrepartie ne couvrait qu’une maigre distance en comparaison du portail. Cependant il permettait de se déplacer rapidement avec un minimum de chance d’être pisté par magie contrairement au sort du portail.
La lumière dans laquelle baignait Udiir, brilla soudain plus fort et l’instant d’après il se tenait sur la place du village du clan Arginanes. Autour du groupe, les habitants avaient cessé leurs activités pour les fixer avec des yeux ronds. En moins de dix minutes tout le village était informé de l’arrivée de la troupe hétéroclite. Roy et Alyssia accoururent à toutes jambes. Ils étaient livides et leurs yeux étaient lourds de fatigue. Udiir sentit la culpabilité lui serrer le cœur. C’était probablement à cause de son départ précipité et de ses paroles inquiétantes qu’ils étaient dans cet état. Derrière eux se tenaient le seigneur Jayce et Mathias.
Le couple se jeta au cou de ses enfants. Les parents couvrirent leurs filles et leur fils de baisers, avant de les assaillir de questions. Avant de répondre à leurs parents, Arya et Kiara donnèrent des instructions à leur subordonnés respectifs. Cela fait, le groupe s’isola dans la maison du chef afin de discuter de la situation.
Une fois assis dans le grand salon de la maison en pierre et en bois de pin de ses parents, Udiir commença son récit. Bien entendu Roy et Alyssia furent paniqués en apprenant que l’existence d’Udiir avait été révélée à l’armée, Jayce et Mathias également.
« Mais pourquoi es-tu intervenu ? demanda soudain le seigneur Jayce, d’un ton désemparé.
Udiir se rendit compte qu’il n’avait effectivement pas expliqué cette partie des évènements. Il fit donc un rapide résumé de sa vision, de ce qu’il avait perçu du sommet de la montagne et enfin de son choix d’intercepter les forces ennemies. Puis il reprit son récit. Il n’omit rien, de son départ de la montagne à son duel à mort contre Marxia. Ses parents et le seigneur écoutèrent sans autre interruption. Si Udiir lut de la peur dans leur regard, lorsqu’il évoqua ses blessures et le nombre d’ennemis, il y lut également de la fierté quand il arriva au passage concernant son affrontement contre l’amazone.
À la fin de son récit, Udiir soupira de fatigue. En dépit des soins apportés par ses sœurs, il était malgré tout loin d’avoir récupéré. Ses muscles lui faisaient mal, la faim grondait dans son ventre, et il sentait le fauve. Mais avant d’avoir droit à un bon repas et un bain chaud il devait régler certains problèmes, le premier étant la découverte de son existence par l’armée erganienne.
Au bout d’une minute de silence, Roy prit la parole :
-Voilà ce que nous allons faire. Udiir tu vas commencer par remonter chez toi avec Mathias et tes sœurs pour te reposer et te laver. Ta mère, le seigneur Jayce et moi allons réfléchir à la manière dont nous allons faire face à la situation.
Les jeunes gens voulurent rester pour aider, mais Alyssia répliqua :
-Mes filles, votre frère a besoin de repos et de se nourrir, Mathias et vous également. Montez à la forge, et nous reparlerons de tout cela dès demain.
Le quatuor comprit qu’il ne servait plus à rien de discuter. Udiir ramassa ses affaires et suivi de ses sœurs et de Mathias, il commença son ascension de la montagne, juché sur le dos d’Alka.
Environ une heure plus tard, le quatuor arrivait à la forge d’Udiir. Ils étaient épuisés et affamés, et sentaient le fauve. Udiir proposa aux filles d’aller prendre un bain tandis que lui et Mathias feraient à manger. Mais ses sœurs et Mathias exigèrent qu’il aille se laver le premier et insistèrent pour prendre en main la préparation du déjeuner. Le chaman abandonna rapidement le débat, puis partit se détendre dans le bain chaud. La sensation provoquée par l’eau fut une vraie délivrance pour le corps endolori d’Udiir, la mousse du savon emportant toute la crasse également. Lorsque Udiir sortit du bain, il ne savait plus depuis combien de temps il y était, et à vrai dire il s’en moquait, il était si fatigué.
En remontant l’escalier de pierre, le chaman sentit une alléchante odeur de viande, d’œuf grillé et de lait chaud lui chatouiller les narines. En arrivant à la surface il découvrit, une bonne assiette de bacon et d’œufs au plat avec un bol de lait. Arya, Kiara et Mathias avaient allumé un feu, installé une marmite dessus et une table.
Cédant à l’appel de son estomac, Udiir s’assit à table et dévora le contenu de l’assiette en bois. Il mangea si vite qu’en seulement 5 minutes tout avait disparu. Son ventre satisfait, Udiir sentit le sommeil l’appeler, il remercia ses sœurs et Mathias puis se dirigea vers sa chambre.
Le chaman s’assit sur sa couchette, et sortit de sa poche le bijou qu’il avait arraché à sa mystérieuse visiteuse nocturne. Il se demandait encore qui cela pouvait-il être. Il passa encore quelques minutes à se questionner avant que le besoin de dormir ne soit trop fort pour qu’il y résiste. Il s’affala sur son lit et sombra dans un profond sommeil.
Ce dernier fut une fois de plus chargé de rêves étranges, les esprits des éléments fusaient tout autour de la conscience du chaman. C’était un vrai feu d’artifice d’énergie et de couleur, dans l’océan de l’obscurité du sommeil. Puis tout à coup les esprits cessèrent de bouger et se placèrent en cercle autour de Udiir. Le chaman s’attendait à ce qu’ils prennent la parole, mais soudain un hurlement strident retentit et le voile d’obscurité explosa. La conscience d’Udiir, fut comme aspirée pour se retrouver dans un lieu semblable à une arène. Un immense terrain dallé entouré de gradins se tenait devant lui. Sur ce dernier, un ours géant et une femme à six bras se livraient un duel féroce. À chacun de leurs coups le sol tremblait et un fracas digne du tonnerre retentissait déchirant les tympans du chaman.
Les deux adversaires, finirent par se repousser mutuellement et se retrouvèrent aux deux extrémités de l’arène. S’en suivit un cri inarticulé horrible. Pendant plusieurs secondes Udiir ne parvint pas à distinguer les mots que les deux adversaires échangeaient.
La vision du chaman se mit soudain à trembler et il sentit que sa conscience était rappelée vers le monde réel. Juste avant d’être arraché au rêve, Udiir entendit distinctement ce que disaient les deux êtres mystérieux.
-IL EST À MOI !
Lorsque le forgeron se réveilla, il vit Arya en train de le secouer pour le réveiller, l’air affolé. Encore somnolent, Udiir lui demanda ce qui la mettait dans un état pareil. Elle lui répondit presque en criant :
-Il se passe que le village et la montagne sont assiégés !
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