Ch 3 (5/5) [Réécris v2]

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Blessée, la créature encapuchonnée mit un genou à terre, il cracha plusieurs fois du sang avant de parvenir à reprendre sa respiration. Le nourrisson se mit à pleurer à chaudes larmes, comme s’il était conscient de l’état de son père. Ce dernier le berça en chantonnant, ce qui le calma le bébé aussitôt. Visiblement satisfait, le colosse se releva et reprit la route d’un pas ferme. C’était comme si la lance qui lui transperçait le corps ne lui faisait rien. Le bras de l’amazone qu’il avait tranché était encore accroché à la hampe de l’arme, comme mû par sa volonté propre, le poing restait fermement serré sur la tige d’acier, cette pensée fit frissonner Udiir.

Le temps sembla accélérer et le décor de la vision changea : il faisait jour à présent, un grand soleil brillait dans le ciel, le colosse avait délaissé sa capuche laissant apparaître son visage et son crâne rasé. Mais sa peau avait pâli et la plaie dans son dos s’était de toute évidence infectée, du pus en coulait se mêlant au sang séché. Au loin se dressait une montagne qu’Udiir ne connaissait que trop bien : c’était la sienne, la montagne des éléments. Le temps défila une fois de plus, cette fois l’étranger était au pied de la montagne à deux doigts de s’effondrer et face à lui se tenaient deux humains dont les visages étaient très bien connus : Roy et Allisya les parents d’Udiir.

La vision se dissipa, sans doute parce que Udiir connaissait déjà la suite. En effet ses parents adoptifs et lui avaient déjà eu cette discussion. Son père biologique était arrivé à moitié mort, brûlant de fièvre à cause de l’infection de sa blessure. En dépit de son apparence, le clan Arginanes l’avait accueil lui avec son bébé, fidèles à leur code d’honneur stipulant d’aider les êtres dans le besoin présents sur leur territoire.

Les guérisseurs du clan avaient pris en main les soins du guerrier et de son enfant. Malgré tous leurs efforts ils ne purent que stabiliser son état pendant quelques jours, durant lesquels il leur avait transmis plusieurs informations sur lui-même et son enfant. Il leur avait donné son nom, Garam Al’Dann et celui de son fils Udiir Al’Dann. Il ne put que leur dire de se méfier des amazones et de ne surtout pas dévoiler son existence au reste du royaume. Après quoi, il avait succombé, l’âme en paix. En dépit de l'appréhension de certains membres du village, Roy et Allisya avaient adopté Udiir et l’avaient élevé avec leurs deux filles jusqu’à aujourd’hui.

Udiir s’arracha à la mélancolie que la vision lui procurait. Il s’essuya les yeux devenus humides, contempler cette vision lui était toujours très pénible. Il ne pouvait s’empêcher de se questionner quant à la raison qui avait amené son géniteur à les conduire tous les deux au pied de la montagne et l’agressivité des amazones à leur égard. Depuis le temps il s’était résigné à l’idée de ne jamais avoir de réponse à cette question, mais aujourd’hui les paroles des éléments lui donnaient un faible espoir d’obtenir une réponse.

Udiir sortit de la forge la hache en main, s’il voulait combattre il allait avoir besoin d’une bonne arme et la hache n’était pas son arme de prédilection. Seulement l’acier de celle-ci était d’une résistance et d’une qualité hors norme et ne pas en tirer profit aurait été une grossière erreur. Mais il savait que le feu de sa forge ne suffirait pas à faire fondre le métal de la hache, le forgeron avait besoin d’un feu plus puissant, il avait besoin du feu primordiale d’Ignis.

Son marteau de forge dans une main et la hache dans l’autre, Udiir se plaça une fois encore au centre du cercle rocheux. Il invoqua la force de la terre et modélisa une enclume de pierre noire. Il ouvrit la bouche, mais avant même qu’il ne puisse dire un mot, Ignis se matérialisa devant lui dans une colonne de flammes et dit :

« Il est inutile de formuler ta requête jeune chaman, nous la connaissons déjà.

─ Vraiment ? Répondit Udiir perplexe.

─ Ne vas-tu pas nous demander de t’aider à reforger cette hache, répliqua l’esprit du feu.

Surprit Udiir bredouilla :

─ Comment…Vous ??

─ Je t’en prie, nous te connaissons depuis longtemps. Nous savions que tu te déciderais à prendre les armes, qu’il te faudrait une bonne arme et que tu choisirais cette hache.

Vexé de paraître si prévisible, Udiir jura dans sa barbe.

─ Bon, dit-il d’un air résolu, vous allez donc m’aider ?

En guise de réponse, les trois autres esprits se matérialisèrent dans un fracas des forces naturelles.

─ Je prends ça pour un oui ! dit le jeune forgeron.

Il prit son marteau et s’avança vers l’enclume, mais les esprits l’arrêtèrent.

─ Si tu veux travailler ce métal tu vas avoir besoin de ça.

Les quatre esprits levèrent les mains et dans un tourbillon de roche, de flamme, d’éclair et d’eau, un immense marteau se matérialisa. Le manche était fait de pierre et d’eau, et la tête était de feu et de foudre.

─ Sur ce maître forgeron, dit Gaïa, fais ton ouvrage.

À ces mots Udiir saisit le marteau éthéré et posa la hache sur l’enclume. Il en sépara le fer du manche et déclara.

─ Très bien, alors seigneur Ignis j’ai besoin de feu.

Le seigneur du feu s’exécuta et souffla une gerbe de flamme dont la chaleur aurait été insupportable pour n’importe quel être vivant. Mais pour Udiir cela faisait l’effet de la douce chaleur d’un feu dans ce rude début d’hiver, les températures extrêmes étaient les seules à pouvoir lui faire de l’effet, d’où sa passion pour la forge. Le feu de celle-ci lui permettait de sentir une vraie chaleur. Lorsqu’il gelait à pierre fendre lui ne sentait qu’une fraicheur agréable et lorsque la canicule frappait, lui vivait cela comme une chaleur de printemps.

Udiir leva son marteau et martela le métal, le son métallique que produit le choc semblait aussi violent que mélodieux aux oreilles du forgeron. Le jeune homme leva sa masse à nouveau, Ignis cracha une nouvelle gerbe de feu et Udiir frappa encore, puis Balash, le seigneur de l’air, fit gronder la foudre. Un éclair s’abattit sur l’enclume et le métal en fusion l’absorba, Udiir martela à nouveau son œuvre et une gerbe d’électricité s’en échappa. Le jeune homme répéta cette opération jusqu’à en perdre le nombre ainsi que la notion du temps.

Il était minuit passé et Udiir continuait à forger, le double tranchant de la hache avait cédé la place à un block rectangulaire d’acier. L’épée et la hache n’avait jamais été les armes de prédilection du jeune guerrier, il préférait les masses d’armes et les marteaux de guerre. Et c’est ce qu’il voulait forger, un puissant marteau de guerre.

Udiir poursuivit son labeur pendant des heures qui lui parurent durer une éternité. Le feu d’Ignis et la foudre de Balash se mêlèrent dans un ballet de puissance rugissant. Le vacarme était tel que le jeune forgeron se dit que l’on devait voir la lumière de la forge depuis le village. Ce ne fut qu’au première lueur de l’aube que Udiir donna le dernier coup de masse. Il souda un nouveau manche de chêne et d’acier à la pièce de métal rougeoyante et dit alors d’une voix presque inaudible :

─ Dame Aquos de l’eau s’il vous plait.

Le grand esprit de l’eau s’exécuta et une gerbe d’eau aspergea l’arme tout juste forgée. Un épais nuage de vapeur s’éleva de l’enclume, puis Udiir sortit une longue tige de fer de son tablier, dont l’extrémité se terminait en un symbole complexe. Le forgeron enflamma la tige de métal plaça l’extrémité sur la base du manche du marteau. Lorsqu’il retira le tison l’arme un emblème représentant une tête d’ours de face montrant les crocs. C’était sa signature en tant que forgeron qu’il apposait sur chacune de ses créations. Cette tâche accomplit Udiir tomba à genou devant l’autel et glissa dans les bras d’Hympha la déesse du sommeil.

Lorsqu’il émergea, le soleil était haut dans le ciel. Udiir se leva et fit jouer ses épaules, il fut heureux de constater l’absence de douleurs musculaires. Son endurance hors du commun lui permettait de forger pendant de longues heures sans s’arrêter, et elle venait encore de faire ses preuves.

Le jeune homme saisit sa nouvelle arme et l’inspecta sous tous les angles. L’acier de la masse était sombre avec des reflets bleus, le marteau avait deux têtes de forme carrée reliées par un bloc compact sur lequel le nom de l’arme était gravé en rune primordiale, la langue des esprits. Sans trop savoir comment Udiir avait gravé le nom de son œuvre dans l’acier avant même de l’avoir terminée. Le nom du marteau était apparu dans son esprit de façon naturelle alors qu’il le forgeait.

GAL’RASH, le briseur de ciel dans la langue primordiale. Fier de son travail, Udiir sourit à pleine dent, il rangea le marteau de guerre à sa ceinture puis se dirigea vers sa cuisine réalisant à quel point il était affamé.

Un copieux déjeuner, composé d'œufs brouillés, de saucisse et de viande séchée grillée, eut tôt fait de rassasier le jeune forgeron. Son repas consommé Udiir retourna dans sa forge, il avait certes une nouvelle arme à présent mais s’il voulait combattre il aurait également besoin d’une armure. Un épais classeur de cuir dans les mains, Udiir l’ouvrit sur son plan de travail et en tira plusieurs schémas. Le jeune forgeron se mit à dessiner puis, quelques minutes plus tard, il avait terminé.

Une grande pièce de cuir et une de maille ainsi que quelques morceaux de plaque dans les mains Udiir découpa, cloua, perça et cousit le tout. Ce travail lui prit toute l’après- midi, à la fin, le soleil descendait vers l’occident. Udiir enfila son nouvel équipement pour s’assurer qu’il ne s’était pas trompé dans les mesures. Le plastron était fait de maille, renforcée avec des pièces de cuir greffé au niveau des côtes et de la taille. L’emblème de l’ours, propre au jeune forgeron, était cousu en relief au centre du torse. Le pantalon était en cuir renforcé avec le la maille et de la plaque au niveau des genoux. Les bottes et les gantelets étaient de cuir renforcé avec de la plaque, les gants laissaient libres les dernières phalanges des mains.

Plus que satisfait du résultat Udiir voulut retirer son armure, mais alors qu’il dégrafait son plastron une violente douleur lui transperça le crâne. Le jeune homme s’écroula au sol, les esprits de la terre lui envoyèrent un flot d'images : une horde de démons et de guerrières en armure orné d’une lune rouge sang. Il les sentait se déplacer comme si son corps était la terre elle-même, l’armée se déplaçait vers l’est, en longeant la vallée à l’est, fonçant droit sur le front nord- est et les forces alliées.

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