Chapitre 10 (2/2)
Udiir s’avança vers la paroi de la montagne et ouvrit l’entrée de la galerie secrète. Roy blêmit et Allisya se crispa sur son bâton à la vue du souterrain.
─ Udiir, dit Arya, tu es sûr ?
─ Ça devait bien arriver un jour ou l’autre
L’escorte de la reine n’était pas plus à l’aise face au tunnel de roche.
─ Qu’est- ce donc, demanda la reine ?
─ Avant tout, prévint le chaman, je tiens à avoir votre parole que tout ce qui sera dit dans ce souterrain restera secret, votre Majesté.
Artha n’hésita pas, et jura que si la moindre information de cette entrevue venait à fuiter le, ou les responsables, en subirait les conséquences. Udiir prit une profonde inspiration. Ce qu’il s’apprêtait à dévoiler à la reine lui ferait sans aucun doute l’effet d’un raz-de-marée.
─ Très bien, alors suivez-moi votre Majesté. Prenez garde, le couloir est étroit marchez en file indienne, déclara-t-il avant de s’engouffrer dans le tunnel.
La souveraine d’Erganane était perplexe, qu’est-ce que le chaman tenait tant à lui dévoiler dans ce souterrain ? À son tour, elle franchit le palier du boyau de roche. Elle découvrit un corridor éclairé par plusieurs braseros disposés de part et d’autre du chemin. Son escorte à sa suite, Artha progressa dans la caverne.
Elle ne mit pas longtemps à rejoindre Udiir, ce dernier se tenait assis en tailleur au centre de la pièce circulaire aux parois couvertes de fresques. À la vue des peintures rupestres, la reine plissa ses yeux verts.
Le chaman attendit que tout le monde soit présent dans la pièce avant de se relever.
─ Quel est cet endroit Udiir, demanda la reine ?
─ Ceci est tout ce que je sais sur ce que je suis, répondit-il en écartant les bras.
Voyant la mine circonspecte d’Artha, Udiir entreprit alors d’expliquer ce que ces fresques signifiaient. Il n’omit rien, qu’il s’agisse des liens entre les Arginanes, ou de son confrère qui avait semble-t-il pris part à la guerre contre l’empire d’Inguadia il y a près de cinq cents ans. La reine et son escorte étaient suspendues aux lèvres du jeune conteur. Lorsque ce dernier aborda la seconde partie, il lui sembla voir la reine se crisper. À la fin du récit, elle parla d’une voix blanche :
─ Je suppose que tu connais les diverses contes aux sujets de ton…ancêtre.
─ Certes, votre Majesté, mais je pense que « Prédécesseur » est un terme plus approprié, corrigea Udiir. J’en conclus que les légendes n’en sont pas vraiment n’est-ce pas, ajouta-t-il ?
Artha, bien que stoïque, avait le dos inondé de sueur froide. Jamais elle ne s’était attendue, à se retrouver face à un homologue du mystique légendaire, qui avait prêté main forte à son aïeul, qui avait fondé le royaume des siècles plus tôt. L’elfe paladin et la jeune mage, qui l’escortaient étaient livides de surprise, attendant la réponse de leur souveraine.
Elle déglutit bruyamment avant de déclarer :
─ Avant cela, je me dois d’exiger de toi, et de toutes les autres personnes présentes dans cette salle, de garder le secret sur ce que je vais dire. Est-ce clair ?
Tous firent vœux de silence sans exception, alors la reine d’Erganane dit :
─ Cette légende a effectivement une grande part de vérité, cet individu, que notre peuple appelle l’esprit de la montagne, a bel et bien existé.
Si la famille d’Udiir et lui-même n’étaient pas étonnés par ces paroles, ce fut tout le contraire pour le seigneur Marteau-Stellaire et l’escorte royale. Artha raconta toute l’histoire :
Comme la plupart des erganiens le savaient, ils étaient issus de la fusion de deux peuples humains : les Arginanes, premiers habitants du continent et les Najyiens, des marins venus de la mer du sud il y a plus de cinq siècles. Peu de temps après l’arrivée des colons, le conflit contre les Amazones et leur régime esclavagiste avait éclaté. La race de femmes guerrières avait en effet un besoin vital de capturer des mâles afin de pouvoir se reproduire. Car, peu importe la race du géniteur, l’enfant né de l’union est toujours une fille amazone.
Bien qu’avantagés, par la métallurgie avancée des Arginanes et la flotte marine des Najyiens, les futurs erganiens avaient du mal à contrer l’important nombre, et l’immense force des guerrières de l’est.
C’est alors que, sorti de nulle part, un mystérieux individu apparut. Personne ne savait d’où il venait ou à quelle race il appartenait. Mais une chose était sûre : sa puissance faisait trembler les Amazones. Il se fit connaître pour la première fois à ces dernières durant une attaque nocturne sur le village des Arginanes. Depuis toujours, les Amazones avaient tenté de capturer des mâles du clan forgeron, sans succès. Ainsi une nuit à la faveur de l’obscurité, les forces inguadiennes lancèrent un assaut éclair.
Ce fut une réussite et les assaillantes enlevèrent une trentaine de jeunes hommes, dont un tiers composé d’enfants entre dix et douze ans. Mais quelqu’un ne l’entendait pas de cette oreille. D’après les témoignages, une pluie de foudre s’était abattue sur elles avant que la terre ne s’éventre, laissant jaillir des geysers de lave.
Puis émergeant de la poussière du combat, un inconnu de grande taille avait libéré les captifs avant de les ramener au village. Si les Arginanes l’appelèrent le Gardien de la montagne, les Amazones l’appelèrent Shaytoun hilrajed, le Démon du tonnerre et du volcan dans leur langue.
Un tel nom était approprié pour quelqu’un pouvant survivre sur la montagne que toutes les peuplades alentour considéraient comme hanté. Cet « esprit » convia pourtant le chef du clan Arginane de l’époque et l’ancêtre d’Artha à une entrevue. Personne ne sait ce qu’il s’y est réellement produit mais une chose est sûre : c’est ce jour-là que le trident, arme emblématique de la famille royale, fut forgé.
À l’évocation de l’arme, Udiir posa son regard sur la lance de la reine puis sur la partie de la fresque qui en représentait un jumeau quasi-parfait.
─ Je pense, déclara la reine, qu’il est juste de dire aujourd’hui que ton prédécesseur a joué un rôle dans la création du trident de mes ancêtres mais j’ignore totalement lequel, Udiir.
Le jeune chaman fronça les sourcils.
─ Mais votre mère ne vous a-t-elle pas raconté cette partie de l’histoire, demanda-t-il ?
Une ombre de colère passa sur le visage d’Artha.
─ Espèce d’ignare, fulmina Silpha !
Un geste de sa souveraine coupa net la colère de la paladin. Réalisant qu’il avait commis un impair, Udiir ce confondit en excuses.
─ Je ne te blâme pas Udiir, ton jeune âge peut expliquer ton ignorance. Quand ma mère, la précédente reine, est morte tu n’étais même pas né. Hélas je pense qu’elle n’a effectivement pas eu le temps de tout me dire sur le rôle que ton prédécesseur à jouer dans la création de mon trident. Par conséquent je crains d’être loin de posséder une puissance comparable à celle de mes aïeuls.
Ayant écouté les confirmations d’Artha, Udiir réfléchit pendant quelques secondes. Les yeux rivés sur le trident d’acier massif, les informations tourbillonnaient dans son esprit. C’est alors que le jeune forgeron remarqua quelque chose sur l’arme. La partie inférieure de la hampe était faite d’un métal d’une teinte sombre et bleue. Tandis que la partie supérieure et le fer de la lance semblaient être faits d’un acier d’une couleur cuivrée. En tant que forgeron expérimenté, Udiir y vit une anomalie ou bien une erreur de fabrication. Ce qui, sur une arme aussi légendaire que le trident royal, semblait aberrant.
─ Votre Majesté, excusez une fois de plus mon impertinence, mais puis-je observer votre trident ?
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