Le sable est balayé à leurs pieds comme un océan de poussière. Luna enfonce ses chaussures blanches dans le puit mouvant de sa nouvelle terre. Ses boucles décolorées où résident encore quelques éclats de couleurs vives dansent contre ses épaules. Son visage poupin ne laisse pas présager ses dix-sept ans d'existence. Elle cligne quelques fois des paupières pour y chasser le voile de sable qui semble décidé à l'empêcher d'apprécier le moment.

• On y est enfin. Tu vois, c'est comme je t'avais dit, tes yeux ne peuvent même pas voir où ça termine, lance Luna à l'intention du grand brun à sa droite.

Artémis, éternel adolescent ayant depuis quelques mois atteint la majorité officielle, se tient droit, repoussant les cheveux trop longs qui lui tombent devant les yeux. Son oeil gauche porte encore l'ombre d'un hématome offert avec violence. Il reste stoïque face à l'étendue naturelle qui les attire, les enveloppe, les gobe tout entiers.

• Tu crois que ce sera mieux ici, qu'ils vont pas nous regarder en murmurant, demande le garçon.
• Nah, c'est là que vont ceux qui n'ont pas leur place ailleurs, comme nous.
• Hum, j'espère que t'as raison.

À quelques mètres de là, une vieille bagnole rongée par la rouille semble s'enfoncer dans le sable. Artémis se penche dans le coffre pour en extirper deux sacs à dos et trois galons d'eau maintenus ensemble par un éteau de duct tape.

Artémis enfonce une casquette délavée arborant l'effigie d'une équipe sportive sur sa tête. Luna sort de son sac un parapluie au motif floral pour se protéger du soleil aride. Elle le fait tourner sur son épaule comme une ombrelle, imperméable aux dangers qui les attendent.

• Tu viens ? demande-t-elle en lui tendant la main.

Un sourire de gamine illumine ses yeux clairs.

• Je vais où tu vas, déclare le grand brun, l'eau perchée sur son épaule maintenue d'une main, l'autre trouvant sa place dans celle de Luna.