Un seul chapitre
« Dites du bien de vous, comme ça, on le répète, et on ne sait plus qui l’a dit ! »
Cette phrase de mon beau-frère m’a toujours amusé. Elle est comme ce défi. Alors, pour dire du bien de moi... Je suis professeur de physique-chimie, une matière pas facile. Trop souvent, lors des réunions parents-professeurs, des adultes me racontent qu’eux-même ils trouvaient ça trop dur, et n’aimaient pas du tout lorsqu’il ils étaient élèves. Alors je me bats. J’enseigne l’histoire de l’univers depuis le début du temps lui-même. Il n’existe pas de domaine plus vaste et plus passionnant ! Je pourrais vous raconter que le temps ralentit dans un trou noir, au point de s’arrêter. Que vous mangez des atomes qui se trouvaient avant dans d’autres humains, ce qui fait de vous des cannibales. Que l’on peut calculer quelle tension électrique pourrait entrainer votre mort, ou au contraire relancer votre coeur, ainsi que la vitesse de votre corps heurtant le sol si vous tombez d'une falaise en escalade. C'est ça, la science. Et j'imagine que dans d’autres galaxies, il y a peut-être des professeurs qui expliquent aussi ces principes à leurs élèves. Qu’ils leur parlent également de toutes les portes fermées qui apparaissent à chaque fois que nous réussissons à en entrouvrir une, indiquant que le savoir est sans limite, que nous n’aurons jamais fini d’apprendre, et que nous devons rester humbles. C’est pour cela que j’enseigne, me demandant chaque jour comment captiver les élèves, comment les surprendre, les choquer, les pousser à se poser des questions, les faire rire, et parfois les dégoûter avec ce que je leur explique. Pourvu que je les atteigne, et que j'accapare un peu de leur temps de cerveau.
Et quelques fois j’ai des retours de leurs parents sur ce qu’ils pensent de mes cours. « Quand il a cours avec vous, il nous explique tout le soir même, cela le passionne », « N’hésitez pas à le punir s’il fait des bêtises en classe, car votre matière est la seule dont il me parle à la maison, en fait la seule où il ne s’ennuie pas ! », « Elle était triste d’avoir une note si faible à sa première interro de physique cette année, car avec la prof d’italien, vous êtes ses deux profs préférés », « Ah, c’est vous son prof de physique, elle me dit que vous êtes tellement gentil avec les élèves », « Il aimerait vraiment vous avoir encore l’année prochaine », « C’est ça votre salle de cours, je comprends maintenant pourquoi il n’arrête pas de nous en parler », « Vous, vous êtes le professeur préféré de tous les élèves, c’est clair »…
Lorsque j’entends cela, je ne sais pas quoi répondre, et bredouille confusément un « Merci, c’est gentil », ou bien « Tant mieux », ou je ne sais quoi d’autre. Car je suis en réalité si ému intérieurement, que je suis à la limite des larmes.
Mais je ne laisse rien paraître.
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