Ada penchée sur sa copie, rédige le paragraphe de conclusion de son analyse de texte en Espagnol. Ce point final ponctue la fin de cette semaine d'examens. Il lui reste seulement l'épreuve de biologie, le lundi suivant, à endurer pour que son agenda lui permette enfin de s'occuper d'affaires plus importantes à ses yeux. Elle sort de la salle en jetant sa copie à l'examinatrice, avant de courir dans l'escalier de l’établissement, rejoindre le C15 de Lucas, attendant sur le parking.

Le jeune homme se trouve debout, ravi, à côté du véhicule :

• J'ai une bonne nouvelle pour toi !
• Ah, répond-elle d'un ton méfiant, n'appréciant pas vraiment les surprises.
• Ouep, on file voir Thérèse maintenant, l'hôpital est d'accord.

La joie s'empare immédiatement de la jeune fille, dévoilant un large sourire.

• C'est parti !

Une heure de trajet sépare le centre d'examen de Saint-Chély d'Apcher de la préfecture de Lozère, Mende, où Thérèse est hospitalisée.

Ses sentiments se mélangent et s’emmêlent à mesure que le trajet défile.

C’est avec un brin d’appréhension qu’elle parcourt les derniers mètres la séparant de la chambre de Thérèse. La porte est ouverte cette fois-ci.

Ada découvre la vieille femme amaigrie et branchée de toutes parts à des machines imposantes. Elle s’avance et lui pose un baiser sur le front. Les yeux noisettes de Thérèse retrouvent leur éclat. Lucas en fait de même, et un sourire illumine son visage émacié.

Une voie à peine audible sort de ce corps rachitique :

• Oh, vous m’avez manqué. Comment allez-vous ?
• Mieux que toi, on dirait ! Ça va, les épreuves du bac sont bientôt terminées et Lucas se débrouille comme un chef au gîte. Aucun pèlerin n’est mort en ton absence, ni empoisonné, ni agressé.

Thérèse sourit de retrouver sa petite protégée. Ses yeux s’embuent.

• Qu’est-ce qu’on peut faire de plus pour t’aider à aller mieux ? Le médecin nous a dit que cela n’allait pas fort.
• J’ai bien une idée mais…

Les deux jeunes écoutent attentivement et prennent des notes pour préparer la recette d’une énième potion miraculeuse, aux dires de Thérèse. Ils sont aussi mandatés pour la préparation des nombreuses confitures à concocter, procéder au séchage des herbes du moment et enclins à promener Oscar sinon son arthrite va faire des siennes à l’automne. Un tel programme si chargé ne laissant aucune place à revenir la visiter.

Ada sort des sachets de tisane en cadeau, pour tenir jusque là. La veille dame, ravie, tripote de ses doigts maigres les fleurs séchées avant d’enfouir son nez dans le paquet. Le plaisir se lit sur son visage, un instant déridé.

L’infirmière passe prévenir de la fin des visites et le jeune couple finit par sortir de la chambre, à regret, non sans avoir échangé embrassades et promesses rassurantes d’un retour à la normale.

Le soir au gîte, Ada, durant son service, ignore les randonneurs. Elle ne cesse de repenser à cette visite et bien que toujours soucieuse de l’état de santé de Thérèse, se rappelle combien celle-ci déteste perdre, face à n’importe quel adversaire, ce qui lui permet de garder l’espoir d’un futur rétablissement.

Les trois semaines chargées qui suivent, le jeune couple redouble d’efforts. Ils retournent voir plusieurs fois Thérèse, toujours aussi fatiguée. Ada prépare les potions avec attention et lui fait parvenir, soit par la poste, soit de visu, ces étonnants mélanges.

Leur quotidien ainsi transformé les rapprochent toujours plus.

Le jour des résultats du baccalauréat arrive.

Ils sont tous les deux, collés derrière l’écran antédiluvien de la poste locale d’Aumont-Aubrac, à attendre le rafraîchissement de la page.

ID N°08954

Ada Antoinette Chatillon-Moreti

Née le 05 Septembre 2004 à Saint-Germain-en-Laye

Reçue à l’examen du baccalauréat 2019 avec Mention Très Bien

Moyenne :18,1

Ada exulte de joie, se retourne vers Lucas et lui plante un baiser fougueux sur les lèvres. Celui-ci décontenancé, ne sait comment réagir. Surpris, content, étonné. Ses yeux verts scintillent de multiples lueurs.

Ils ressortent de l’officine pour afficher leur bonheur au grand jour. Ada appelle tour à tour Thérèse, puis son père, pour leur annoncer la nouvelle.

Elle décide illico d’aller fêter sa réussite au bar du village. Le verres trinquent et s’enchaînent dans une liesse sans mesure. Pompettes, ils retournent au gîte bras dessus bras dessous, en chantant des chansons paillardes.

Le service du soir se déroule sous le même acabit : enthousiasme et bonne humeur au menu. Les randonneurs chanceux ont même droit à une deuxième tournée de mousse au chocolat. Les rires fusent et la griserie est partagée. Un air de musique vient agrémenter la fin du repas, où tous s’amusent de ce joyeux réveillon improvisé.

Une fois les convives disséminées, Ada et Lucas se retrouvent seuls à débarrasser. L’ivresse plombe soudain la jeune fille d’un sommeil ravageur. Elle s ‘éclipse finalement, son ciel scintillant d’étoiles explosant en mille et un rêves merveilleux, son imaginaire bercé par le croissant lunaire luisant à sa fenêtre.