Chapitre 8

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Depuis que mon père avait discuté avec mon fils, notre relation s’était améliorée. Aujourd’hui, mon père ainsi que la famille de Stephania rentraient chez eux. Mon père partit le premier. Il était attendu dans un orphelinat d’une petite ville qu’il avait lui-même fait construire. Peu de temps après son départ, c’est Stephania et ses filles qui prirent le chemin du retour. La présence de Stephania dans ses derniers jours m’avait fait le plus grand bien. Même si nous n’échangions que très rarement, elle arrivait toujours à nous redonner confiance en nous et surtout l’envie de continuer. Stephania était une Reine, une femme et une mère incroyable. Elle était l’un de mes points d’ancrage, mon modèle.


— Ce n’est pas tout, les enfants, mais je vous rappelle que vous avez école aujourd’hui, enchaînais-je après leurs départs.

— Oh non, râla Élise.

— Allez vous préparer, tous les deux. Je vous attends.

— C’est toi qui nous emmènes à l’école ? me questionna Ben.

— Ça te dérange ?

— Non, au contraire. Je me dépêche alors.


En même temps, les jumeaux se dépêchèrent d’aller récupérer leurs affaires dans leur chambre. Océane se rapprocha et entoura ma taille de ses bras, depuis mon dos et posa son menton sur mon épaule.


— Ben semble plus enclin à passer du temps avec toi, on dirait, commença ma femme.

— Je suis contente que la discussion qu’il a eue avec mon père puis avec moi ait porté ses fruits. Ça commençait vraiment à me tuer à petit feu de le voir s’éloigner de moi un peu plus chaque jour.

— Et maintenant il se rapproche. Tu vas pouvoir respirer à nouveau.

— Et si on allait au restaurant à midi, juste nous deux. Pendant que les enfants sont à l’école.

— Au restaurant ? Alors qu’on a des cuisiniers rien que pour nous ?

— J’ai envie de changement et de me faire plaisir.

— Comme tu veux alors. Tu as une idée d’où on pourrait aller ?

— Absolument pas non. Mais je ne veux rien de trop sophistiquer.

— Pizza ? Hamburger ? Kebab ? Qu’est-ce qui te ferait plaisir, mon amour ?

— Kebab ? Qu’est-ce que c’est ?

— On part sur ça alors. Je vais te faire découvrir un petit restaurant familial et chaleureux où on avait l’habitude d’aller avec mes parents. Je connais bien les gérants.

— Ça me convient très bien.

— Je m’occupe de la réservation.


J’embrassais ma femme au moment où mes enfants arrivèrent. On monta ensemble dans la voiture et pour une fois, Ben s’assit volontairement à côté de moi. Le voir se rapprocher de moi, me sourire était revigorant. J’avais tellement attendu ce jour-là et c’était enfin arrivé. Devant le portail de l’école, ma fille m’embrassa avant d’entrer dans la cour de son établissement. Mon fils hésita quelque seconde avant de faire la même chose que sa sœur.


— Madame De Stinley ? Ce n’est pas tout le jour qu’on vous voit ici, m’interpella la directrice.

— Bonjour, Madame Kleint. En effet, ce n’est pas tous les jours que j’accompagne mes enfants. C’est…

— Surtout votre femme, oui. C’est moi ou Benjamin avait le sourire ce matin ?

— C’est le cas.

— Que diriez-vous qu’on discute dans mon bureau un instant ? Si vous avez le temps bien sûr.

— Je n’ai rien de prévu pour la matinée, je suis toute à vous.

— Parfait, je vous laisse me suivre alors.


La dernière fois que j’étais entrée dans le bureau de Madame Kleint, c’était pour l’inscription des jumeaux, pour leur première année d’école primaire. Et cette année était leur dernière, avant qu’il n’entre au collège. Son bureau avait changé depuis la dernière fois. Cette fois-ci, il était beaucoup plus grand.


— Asseyez-vous, je vous prie.

— Merci.

— Vous savez, ça faisait un moment que je n’avais pas vu Benjamin arriver à l’école avec le sourire. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

— Nous avons discuté tous les deux, pour que notre relation s’améliorer. Nous sommes sur le bon chemin.

— Ravie de l’entendre. Comme vous devez le savoir, Benjamin et Élise ont des résultats plus que satisfaisants et ce serait vraiment dommage de les envoyer dans un collège qui ne saurait les valoriser. Avez-vous déjà une idée en tête ?

— Pas vraiment non. Seulement pour le lycée.

— Vous pensez déjà à ça ?

— Disons que ma femme et moi aimerons qu’ils passent leur bac au Lycée International de Glenharm. Là où ma femme a fait ses études.

— Je pense qu’ils y auront tout à fait leur place. En attendant, je peux vous conseiller le Collège privé Esteban, au centre de Glenharm.

— Ce n’est pas un collège réservé à une élite ?

— Vos enfants ont la capacité d’intégrer ce collège. Je me doute que parler d’argent avec vous…

— L’argent n’est pas un problème. Ma femme et moi sommes prêtes à leur payer le meilleur enseignement possible. Vous pensez vraiment qu’ils arriveront à suivre là-bas ?

— Cet établissement fait aussi office de primaire. Si vous le souhaitez, je pourrais organiser une journée découverte avec eux. D’une part, ça permettrait aux jeunes d’avoir un premier aperçu de l’établissement, mais ça vous montrerait qu’ils sont tout à fait capables de suivre le rythme et les résultats demandés. J’ai déjà récupéré pour vous des affiches de l’établissement.

— Merci, répondis-je en les récupérant. Je vais en discuter avec ma femme et je vous informerais de la suite.

— N’hésitez pas à me contacter si vous avez des questions. Mon numéro est dans le cahier de liaisons de vos enfants.

— Merci pour ce conseil, Madame Kleint. Au revoir.

— Au revoir, Madame De Stinley.


Même si ce rendez-vous n’était pas prévu, il avait pu répondre à l’une des questions les plus importantes du moment. L’année scolaire se terminait dans deux mois et nous devions commencer leurs inscriptions pour la rentrée prochaine qui avait lieu dans quatre mois. En rentrant au château, je retrouvais ma femme dans notre bureau. Elle était assise au sien, travaillant sur je ne savais quel sujet.


— Je suis de retour, chérie.

— Ça s’est bien passé ? Tu as mis plus de temps que prévu, m’interrogea-t-elle en se retournant.

— Très bien. J’ai discuté avec la directrice, c’est pour ça que ça a mis plus de temps.

— Oh et alors ?

— Elle nous conseille le Collège privé Esteban. Elle pense qu’ils ont les capacités pour suivre ce haut niveau d’enseignement.

— Pourquoi pas. C’est vrai que, quand on regarde leurs bulletins, ils ont le niveau.

— Tu es sûr ?

— Bien sûr, Elena. Ben et Élise sont tout à fait capables d’aller dans cet établissement. Tu n’as pas envie de les envoyer dans le meilleur établissement ?

— Si bien sûr. Je me rends compte que même pour ça, j’ai échoué. Je ne sais même pas à quel point mes enfants sont doués. Que ce soit Ben ou Élise, je ne me suis pas assez occupé d’eux.

— L’Empire prend beaucoup de temps, c’est vrai, mais tu t’occupes quand même bien d’eux.

— Pas assez. Pas autant que je le voudrais.

— Il est encore temps de faire ce dont tu as envie, chérie. Ce n’est pas trop tard.

— On en discutera plus tard, d’accord. J’ai du travail à faire avec d’aller au restaurant.


Le meilleur moment pour travailler, c’était toujours quand les enfants étaient à l’école. Notre organisation s’était faite naturellement. Chacune de nous s’occupait de ses domaines de prédilection. Quand onze heures est demi arriva, on retourna dans la chambre pour se préparer. Emma étant occupée en cuisine, je devais m’habiller seule. Mais ça ne me dérangeait plus. Au contraire, j’aimais bien faire les choses par moi-même. Ayant envie de rester dans la simplicité, pour changer, je mis un débardeur beige, un short en jeans et des chaussures ouvertes noires. Je me fis une rapide queue de cheval et mis mes bijoux. Une légère touche de maquillage, un peu de parfum et j’étais prête. Je sortis ensuite de la salle de bain et croisais le regard de ma femme.


— Tu en penses quoi ? la questionnais-je.

— Alors ça, ça change, c’est le cas de le dire.

— C’est vrai qu’habituellement, je suis en robe. Mais sortie exceptionnelle, tenue exceptionnelle.

— Ça te va bien, tu sais. Tu ressembles à n’importe quelle Eryennienne. Impossible de deviner que tu es Impératrice.

— C’était le but. Tu as fait pareil à ce que je vois.

— Ce midi, pas de démonstration de pouvoir. Nous serons deux femmes de trente ans, mariées. Tout ce qu’il y a de plus banal.

— Qu’est-ce qu’on attend alors ? J’ai faim.


Comme d’habitude, ma femme me sourit avant de m’inviter à sortir de la chambre. Pour plus de simplicité, Océane avait appris à conduire. Aujourd’hui, son permis était bien utile. Nous pouvions aller en ville sans que des gardes nous y emmènent. Pourtant, même s’ils ne nous y emmènent pas, Océane avait tout prévu. Il serait là, mais habillé en civil et resterais discret.


— Nous sommes arrivées, chérie.

— Il a l’air sympa ce restaurant.

— Ils nous attendent, allons-y.


Je sortis de la voiture en même temps que ma femme et elle la ferma à clef. Main dans la main, on entra dans le restaurant. Chaleureux, familiale, ça changeait complètement de ce dont j’avais l’habitude et ça me plaisait.


— Bonjour Mesdames. Je vais vous conduire à votre table, nous accueillit la serveuse.

— Merci bien, lui répondit Océane.


Pour avoir un peu d’intimité, la serveuse nous avait installés à une table à l’écart des autres clients. Une fois installée, elle nous présenta le kebab du jour, qu’on prit toutes les deux, ainsi qu’une coupe de champagne. Accompagnée de ma femme, je savais qu’elle ferait attention s’il m’arrivait quelque chose à cause de l’alcool.


— Je comprends pourquoi tu aimes cet endroit.

— Et encore, il semblerait que la gérante ne soit pas là.

— Ce n’est pas celle qui dirige les serveuses là-bas ?

— Non. Je lui demanderais si jamais elle vient nous voir.

— Bon, et bien, à la tienne mon amour. Profitons de ce temps rien qu’à nous.

— Je suis bien d’accord, Elena, à la tienne.


Quand la serveuse nous apporta nos assiettes, je sus que j’allais me régler. Le service en restaurant était totalement différent de celui du château. Aujourd’hui, tout était différent et c’était revigorant.


— Alors qu’est-ce que tu en penses ? m’interrogea ma femme

— C’est délicieux. Je comprends pourquoi tu venais ici avec tes parents.

— C’était un peu notre repère. Comme le menu est à un prix abordable, nous pouvions régulièrement venir nous faire plaisir. Ce qui était moins le cas après leur mort.

— Tu ne m’as jamais parlé de ce temps-là.

— Comme tu n’as jamais de ton enfance avant Emma.

— Tu sais que sans elle je me serais tuée.

— Je sais et c’est pour ça que je ne t’ai jamais demandé d’explications. Ce sont des parties de nos vies difficiles, qu’on préférerait oublier.

— J’espère que les jumeaux n’auront jamais à vivre séparer de l’une de nous, comme ça a pu nous arriver.

— Faisons en sorte que ce ne soit pas le cas.


Pendant le reste du repas, nous parlions de tout sauf de l’Empire ou des enfants. Pour une fois, il n’y avait que nous deux qui entrions dans l’équation. Nous n’étions plus que des femmes, des amies et des amantes. Pour nous faire plaisir, on prit toutes les deux un dessert. Une crème brûlée pour moi, un café gourmand pour elle. Quand on a eu terminé le repas, la gérante vint nous voir, comme l’avait prévu Océane.


— Bonjour Vos Majestés. Votre repas s’est bien passé ?

— Très bien, Madame, merci, lui répondis-je.

— Marguerite n’est pas là ? la question Océane.

— Pas aujourd’hui. Pierre-Eric est hospitalisé depuis deux jours.

— Vous m’en voyez navrée. Je les ai bien connus enfants. Vous leur transmettrez mes salutations ?

— Bien sûr.

— Je vais venir régler. Chérie, tu peux m’attendre dehors si tu veux.

— Je vais faire ça, lui répondis-je.


Après avoir récupéré mes affaires, je sortis du restaurant et observais les passants. Habillées comme je l’étais, la plupart ne me remarquaient même pas. Quand Océane me rejoignit, elle entoura ma taille de ses bras.


— Qu’est-ce que tu veux faire maintenant ? m’interrogea-t-elle.

— Pourquoi on ne se promènerait pas en ville ? Je ne veux pas rentrer au château tout de suite.

— C’est tout ou rien avec toi. Mais ça me va. Il y a le parc qui n’est pas loin. J’y ai fait de nombreuses parties de cache-cache avec Nathan et mes parents.

— Allons-y alors.


Océane glissa sa main dans la mienne et on prit notre temps pour y aller. Aujourd’hui, j’avais vraiment l’impression de passer inaperçue. Sans robe et sans couronne, je n’avais plus rien d’une Impératrice. Quand Océane m’avait demandé en mariage, nous avions évoqué l’envie d’une vie simple, dans une maison familiale avec un jardin, entourée de notre famille. Et c’était justement ce que nous faisions aujourd’hui, même si nous étions dans notre ville et connues de ses habitants.


— Allons nous asseoir là-bas. C’est là qu’il y a le moins de monde et il n’y fait pas très chaud, proposa Océane.

— Ça fait onze ans que je suis libre et je ne connais toujours pas la ville. Je peux enfin aller où je veux et je ne prends même pas cette liberté.

— En même temps, nous avons beaucoup de travail, chérie. Même en étant deux.

— On ne prend pas assez de temps pour nous, Océane. Pour nous ou les enfants.

— On réfléchira à une solution pour avoir plus de temps pour la famille.

— Ça commence enfin à aller mieux avec Ben, ajoutais-je. Ce n’est pas le moment pour passer nos journées à travailler.

— Ne te tracasse pas pour ça, pas maintenant.

— Heureusement que tu es là, mon amour.


Océane m’embrassa avant de s’asseoir dans l’herbe, à l’ombre. Autour de nous, il y avait d’autres couples, plus ou moins jeunes. Océane m’invita à m’asseoir entre ses jambes et m’entoura la poitrine. J’étais heureuse, dans les bras de ma femme.

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