Chapitre 28
Je restais sur ma plage aussi longtemps que nécessaire. Ici, il n’y avait ni travail urgent, ni pression, ni le tic-tac de l’heure qui tourne. Pourtant, je savais que j’allais devoir rentrer un jour. Je savais qu’à la minute où je serais de retour dans ma réalité, tous mes problèmes allaient revenir comme un boomerang.
— Ce n’est pas en fuyant tes problèmes que tu parviendras à les surmonter.
Ma mère s’installa à côté de moi. Elle portait une robe blanche, sobre. Ses cheveux étaient détachés et volaient au vent. Elle avait aussi ce sourire, celui que j’avais connu avant qu’elle ne disparaisse subitement. Celui qu’elle avait le jour où elle m’avait dit qu’elle m’aimait, pour la première fois.
— Je ne sais pas quoi faire d’autre, soupirais-je en ramenant mes genoux contre ma poitrine.
— Tu as du monde pour t’aider, ma chérie. Emma, Océane, Corine, elles sont là pour toi. Tu ne peux pas abandonner maintenant.
— Vous m’avez abandonnée, vous. Qu’est-ce qui me dit qu’elles ne feront pas la même chose.
— Parce qu’elles ne le feront pas. Parce qu’elles ne sont pas malades comme moi. Comme nous. Elles ne peuvent certes pas toujours te comprendre, comprendre ce qu’il se passe dans ta tête, mais tu dois les laisser t’aider.
— Je n’y arrive pas, mère. Je ne suis qu’un boulet pour elles.
— Ce n’est pas vrai, ma grande. Tu dois juste t’ouvrir et non te refermer sur toi-même. Ne t’isole pas, pas maintenant, pas quand tu en as le plus besoin.
— Qu’est-ce que je dois faire ? Je suis totalement perdue.
— Fais ce qui te semble le plus juste. Fais ce dont tu as envie. Tu ne veux plus régner ? Très bien, abdique. Agis et ne te retourne pas. Pense à toi.
— Vous ne dites pas ça sérieusement.
Elle se tourna et attrapa mes mains dans les siennes. Son regard était hypnotisant. J’avais toujours craint son regard et pourtant, aujourd’hui, il me réconfortait.
— J’ai tout abandonné du jour au lendemain, Elena. Je sais que ça a été très compliqué pour toi, que tu n’étais pas prête. Mais je suis partie sans me retourner, sans penser aux conséquences parce que j’en avais besoin. Et tu en as toi aussi besoin. Tu ne peux continuer à te torturer comme ça. Tu ne peux plus t’enfoncer de plus en plus profondément dans ta dépression. Marc t’a détruite, j’en conviens. Mais prend se tremplin pour rebondir. Saute plus haut que tu n’étais avant de tomber. Tu ne dois plus t’autodétruire, ma chérie. Il est temps de reprendre ta vie en main. Je t’aime Elena, ne l’oublie jamais.
Ma mère me prit dans ses bras. Je fermais les yeux pour les rouvrir sur une pièce que je ne connaissais pas. Je voulus me redressais, mais j’en fus empêché. Mes poignets étaient attachés aux barreaux du lit. Dans la pièce, j’entendais pleurer. Quand je reconnus la voix de ma femme, je tournais la tête et l’aperçu en compagnie du Dr Langstone et d’une femme que je ne connaissais pas.
— Ne vous inquiétez pas, Votre Majesté. Je m’occuperais personnellement de votre femme.
— J’ai tellement honte de la laisser ici. J’ai l’impression de l’abandonner, pleurait Océane.
— Vous ne l’abandonnez pas. Vous la laisser à des personnes capables de l’aider. Là où elle ne pourra faire de mal ni à elle-même ni à vous. Vous avez fait le bon choix.
— Sa mère était schizophrène. Est-ce que…
— Chaque chose en son temps. Soignons d’abord sa dépression.
— Elle est si fragile… je sais que c’est ce qu’il fallait faire, mais…
— Ne vous inquiétez pas. Je vous contacterais régulièrement pour vous donner de nouvelles.
— Merci Docteur.
— Il vaut mieux que vous rentriez chez vous avant qu’elle ne se réveille.
J’entendis Océane approchait et fermais les yeux. Il m’avait suffi d’écouter pour comprendre. Elle avait fait ce que mon père n’avait jamais osé. Elle m’avait fait interner en hôpital psychiatrique. Je lui en étais reconnaissante, mais en même temps, je lui en voulais. Ne voulant accepter la situation, je déconnectais tout, à nouveau, pour retourner sur la plage. Là où je me savais en sécurité, mais surtout en paix.
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