Chapitre 37

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Les jours s’enchaînaient sans que ni Océane ni moi ne parlions de sa énième fausse couche. Nous avions toutes les deux besoin de faire une pause. La journée, j’alternais entre un peu de natation, de la lecture, un peu de comptabilité et une réunion parent-professeur en fin d’après-midi. Comme je m’y attendais, tous les professeurs étaient autant à satisfaire de Ben que d’Élise. Nous avions bien fait de les inscrire dans ce collège privé, qui mettait grandement en œuvre leurs capacités. De retour au château, je me plongeais à nouveau dans mes documents. Je voulais ouvrir un compte personnel aux jumeaux pour qu’ils puissent commencer à prendre leur indépendance, car le moment serait venu.


— Maman !


Elise nous fit tous les deux sursauter. Elle avait subitement ouvert la porte. Sans lui montrer, je tentais de refréner les battements de mon cœur qui s’appéter à exploser. Marc avait aussi ouvert la porte de mon bureau de cette façon. Mais ma fille n’était pas Marc, elle n’avait rien contre moi.


— Excusez-moi, je ne voulais pas vous faire peur.

— Ce n’est rien chérie, approche.


Elise s’installa sur la chaise de l’autre côté de mon bureau, une pochette sous le bras. Elle le posa et l’ouvrit.


— J’ai trouvé.


À côté, Océane s’étouffa. Intriguée, elle nous rejoignit. Elle fit glisser sa chaise à roulette jusqu’à nous, posa son coude sur son appuie-bras puis sa tête dans sa main.


— J’ai fait des recherches, j’ai laissé mes oreilles trainer et j’ai trouvé. En fait, ça fait un moment, mais je voulais comprendre vos réactions avant de vous en parler. Du coup, je voulais m’excuser d’avoir insisté pour que vous m’en parliez. Je ne savais pas que c’était aussi difficile d’avoir un enfant en tant que couple de femmes. Vous essayez depuis combien de temps ?

— Depuis la fin de l’année scolaire dernière, lui répondit Océane, sa voix se brisant légèrement.

— Ah oui, ça fait un moment.


Elise avait surpassé mes attentes. Elle avait certes trouvé notre problème, mais elle avait surtout cherché à nous comprendre. À savoir pourquoi la situation nous atteignait tant.


— Et sinon, repris-je. Tu penses à quoi du fait que ta mère et moi voulions un troisième enfant ?

— C’est trop cool ! Je vous promets d’être la grande sœur idéale.

— Tu l’es déjà, ma chérie, enchaîna Océane.


Elise ayant été à la hauteur de mes attentes, j’avais décidé, avec l’accord de ma femme, de prendre en charge sa formation d’Impératrice. Chaque week-end, nous travaillions deux heures par jour, dans la bibliothèque. Ce qui était déjà suffisant, étant donné son âge et la difficulté des cours au collège. À chaque fois, elle était attentive, me posait des questions, mais surtout, je prenais des notes et les relisais avant chaque nouveau cours.


— Comment le Conseil a-t-il été créé ? m’interrogea-t-elle.

— Il existait déjà lors de mon accession au trône. Ma mère en avait un même s’il était plus réduit et avec moi de pouvoir. Si tu veux avoir plus d’information sur l’histoire du Conseil, tu devrais demander à ta mère. Mais en tout cas, ils m’ont beaucoup aidé à mes débuts, même si leur faire confiance n’était pas si simple.

— Tu t’appuyais beaucoup sur eux ?

— Oui. Mais en même temps, ils étaient nombreux à être contre mes idées, encore trop convaincus par les idées de ma mère.

— D’ailleurs, tu es montée comment sur le trône ? Tu as eu droit à une super cérémonie ?

— Oui. Mais si j’ai longtemps hésité. Ma mère venait de m’abandonner et je ne connaissais rien à l’Empire ou aux fonctions qui étaient désormais miennes. J’ai tout appris sur le tas, avec l’aide des conseillers et de ta mère.

— Elle était avec toi dès le début ?


Je lui expliquais alors en détail ma rencontre avec Océane, mon insubordination pour la sauver in extremis d’une mort certaine. Le déclic que j’avais provoqué chez ma mère, ma colère en apprenant que j’étais désormais propulsée au rang d’Impératrice, à la tête d’un Empire inconnu.


— On dirait une histoire de conte de fées, souffla-t-elle.

— De quoi ? Ma rencontre avec ta mère ?

— Oui. Votre histoire commune. Tu l’as sauvée, elle t’a sauvée. Vous cachez bien votre jeu en fait, sourit-elle.

— C’est-à-dire ?

— Vous êtes bien plus amoureuse l’une de l’autre que vous ne le montrez.

— Mais c’est normal, ma petite. Toi, ni personne, n’a à savoir ce qu’il se passe dans notre chambre une fois la porte fermée.


Ma fille rougit aussitôt et cacha son visage dans ses mains. J’aimais bien la taquiner, surtout depuis qu’elle avait questionné sa mère sur l’adolescence et tout ce qui en découlait. Elle grandissait, elle était désormais au courant de certains aspects de la vie. Je pouvais donc m’autoriser à en parler, plus ou moins directement.


— Maman !

— Bah quoi ? Toi aussi un jour tu auras un ou une petite amie.

— Arrête, je ne veux pas savoir ça ! C’est dégoutant.

— Oh là, ma petite, tu ne dirais plus la même chose dans quelques années.


Elle me tira la langue et je la pris dans mes bras. Elle se débattit un instant, honteuse avant de profiter de ce câlin improviser. Elle releva ensuite la tête, prête à me questionner à nouveau.


— Dis maman, est-ce que je dois moi aussi aimer les filles ?

— Tu fais bien ce que tu veux. Fille, garçon, tu choisis. Enfin ça ne se choisit pas vraiment, mais tu es totalement libre d’aimer qui tu veux.

— Et si je préférais les garçons, ça te dérangerait ?

— Pas du tout.

— Comment tu la sus toi ?

— Que j’aimais les filles ou que j’aimais ta mère ?

— Les deux, rougit-elle à nouveau.

— Pour les filles, je ne sais pas vraiment. Pour ta mère… je crois que ça s’est fait petit à petit, sans que je ne m’en rende compte. Hormis Emma que je connaissais depuis quelques années, elle était ma seule amie. Elle n’a jamais pris en compte notre différence sociale. Elle a fini par prendre une place importante dans ma vie au point de réclamer sans cesse sa présence auprès de moi. Loin d’elle, j’avais l’impression que mon cœur allait se déchirer. Alors que quand elle était avec moi, tous mes problèmes s’envolaient. Je lui dois beaucoup.

— C’est beau l’amour.

— Je ne te le fais pas dire. Mais ça fait aussi mal. On a traversé beaucoup de difficultés, d’obstacle ta mère et moi avant de pouvoir nous aimer au grand jour et pour moi, d’accepter mes sentiments pour elle.

— J’espère un jour pouvoir vivre une histoire d’amour aussi belle que la tienne.

— Je te le souhaite de tout mon cœur, ma chérie.


Discuter d’amour avec ma fille me rappela à quel point j’étais heureuse. La vie de famille que j’avais aujourd’hui, j’en étais que plus fière. Fière d’avoir lutté de toute mes forces pour la construire. Fière de tout ce que j’avais parcouru pour en arriver là. Pour rien au monde je ne voudrais changer quoi que soit. J’aimais ma vie, ma famille telle qu’elle l’était. Et même si nous luttions encore pour avoir ce troisième enfant, je savais qu’un jour, nous efforts seraient récompenser. Nous devions rester positives, je voulais les rester. Si Océane avait tant de mal, c’est parce que ce n’était pas le moment, pas le bon enfant pour nous. Ce troisième se faisait tellement désirer qu’il ne pouvait qu’être parfait.

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