Insoupçon
C’était un jour pluvieux ; un ciel empli de nuages effilochés et gris comme la cendre rendait l’atmosphère sombre, l’ambiance était morne et l’horizon, délimité par des arbres aux allures diverses et aux essences variées – tantôt touffus, tantôt épineux – semblait ciseler le paysage en deux parties égales et distinctes, le soleil irrradiant derrière la forêt et transperçant la voûte nuageuse de ses rayons chaleureux, comme si la pluie n’eut jamais été ; sans l’astre du jour, personne n’aurait vu dans ce paysage la moindre once d’espoir, de motivation ou de courage ; sans l’astre du jour non plus, personne n’aurait aperçu, se découpant dans le crépuscule naissant, une petite silhouette féminine qui se tenait assise de profil sur un balcon ; ses jambes pendant dans le vide, elle paraissait frôler les arbres de ses pieds nus et fins ; un haut sûrement trop grand pour elle faisait onduler ses contours de ses multiples plis, mais laissait visible la droiture de son dos ; plus petit encore, son visage se découpait à la faible lumière chaude, sublimant la courbe de son menton, puis celle de son nez d’enfant ; son front demeurait caché par ses longs cheveux, volant au vent, comme animés par le soleil pourtant invisible, mais qui avec force faisait ressortir chaque détail de l’ombre ; emmelée, sa tignasse évoquait la fougue et la liberté tandis que les arbres semblaient de pierre, pas le moins du monde perturbés par la brise – ce phénomène qui, doux d’ordinaire, pouvait vite se transformer en rafales inédites ; le paysage, lugubre et silencieux en fond, avait l’air de soudainement resplendir avec une puissance jusque-là insoupçonnée… L’artiste sourit, fier de son oeuvre.
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