#11 Your Wonderland
Cailyn baissa les bras et soupira. Cela faisait dix bonnes minutes qu’elle essayait d’attirer son attention, mais sans succès. Ses longues oreilles se baissèrent et son nez se fronça. D’un bond, elle alla jusque sur sa chaise où elle avait l’habitude de s’asseoir lorsqu’elle l’attendait. Ce n’était pas n’importe quelle chaise, non. Il s’agissait d’une longue et grande chaise rose bonbon formée à partir d’un nuage qu’elles avaient été attrapées dans la vallée des lucioles.
Est-ce qu’elle se souvenait de ce jour ?
Probablement pas.
Cailyn s’installa confortablement et attendit. C’est ce qu’elle faisait quand elle savait qu’elle ne tarderait pas à rentrer de l’école. Instinctivement, son regard se posa sur ses mains qu’elle observa attentivement. En quelques jours, sa peau était devenue beaucoup plus blanche que la normale et cela lui faisait peur. Elle savait ce qui lui arrivait, mais elle ne voulait pas l’admettre. Si elle le faisait, cela voudrait dire qu’elle avait échoué, qu’elle n’était bonne à rien.
Non.
Cailyn préféra concentrer ses pensées sur la chambre. Les murs avaient changé tellement de fois de couleurs qu’elle ne se rappelait même plus, les teintes qu’ils avaient pu prendre. Depuis combien de temps étaient-ils roses et violets ? Une semaine, un mois ? Peut-être deux ? Le canapé en barbe à papa rouge pâle semblait comme neuf de là où elle était. De toute façon, à chaque qu’elle venait ici, tout semblait identique à la fois précédente. Rien ne changeait, rien ne se cassait, rien ne fanait.
Elle releva la manche de sa veste et regarda l’heure : bientôt seize heures, elle ne devrait pas tarder à rentrer. Cailyn se leva d’un bond et s’approcha d’un long miroir en guimauve et observa son reflet quelques instants. Ses longs cheveux couleur argentée étaient bouclés comme à leur habitude et sa tenue était impeccable. Non, elle n’avait pas choisi sa tenue, c’était elle. Elle avait choisi une robe à volants en dentelle bleu ciel et une veste blanche par-dessus. Son physique non plus, elle ne l’avait pas choisi : les longues oreilles de lapin et une petite queue touffue.
Non, elle n’avait pas eu le choix. Cailyn se contentait juste de sourire et de l’amuser. C’est ce qu’elle faisait depuis des années et cela semblait marcher jusqu’à il y a quelques semaines. Elle avait pris un an de plus, tout juste dix ans. En soi, ce n’était pas grand-chose, du moins c’est ce que Cailyn pensait…
Elle avait reçu les cadeaux habituels de sa tante et de ses grands-parents : de nouvelles peluches avec lesquelles nous prendrions le thé, puis tout bascula lorsqu’elle déballa le cadeau de ses parents. Cailyn l’avait observé cachée, derrière la porte de la chambre. Elle avait un large sourire sur le visage et montrait heureuse, le téléphone portable qu’elle venait de recevoir.
C’est à ce moment-là que Cailyn avait observé les premiers symptômes : ses mains avaient commencé à blanchir, puis progressivement elle disparaissait. Elle n’était plus son centre d’intérêt, elle était obnubilée par ce téléphone rempli de jeux virtuels.
Qu’allait-elle devenir ? Elles avaient passé tant de temps à jouer ensemble…
Avec qui allait-elle jouer à la marelle ou prendre le thé ?
Elle rentra finalement dans la chambre et déposa en trombe son cartable et se débarrassa de son manteau sur le lit. Elle s’installa sur le tapis en forme de papillon, sortit son téléphone portable et lança un jeu.
Cailyn tendit les mains et les regarda devenir transparentes. Le processus avait débuté, elle disparaissait. Après tout, elle n’était qu’une amie imaginaire… Ce n’était pas possible qu’elle puisse avoir des sentiments… Était-ce là, le sort réservé aux amis imaginaires ? De disparaître tels des malpropres lorsque leur enfant grandissait ou tombait dans les addictions des grands ?
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