16.
Les deux jumeaux se tiennent la main. L’un pleure à chaudes larmes, l’autre ne laisse aucune émotion filtrer sur son visage. Derrière eux, leur parrain est figé tel une statue de marbre. Sur la tombe deux noms, l’un fraîchement gravé :
Ambre Vivaro 1981 – 2007
Louis Vivaro 1981 – 2008
***
Nikita avait toujours été le plus téméraire des deux. Gabriel, lui, était toujours très calme, ce qui avait le don d’énerver son jumeau. Nikita n’avait pas prévenu son frère de son plan car il savait qu’il tenterait de l’arrêter. Ne lui en veux pas, il n'a aucun souvenir de ce qu'il s'est passé. Toi, si. Tu dois le protéger.
Le jeune homme se tenait accroupi, caché derrière une remorque, en face du hangar dans lequel il avait vu son parrain entrer, il y a deux jours de ça. Cela faisait quelque temps que Nikita était rongé par la curiosité. Que faisait au juste son parrain, au milieu de nulle part, en pleine nuit, dans ce hangar si hautement sécurisé ? Il avait un étrange sentiment de déjà-vu mais n'arrivait pas à trouver une explication plausible. Et si c'était là ? Et si c'était lui ?... Non. Impossible, c'est notre seule famille. Depuis son arrivée, il avait pu dénombrer quatre caméras de surveillances infrarouges. Grâce à ses connaissances en appareils électroniques ainsi qu’à son agilité et sa discrétion, Nikita avait réussi à passer entre les mailles du filet. Il était désormais derrière sa remorque, les cuisses commençant à lui brûler à force d’être dans cette position inconfortable.
« Qu’est-ce que tu fais, bon sang ? »
La voix de Gabriel résonna dans sa tête comme si son frère s’était tenu juste à côté de lui. Depuis tout petit, ils avaient été capables de se parler ainsi, par des mots mais aussi par des émotions, des sensations qu’ils s’envoyaient par télépathie, peu importe la distance qui les séparait. Leur parrain les avait aidés à maîtriser ce don, leur disant que leur mère serait fière d'eux. Nikita ne prit pas la peine de répondre à son frère. Il resta posté silencieusement en attendant que son parrain ressorte de son repère.
« Bouh ! »
Nikita sursauta et faillit lâcher un cri. Gabriel se tenait vraiment à côté de lui, accroupi lui aussi.
« Putain, mec, refais jamais ça ! J’ai failli avoir une crise cardiaque ! chuchota Nikita
- Scuse mais c’était trop tentant ! rétorqua son frère dans un rire
- Et puis d’abord, pourquoi t’es là ? Tu me suis ? Comment t’as réussi à passer les caméras ??
- Easy ! J’ai simplement eu à suivre les traces que mon débile de frère a laissées. Tu es très mauvais quand il s’agit de couvrir tes traces, je te l’ai toujours dit, Niki.
- Ta gueule ! Monsieur Gabriel fait toujours mieux que tout le monde de toute façon.
- C’est pas ce que j’ai dit
- Si !
- Non.
- Si !
- Non.
- Mais si !
- Bon, ça suffit maintenant ! Plutôt que de faire ton gamin, dis moi plutôt ce que tu comptes faire, caché là. »
Un bruit de moteur stoppa les deux garçons dans leur chamaillerie. Ils se tournèrent vers le hangar et observèrent leur parrain sortir du pick-up. Côté passager, une séduisante femme au regard vide resta un moment assise avant d'ouvrir la portière. Sortie du véhicule, elle jeta un œil aux alentours. Les jumeaux se plaquèrent contre le sol, de peur d’être découverts. Le cœur battant, ils retenaient leur respiration. Quand ils osèrent enfin de nouveau épier ce qui se déroulait à seulement dix mètres d’eux, ils ne virent que le dos carré de leur parrain, vêtu de cet éternel blouson de cuir déchiré, la femme chaloupant des hanches à sa droite. Soudain, leurs yeux s’écarquillèrent. Leur parrain venait de sortir un pistolet. Les deux garçons restèrent pétrifiés alors que la porte du hangar se refermait derrière la femme, qui faisait rouler tranquillement ses reins, une arme plaquée en leur creux.
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