20.
Nikita fait les cent pas dans sa cage. Gabriel est inconscient dans la géôle voisine. Il l’entend respirer, il est vivant. Une rage folle imprègne chaque parcelle de son corps. Il veut tuer, il veut voir souffrir cet enfoiré encagoulé. Il veut lui arracher les membres un à un et les dévorer devant lui. Il veut que son sang gicle pour pouvoir s’en peindre le visage et le regarder dans les yeux, la face barbouillée de rouge, un sourire carnassier aux lèvres. Gabriel se réveille. Nikita se calme aussitôt.
***
Le fauve suivit sa proie à pas feutrés. Il respectait une certaine distance. Il marchait le vent dans le dos, mais face à cet humain cela ne représentait aucun risque. Les odeurs devinrent soudain familières.
Surveiller. Rester calme. Être patient.
L'homme s'arrêta au centre de la clairière. Il se mit à pleurer silencieusement puis tomba à genoux, les mains dans l'humus mouillé par la dernière pluie. D'un coup, un cri déchirant s'échappa de sa bouche. Les traits de son visage furent déformés par sa souffrance intérieure. Il sortit le pistolet de sa poche et positionna le canon sur sa tempe. Le doigt sur la gachette il n'hésita qu'une micro seconde avant de presser la détente. Un vol d'oiseaux ébranla la canopée. L'homme était toujours vivant, le pistolet pointé vers les arbres, une balle d'argent figée dans le tronc le plus proche.
Le fauve observait sa proie, attendant le moment propice pour la prendre par surprise.
Surveiller. Rester calme. Être patient.
L'homme se releva avec une extrême lassitude. Il se remit en marche, en direction de la rivière. Là, posté sur le pont, les poings serrés, il se remit à pleurer. Il vida sa poche contenant le pistolet sur la pierre de la rambarde, comme si celui-ci était devenu trop lourd à porter.
« Donne moi la force de continuer! Je t'en prie... Je ne sais même plus si j'ai fait les bons choix. Je les ai faits souffrir. Pour toi. »
Un coassement de corbeau fut la seule réponse à cette supplique.
« Je suis un meurtrier !!!!!! » hurla-t-il, l'écho de cette vérité résonnant dans la ravine autant que dans les méandres de sa conscience.
« Regarde ce que je suis devenu... Pourquoi... Pourquoi ?! Je suis un monstre, encore plus répugnant que celui qui t'as tué! Je suis laid, je l'ai toujours été, c'est pour ça qu'elle t'a choisi. Je ne suis même pas capable de te venger moi même. J'ai besoin d'eux mais je ne sais pas comment leur dire... »
Ses jambes le lachèrent et il se cogna le menton sur la roche dure. Il ne se soucia pas du sang ruisselant sur son cou, ni même de l'énorme fauve qui venait vers lui. Lorsqu'il nota sa présence, il ne parut pas le moins du monde surpris, encore moins effrayé.
« Tue-moi, saleté de loup... TUE MOI, BORDEL !»
L'animal planta ses yeux rouges dans les yeux fous de l'homme affalé à même le sol, agonisant dans son propre mal être, mais il tourna finalement l'échine et repartit en direction de la forêt.
Vengeance. Combat.
Être Patient.
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