Le non-rêve.
Assise sur le banc dans la gare, je regarde la maman débordée, avec la poussette dans laquelle dépassent les pieds de son fils. Je ne le vois pas, mais je l'entends très bien, cela me fait rêver. Je rêve d'avoir des enfants. Il tape, il pousse très fort contre le siège et je me dis que je serai comme elle, patiente et calme, douce et docile. Compréhensive. Le sac à langer sera organisé clairement, rien n'en dépasserait. Qu'est-ce que j'aime les enfants et leurs cris de joie. Les pleurs aussi, car cela en fait partie. J'aime tous ces sujets abordés de la maternité, qui me font glisser dans les mailles d'un filet dont je me prendrai volontiers les pieds dedans. La préparation des biberons, celle à l'accouchement, tout cela me trotte dans la tête depuis l'âge d'onze ans. Je l'observe avec admiration, même si elle semble assez dépassée. Débordée.
Car voilà un deuxième enfant. Une petite fille qui s'amuse à recracher tous les biscuits qu'elle avale. Sa mère essaie tant bien que mal de jongler entre les deux. C'est magique ! Les hurlements à l'unisson me donnent l'impression d'imaginer ma propre maison, avec un mari, la bague au doigt et nos jumeaux qui dormiraient paisiblement dans notre chambre. Car évidemment, dormir avec les bébés dans notre chambre est ma priorité. Hors de question qu'ils soient loin de nous. J'ai l'image de ce tableau familial parfait alors que l'heure de prendre mon train approche. La petite fille lui crache ses miettes de biscuits chocolatés au visage et la maman sourit calmement, sortant les lingettes hypoallergéniques en soupirant gentiment. Je la trouve sereine.
Je me demande quel reflet je renvoie moi qui suis assise là, maladroitement sur le banc, le sac à bretelles toujours sur le dos, me forçant à me tenir droite, écouteurs avec fils emmêlés dans les oreilles, en train d'écouter mon chanteur préféré, sans avoir à me soucier de rien d'autre que de moi-même. Je m'apitoie sur mon propre sort. L'annonce retentit. C'est l'heure de prendre le train.
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