Un instant et tout bascule
Parfois, une rencontre ne se résume pas à un simple échange de regards. Parfois, c’est une tempête intérieure, un cœur qui s’emballe, une raison qui vacille. Un éclat de rire, un prénom soufflé, une invitation... Et tout change.À travers cette courte histoire, je voulais capturer cet instant suspendu, ce moment où l'on se débat entre la peur et l’envie, entre le doute et l’attirance. Blue pensait être maîtresse de ses émotions, mais face à Ariel, la certitude s’efface et laisse place à un frisson inconnu.
Et si, finalement, une simple rencontre suffisait à tout bouleverser ?
Un rayon de soleil tombe de la fenêtre sur l'ouvrage ouvert devant lui. Il illumine ses paupières légèrement plissées et ses longs cils blonds.
Si seulement il pouvait tourner la tête, que je puisse apercevoir la couleur de ses yeux...
Il me regarde. Rougissante, profondément gênée, je baisse les yeux sur le clavier de mon ordinateur et feins d'être occupée.
Du coin de l'œil, je perçois le merveilleux sourire qui vient de fleurir sur ses lèvres.
Je dois être rouge des orteils jusqu’au bout des oreilles.
J'aimerais admirer ses yeux sans qu'il ne m’observe en retour. Get a grip, damn it !
N’empêche, si ce n'est pas Apollon assis tranquillement parmi les étudiants, ce doit être Cupidon, fatigué de la vie olympienne, qui s'amuse des battements effrénés de mon cœur à chaque fois que ses iris vertes et dorées croisent les miennes.
Je tapote nerveusement du bout des doigts sur ma table et cesse immédiatement lorsque l’étudiante en face de moi me jette un regard exaspéré.
Dès que mes doigts s’immobilisent, mes jambes prennent le relais. Je dois être nerveuse.
Je referme mon ordinateur un peu trop bruyamment au goût de Mademoiselle. Je m’excuse aussitôt avec une grimace désolée. Un rire mélodieux attire mon attention.
Les yeux pétillants de gaieté, il s’amuse ouvertement de mes expressions faciales.
Je lui tire la langue, boudeuse, et le regrette immédiatement. Qu’est-ce qui me prend ? En plus, mon comportement enfantin le fait rire de plus belle. Si seulement il n'était pas si beau…
Je devrais être fâchée, mais je n’y parviens pas. Je ne crois pas au coup de foudre, putain !
Je me lève en évitant soigneusement de regarder dans sa direction et range précipitamment mes affaires. Hors de question que je sois encore blessée par un idiot béni par la nature.
Sans un seul regard en arrière, je m’éclipse loin de son insupportable mais délicieuse présence. À peine la porte de la bibliothèque franchie, je soupire, le cœur battant à tout rompre. Je m'appuie contre la rambarde métallique qui borde l’entrée du bâtiment et enfile mon casque.
Les yeux fermés, je respire profondément au son de mes mélodies préférées, tentant vainement d’ignorer le rire mélodieux qui résonne encore à mes oreilles et le regard brûlant qui semblait voir plus loin que les apparences.
Un léger tapotement sur mon épaule me sort de ma contemplation intérieure du visage angélique. Je sursaute en clignant des yeux, surprise de le voir en face de moi. Impossible.
— Si, si, absolument possible.
Dieu… C’est autorisé d’avoir une voix encore plus belle que ses yeux ?
Attends, j’ai pensé tout haut ? Il est juste devant moi. Je fais quoi ? Je lui parle ? Il doit me prendre pour une folle, à le regarder comme une morue hors de l’eau.
— Hey, respire, tout va bien.
Comment veux-tu que je respire quand tu es à moins d’un mètre de moi, idiot ?
Je sens ma respiration difficilement calmée s’emballer de nouveau. Putain, mon cœur n’en fait qu’à sa tête.
— Excuse-moi de t’embêter, mais tu as oublié ton écharpe tout à l’heure.
Ces intonations dorées… Je fonds.
Euh, il faut que je réponde quelque chose, non ? Il parle tout seul depuis tout à l’heure.
Plus rougissante qu’une tulipe sous le soleil printanier, je bégaie quelque chose qui ressemble à « merci ».
Il sourit, et je perds tous mes moyens, comme si ce n’était pas déjà le cas.
— Je m’appelle Ariel. Et toi ?
— Je… Je… Blue…
— Comme la couleur ?
— Euh… oui… Mes parents ont des goûts douteux, j’articule, gênée.
— Non, c’est mignon. Ça te va bien.
Il a dit mignon. Il a dit mignon. Il a dit mignon.
Waouh, ne t’arrête pas. Répète-le.
— Euh… Merci…
— Je t’en prie. Tu es du coin ?
— Eh bien… j’habite… j’ai un appart… pour les études…
— Oh, je vois. Tu étudies quoi ?
— Sciences du langage.
Je me sens un peu plus à l’aise. Ses yeux reflètent une douceur calme.
— Et toi ?
Il sourit — encore — et mon cœur s’emballe — encore.
— Musique. Je chante et je joue de la guitare.
— Wow, c’est trop génial.
Il consulte sa montre. Non, ne pars pas.
— Écoute, il va falloir que j’y aille, mais j’aimerais vraiment qu’on se revoie. Tu me laisserais t’inviter à un rendez-vous ?
— Je… euh…
Mon cerveau cesse immédiatement de fonctionner. Cupidon vient de me proposer un date.
— A-Avec plaisir…
— On échange nos numéros ?
Je hoche la tête et lui tends mon téléphone.
— Voilà. J’espère te revoir bientôt, Blue.
Il part. Je respire enfin normalement, mais un vide envahit mon cœur du manque de sa présence.
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