Cantique III : The Man Who Sold The World
« Cher Maître,
Veuillez me faire l'honneur de votre présence sur le toit de l'Institut, ce vendredi à 21 heures. En ces moments suspendus, je me dois de vous confier les égarements de mon âme, cherchant dans votre écoute une absolution tant espérée. Votre présence sera mon phare dans l'obscurité.
Avec toute ma considération,
Lenore »
Minuit sonnait comme Joshua rentrait de la taverne dans son appartement. Le hall était plongé dans l’obscurité, il lui vint à l’idée de dormir ici. Néanmoins, il se dirigea vers l'escalier, en longeant le mur de sa main. Son logement se trouvait au neuvième étage. Tenter d'allumer la lumière était futile ; l'électricité avait été coupée dans tout le secteur depuis 50 ans déjà.
Il monta les escaliers péniblement, moins en raison de l'alcool qu’a l'idée de retrouver cette chose.
Arrivé au pas de sa porte, il se mit à écoutait. Aucun bruit.
Il poussa la porte. Il ne l’avait pas fermé.
Rien ne remuait dans la maison.
Mais il demeura où il était, n’osant faire un mouvement. Quelques minutes s’écoulèrent. Il inspecta du regard son logis, éclairait par un rayon de lune sanguine. Il fit un pas et rentra chez lui.
C’était un vaste appartement, certes, mais sans charme, doté d'une alcôve et d'un lit disposé au fond ; Une table avec deux fauteuils se faisant face ; deux fenêtres offraient une vue sur la Tour Neuro et sur Léthé. Près de l'une d'elles se tenait un bureau, entouré de meubles anciens et d'étagères remplies de livres.
Il aimait les livres.
C'est là qu'il avait consacré son adolescence à l'étude de l’enseignement des Pneumatikos.
Il avait mémorisé les quatre grands Devoirs, tels que définis par Golgotha Samuel : le devoir envers la Connaissance (Golgo,.VI, 20, 25), le devoir envers la Raison (Golgo,.XX), le devoir envers ses frères (Golgo,.I, 12), et le devoir envers soi (Golgo,.I, 11). Il pouvait non seulement les réciter, mais aussi restituer toutes les exégèses. Son exceptionnelle érudition l'avait mené à devenir, à vingt ans, le premier étranger à réussir le concours professoral. Cela suscita un vif émoi parmi les Marchands, et, à cette occasion, un légat, écrivit à l’Archiereus, Alfonse Ischar, ces lignes :
« Votre Sainteté, je tiens à attirer votre attention sur la récente nomination d'un citoyen honoraire au poste de professeur. Point n'est ici question de contester la vaste érudition de cet homme, mais il est de mon devoir de souligner les effets néfastes que pourrait engendrer une telle décision sur l'ordre social qui préside à notre commun bien-être. En effet, cette nomination, en apparence louable, risque de semer dans l'esprit des classes les moins favorisées de notre société, l'illusion pernicieuse d'une mobilité sociale exempte des barrières héréditaires qui, de tout temps, ont guidé la saine gestion de notre cité. Elle propage l'idée hasardeuse qu'un titre, fût-il honorifique, puisse être le véhicule d'une ascension indue, suscitant par-là de terribles espérances. Quant au statut de citoyen honoraire lui-même, je me permets de questionner sa légitimité, le percevant comme une brèche par laquelle pourraient s'engouffrer des rivalités délétères… »
Peu à peu, et avec le temps, toutes les oppositions étaient tombées. Il arriva un moment où ce mot : maitre, fut prononcé avec le même accent que pour n’importe quel autre titulaire du titre. Joshua intégra l’Institut Sophia, comme maitre d’histoire, à l’âge de 25 ans. Ce dernier parlait à peu de monde et souriait beaucoup pour se dispenser du reste.
Il fut presque heureux.
Il aimait ses élèves, et il était aimé par eux. Joshua était une de ces âmes qui ne peut haïr sans se blesser ; il ne lui restait plus donc qu’à aimer.
Une seule élève échappait inexplicablement à ce mécanique amour. Malgré tous ses efforts, quoi qu’il fît, une barrière invisible l'empêchait d'éprouver pour elle le moindre sentiment tendre. Comme si, au plus profond de son être, un instinct primal lui hurlait de se tenir à distance.
Si bien qu’un jour, elle le regarda d’un air de colombe et lui demanda avec douceur :
— Maitre… Vous ai-je déjà fait le moindre mal ? Vous semblez me fuir comme on fuit la peste.
Elle se nommait Lenore.
Un nuage vint couvrir le ciel.
Dans l’appartement, on y distinguait plus que des formes confuses et vagues.
Joshua avança, en direction de la table, avec précaution en évitant de se heurter aux meubles.
Soudain, une voix nasillarde retentit :
— Combien de temps encore comptes-tu rester dans les ténèbres ? L’horloge vient de marquer une nouvelle seconde de retard !
Joshua devint pâle. Un frisson parcourut son corps.
— Aussi longtemps que je le souhaite, disparais ! gronda-t-il.
Un rire moqueur résonna dans la pièce.
— Kékéké ! Kékéké ! Kakaka !!!
— Tu te moque ! De quoi te moques-tu encore, saloperie !? s’écria, Joshua.
— Le rire est le propre de l’homme, n’est-ce pas ? J’essaye simplement de te mettre à l’aise en te montrant que nous ne sommes pas si différents… sans succès, apparemment.
La voix poursuivit, cette fois en appuyant sur chacun des mots qu’elle prononçait :
— Concernant ta requête, tu sais parfaitement que je ne partirai pas sans une discussion avec toi, mon ami.
Accablé, Joshua s'affala dans son vieux fauteuil, et dit :
— C’est affreux ce que le manque de sommeil peut provoquer chez un homme… jusqu’à en avoir des hallucinations.
Il ajouta avec un air d’indifférence, mais sans quitter des yeux l’étrange silhouette qui se tenait devant lui ; une silhouette guère plus grande qu'un enfant, mais dominée par une tête disproportionnée :
— Raconte ce que tu veux, peu m’importe. Tu ne m’exaspéreras pas comme alors.
Puis, les mains tremblantes, il alluma une chandelle qui avait déjà bien servi.
Alors que la flamme s'animait, elle révélait progressivement le visage de la créature.
— Et la lumière fut ! s’écria-t-elle.
Cornue, les yeux d'un blanc d'albâtre brillant d'un éclat presque métallique et un grand nez crochu ; une peau rouge. Vêtue d'un costume noir et chaussée de bottines pourpres. C’était un diablotin.
Assis avec nonchalance dans le fauteuil, il savourait son café. Ses longs bras, se terminant en griffes, manipulaient la tasse avec la même délicatesse qu’un aristocrate appréciant un vin rare.
Il ajouta :
— Regarde donc l’état de ton logis ! Qu’as-tu donc dans la tête, que diable ! Combien de temps encore vas-tu te tourmenter à cause de ce Serpent, de cette Lenore ? Elle veut ta mort, combien de fois vais-je devoir te le répéter ? Elle a tissé ses toiles dans les recoins sordides de cette cité, de sinistre filets où se prennent les moustiques et les papillons…
— Assez ! interrompit Joshua avec rage. C’est moi qui parle à travers toi ! Je ne t’ai jamais pris un seul instant pour une réalité. Tu es un mensonge !
Le Diablotin prit une nouvelle gorgée.
Il afficha un sourire où l’on pouvait apercevoir ses grand dents blanches acérées, comme ceux d’un requin.
— L’arabica, quel délice ! s’exclama-t-il avec extase. Crois ce qui te chante, mon ami. La foi ne se commande pas, et parfois, même les preuves concrètes ne suffisent pas. Thomas lui-même a cru parce qu’il le voulait bien. Mais je veux que tu comprennes cela : tout ce qui agit est réel ! Ce sont bien les mots de ton maitre, n’est-ce pas ?
Joshua passa ses mains sur son visage, et se mit à parler à voix basse, comme s’ils se parler à lui-même :
– Comment ai-je pu imaginer un bouffon tel que toi ? Une projection de moi, ou plutôt d’une fraction de moi... de mes idées et de mes émotions, mais uniquement celles les plus ridicules, les plus basses !
Il fit une pause et reprit :
— À cet égard, tu pourrais même m’intéresser, si j’avais du temps à te consacrer.
A ces mots, le Diablotin posa délicatement sa tasse sur la table, laissant la vapeur du café dessiner des arabesques dans l’air.
— Ridicules ? Basses ? Répéta-t-il. Joshua, je connais bien la source de ta colère. Elle émane de la déception. Tu désires que je te qualifie d'idiot, d'égoïste, de méfiant, de pessimiste, de lâche, de malhonnête, de venimeux ; que parler de toi ou avec toi provoque la nausée. Voilà ce que tu veux entendre. Hélas ! Je ne sais pas mentir, ma nature m'en empêche. Au lieu de cela, je t'invite simplement à vivre et à trouver le bonheur ; c’est ce qui provoque ton gourou.
Et, cessant de regarder Joshua, le Diablotin acheva sa pensée en ces quelques mots :
— Mais ainsi, donc, je suis condamné à te trainer à travers tout un purgatoire afin que tu renonces à ce sombre plaisir.
Joshua ne répondit pas. Il sentit, sans se l’avouer, que quelque chose en lui était atteint.
Le Diablotin reprit :
— Mais concentrons-nous sur la raison de ma venue ! Tu as porté secours à ce garçon malgré mes avertissements. Tu comptes utiliser ce garçon au profit de ta propre rédemption ? L’autre n’est pas un marchepied, vois-tu.
À ces mots, Joshua sembla se recroqueviller sur lui-même, murmurant d'une voix à peine audible :
— Non, cela n'est pas vrai... Je désire... le sauver...
— Mais quelle étrange coïncidence, n'est-ce pas ? Se retrouver au même endroit que ce pauvre malheureux... Que cherchais-tu donc sur ce toit, à une heure aussi tardive ?
Joshua devint livide.
Il y eut un affreux moment silence. La chandelle, dansant au rythme des courants d'air, projetait sur les murs l'ombre gigantesque et menaçante de la petite créature, comme prête à dévorer Joshua tout entier.
Finalement, celui-ci leva la tête, et, avec un regard empreint d'une sauvagerie indomptée, s'écria d'une voix rauque :
– Qu’est-ce que tu insinues !? Tais-toi ! Sinon je jure de te jeter par la fenêtre ! Je le jure !
Et il ajouta dans sa pensée : « A-t-il vu en moi ?! ».
Un diabolique ricanement emplit la pièce.
— Kékéké ! Allons, du calme, mon ami. Cela pourrait presque me flatter, car si tu te donnes tant de peine, c'est que tu crois à mon existence ; on ne précipite pas une hallucination par la fenêtre. Écoute, renonce à sauver cet enfant. Sa mort est nécessaire à ton salut.
A ce mot, Joshua se prit d'un rire nerveux :
— Mon salut ? Mon salut ! Un diable travaille pour mon salut ! Qu’ai-je fait pour que l’on m’envoie en guise d’ange gardien, une créature aussi ridicule que toi ?!
La voix de la petite créature devint alors froide, inexorable :
— Rien de mal, justement ! Ecoute moi, Joshua, l'homme est le seul à faire un si grand bruit autour de la mort - de quel droit ? Que représente la vie de ce garçon ? Il a travaillé, ri, bu, mangé, dormi. Il a été aimé par sa mère, morte après l'avoir mis au monde. Paix à son âme ! Certes ce fut un peu court, mais combien d’homme n’ont jamais eu cette chance ? Je mesure ta souffrance, mais ce garçon a bien et assez vécu.
Pendant qu’il parlait, Joshua se bouchait les oreilles, regardait à terre, tremblant comme un enfant.
Le diablotin poursuivit malgré tout :
— Je sais que tu m’entends, car c’est à ton âme que je m’adresse. Au fond, tu as horreur de toi-même, c’est pourquoi tu préfères courir vers tout ce qui est autre plutôt que vers toi-même. Mais qui vivra ta vie si tu ne la vis pas toi-même ? Ce n’est pas seulement stupide d’échanger sa propre vie contre une vie étrangère, mais c’est aussi un jeu hypocrite, car tu ne peux jamais vivre réellement la vie d’un autre, tu le prétends seulement, tu dupes autrui et toi-même. En cédant à tes désirs simiesques, tu contamines les autres, parce que le singe incite au simiesque. Ainsi tu fais de toi, et des autres des singes. Par une imitation réciproque, vous vivez dans l’attente moyenne pour laquelle, de tout temps, une image a été façonnée par les désirs d’imitation de tous : celle du héros. C’est pourquoi le héros fut assassiné, car vous êtes tous devenus des singes à cause de lui.
Il demeura un instant silencieux comme s’il réfléchissait, puis éleva la voix avec une sorte de solennité triste :
— Joshua, se vivre soi-même, c’est être pour soi-même un devoir.
Joshua releva la tête et inspira profondément :
— Épargne-moi tes élucubrations pseudo-philosophiques, espèce d’âne ! riposta-t-il avec véhémence. Ce que tu racontes n’est que banalité. Tu exhumes mes pensées les plus ineptes pour les présenter comme révélations.
— Tu as raison, concéda-t-il. Ce que je conte est banal, usé et ressassé, mais sache une chose : plus une vérité est inhabituelle plus elle doit être également inhumaine, et elle te dira d’autant moins quelque chose de précieux sur l’essence de l’homme. Seul ce qui est humain et que tu accuses d’être banal contient la réponse que tu recherches.
—Si tu ne peux t'évanouir, pourrais-tu au moins me divertir ? Tu es un diablotin, non ? lança Joshua, un brin de défi dans la voix.
— Eh bien, laisse-moi te narrer une histoire, répliqua l'entité avec malice. Tu me taxe de banalité, mais, ô ironie, connais-tu le sort tragique d'une nation, morte non par la médiocrité, mais par l'éclat de ses propres idées ?
— Une « nation » ? reprit Joshua avec une étrange animation.
— Assurément, comme le village constitue l'unité sociale élémentaire et la cité l'échelon intermédiaire, la nation représente la somme de ces collectivités, unies par le langage et les mœurs. Jadis, avant la « Grande Vague », le globe était parsemé de ces entités.
— Ce concept m'est étranger, cela ne m’est jamais venu à l’esprit, dit Joshua à voix basse. Étrange… Qu’est-il donc arrivé à cette « nation » ?
Il écoutait maintenant avec une curiosité inattendue.
— Comme tout être foulant le sol de ce monde, elle connut l'innocence de l'enfance, l'ardeur de la jeunesse, puis la maturité où les aspirations se heurtent à la dure réalité, avant de sombrer dans la sénescence. Cette contrée, d'une empreinte indélébile, marqua l’histoire de l'humanité par ses contributions : le cinématographe, la montgolfière, sans oublier son cortège de penseurs éclairés et d'artistes virtuoses ! Toutefois, l'âge d'or fit place à une ère de décadence, celle des « hommes méprisables », accablés sous le fardeau de leur médiocrité, reniant avec dédain un passé désormais jugé trivial et ridiculement suranné. Ces philosophes proclamèrent la folie des époques révolues. Ils aspiraient à une tabula rasa, interrogeant les fondements mêmes de l'existence : l'amour, le corps, le désir, l'essence du masculin et du féminin. Tout fut sujet à une critique acharnée, une déconstruction systématique, jusqu'à remettre en cause la réalité elle-même.
Joshua, agité, se leva et commença à arpenter la pièce. Attentif à sa seule pensée, il s’écria :
— Absurde ! Comment ces penseurs pourraient-ils, à eux seuls, porter le fardeau du déclin d'une nation entière ? Et d’abord, n'est-ce pas là l'essence même du philosophe que de questionner le réel ?
— Kékéké ! Crois-tu saisir le véritable enjeu de l'existence, Joshua ? Les réponses à cette question sont aussi diverses que les hommes eux-mêmes. Cependant, permets-moi de te soumettre ma vision : tout est affaire de transmission. Tel un père prodigue, ne laissant à sa progéniture que des dettes, ces philosophes n'ont légué qu'un héritage de questions infécondes, ne semant dans l'âme de leur peuple que le vide. Or, tu le sais aussi bien que moi, certaines idées se comportent telle une pathologie. Injectées dans le corps social, les plus bégnines anéantissent leur hôte sur-le-champ, tandis que les plus insidieuses s'incrustent dans le tissu même de la civilisation, guettant, à travers les âges, l'instant propice pour éclater à la première convulsion. Ces penseurs ont inoculé à leur monde un virus. Les idées, ces armes de destruction, échappent toujours à leurs créateurs. N'as-tu pas observé, ce soir à la taverne, comment cette illusion que l'on nomme Egalité menace de rejaillir, prête à engloutir tout sur son passage ? N’as-tu pas vu dans les yeux de cet homme, poindre à l’horizon, la Montagne du Sacrifice ? N'as-tu pas perçu le sang qui, déjà, semble s'écouler en torrents de toutes parts ? Ce Serpent t’a tendu un piège, et tu y plonge la tête la première ! Si tu persistes à vouloir sauver cet enfant, tu deviendras l’artisan de cette folie.
Joshua s'arrêta net, se rassit, et enfouit son visage entre ses mains tremblantes.
Il resta ainsi, plongé dans ses pensées. Son esprit était un tourbillon de confusion ; un brouillard si épais enveloppait ses pensées qu'il lui était impossible de discerner clairement une idée de l'autre. Quant à lui-même, il aurait été bien en peine de se définir, si ce n'est pour dire qu'il venait d'être profondément secoué.
– Est-ce que je ne rêve pas ? — Est-ce possible ? — Est-ce que cette chose est réelle… — Non, c’est impossible. — J’ai inventé cette stupide créature pour me disculper de mes fautes ! — Nation… n’ai-je pas déjà lu ce mot quelque part ? — Arabica… est-ce un mot que j’ai inventé aussi ? — Dois-je laisser Anthony à son sort ? — Non ! Non ! Non !
Pendant ce temps, le petit démon prit une autre sip de son breuvage, mais grimaça aussitôt : le café était froid :
— Je peux utiliser ta cuisinière ? Mon café est…
Comme reprenant possession, Joshua se leva précipitamment ; ce qui fit sursauter le Diablotin.
— Je te tiens ! s’écria-t-il en pointant la créature du doigt. C'est mon maitre qui m'a averti contre les idées qui peuvent êtres des poisons, contre les faux philosophes ! Je me rappelle, j'avais 11 ans, peu avant que l'Insurrection éclate. Ainsi, tu n'as rien créé de nouveau !
— Ah ! J’ai donc échoué ! Moi qui espérais t'ensorceler par ma rhétorique ; et cette anecdote de l'ancien monde, tu ne l'as pas trouvée convaincante ? Et mon ton, tragique à la manière d’un Corneille ?
— Ainsi, tu confesses ton inexistence !
— Peut-être bien. Toutefois, si tu es convaincu que je ne suis que le fruit de ton imagination, apporte-moi la preuve et je m'évanouirai.
— Et comment pourrais-je faire cela ?
— Serrons-nous la main, proposa le Diablotin, avançant son long bras vers Joshua en guise d'invitation. Si je ne suis qu'un fantôme, tu ne risques rien, car nul n'a jamais touché un mirage, n'est-ce pas ? Cela scellera notre adieu. Alors, qu'attends-tu ?
Juste à cet instant, on frappa à la porte avec insistance.
Joshua sursauta, incapable toutefois de détacher son regard de l'entité.
— Viens ! continua le Diablotin.
On frappa un second coup.
— Alors, qu’attends-tu ? Je disparaitrai pour de bon !
Joshua, le regard ancré dans celui de la créature, était pétrifié, son visage perlé de sueur. Le Diablotin cependant lui souriait toujours avec ce carnassier sourire, insondable et perturbant.
L'idée même de sentir la peau de cette créature le terrifiait. Voir était une chose ; toucher en était une tout autre.
Il tendit finalement la main, tel un enfant redoutant la morsure d'un chien.
On frappa une troisième fois.
— Tu vas nous laisser dormir, espèce de malade ?! Foutu Ifriquiyien, vous êtes tous les mêmes !
Joshua se détourna un instant du Diablotin
— Tu as été trop bruyant, une fois encore, dit-il. Hâte-toi d'ouvrir, de peur que la Garde ne soit alertée par ce vacarme. Tu ne veux pas être dénoncé pour idolâtrie, n’est-ce pas ?
Juste à ce moment, la chandelle s'éteignit, laissant place à l'obscurité.
Joshua se retourna brusquement.
La tasse de café avait disparu. Sur le fauteuil, il ne restait plus personne.
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