PROLOGUE
J' entends le bruit caractéristique du monitoring, il calcule sans arrêt les constantes de la seule et unique personne qui compte pour moi. L'odeur, qui flotte dans la pièce, est également toute aussi révélatrice, un savant mélange de désinfectant, et de corps malade en décomposition. Le visage diaphane et blafard de Lilia Cohen, m'indique clairement son état, mais s'il est vrai à cet instant que je possède un semblant de cœur, il refuse manifestement d'accepter la situation.
Nous les êtres humains de cette génération, avons tellement tendance à banalisé la mort, qu'il serait logique qu'un esprit tordu comme le mien applique ce même schéma. En générale, rien ne me touche, absolument rien, car les sentiments comme l'empathie, la gentillesse, la compassion, l'amour, me sont complètement étrangers. Ce qui ne me pose d'habitude aucun cas de conscience ! D'ailleurs, dans monde dans lequel je vis, il est totalement inutile, voir dangereux de s'embarrasser avec de tels sentiments !
Comprenez-moi bien, ce n'est pas que j'aime Lilia Cohen ! Même si cette femme est ma mère, nous n'avons pas ce genre de lien. Vous savez, le genre de lien, que tout parent entretien normalement avec son enfant. En réalité, Lilia Cohen ne sait pas que j'existe, et avant que je ne la retrouve il y a quelque temps, je me foutais royalement de savoir qu'elle existait quelque part. Cette femme m'a sciemment abandonné aux bons soins de son ex mari, avant de prendre la fuite.
Je ne lui en veux pas, elle a quitté un endroit misérable, pour une vie bien meilleur que celle que lui donnait mon enfoiré de père. Mais que voulez vous, nous les être humains nous sommes comme ça, nous avons toujours besoin de posséder ce que nous ne pouvons pas avoir. Et de cette vie qu'elle avait eu, j'aurais voulu en posséder même une infirme partie. De fait, j'ai fini par me rendre compte qu'il est possible que je lui en veuille peut-être un peu.
Avec son nouveau mari, sa fille adoptive, son statut social, et la stabilité de son nouveau foyer, j'ai compris que j'avais perdu la chance d'avoir les prémices d'une vie meilleure, si seulement Lilia Cohen avait fait l'effort de me prendre avec elle. Si seulement, celle qui m'avait fait sortir de ses entrailles, avait prit la peine de me montrer ce que c'est que d'être aimé et protégé.
Mais après tous, qui voudrait de moi, un enfant qui représente une des pires erreurs de la vie de Lilia Cohen!? Si elle m'a donné un prénom, qui se traduisait par le repos ou l'apaisement donc par extension, au mot calme, il est parfaitement clair aujourd'hui, que la personne que je suis devenu ne représentait en rien cela. Je suis née dans la boue, dans la violence, dans l'abandon, je ne peux donc reproduire que l'image, que j'ai toujours eu sous les yeux. Une image qui a forgé l'homme que je suis.
Malgré toutes ces choses, Lilia Cohen est, demeure, la seule et unique personne la plus importante de ma vie. Pourquoi me direz-vous ? Et bien, parce que cette femme, que j'ai toujours considérée comme une femme sans cœur pour m'avoir lâchement abandonné, m'a donné la vie. Cette femme m'a gardé, m'a mit au monde, et contre toute attente elle m'a laissé respirer. Elle m'a fait ce seul cadeau, alors que le parfum de la mort traînait toujours autour de moi.
Je jette à nouveau, un regard sur son visage ravagé par le cancer, et je me dis que même si je ne lui souhaite pas de mal, la vie se charge elle-même de lui faire payer ses erreurs. L'atmosphère est tellement morbide, qu'elle me prend aux tripes ! De toute façon, il est impératif que je sorte de cette chambre, car sa véritable famille ne va pas tarder à revenir, et ne peut pas me permettre de les rencontrer.
Même si Lilia Cohen est une grande source de déception, il n'est pas question de me venger. Je serais pour toujours, à jamais sont vilain petit secret, celui dont sa famille respectable ne connaîtrait pas l'existence. D'ailleurs pourquoi en vouloir à quelqu'un qui allait bientôt pousser son dernier soupir. Le pardon ne vient pas parce qu'une personne meurt, il vient parce que l'individu choisit de pardonner, et d'oublier.
Et moi, j'ai choisi d'absoudre Lilia Cohen, la mère qui n'en a jamais été une pour moi. J'ai envie de me barrer d'ici, mais étrangement mes pieds reste cloués au sol, comme si une force surnaturelle, me poussait à rester là. Sauf que je ne peux vraiment pas rencontrer la famille de ma mère biologique, le mieux c'est que je disparaisse. Surtout que, grâce à mon savoir-faire hors du commun, je me nourris suffisamment de la mort des gens. Je jette un dernier regard à Lilia Cohen et me dirige vers la sortie.
Alors que je m'apprête à prendre la porte, j'entends la poignée émettre le bruit d'une ouverture imminente. Décidé à ne croiser personne, je me dirige vers la cachette la plus proche, la salle de bain. J'ai à peine le temps d'entrebâiller la porte, et de m'y cacher, que la personne entre. Curieux, je décide de regarder par interstice et le visage que j'aperçois me coupe le souffle. On dirait un ange ! Elle est aussi blonde, que je suis brun, sa chevelure à elle seule illumine la légère pénombre de la pièce, son visage à la beauté et la fraîcheur d'une apparition divine.
Mon cœur manque un battement. Qui peut-elle bien être ? En l'observant mon âme noire comme la nuit, semble s'éclaircir et mon esprit tourmenté semble s'apaiser. Je n'ai jamais rencontré personne, qui me face un effet pareil, et toute suite mon esprit tordu commence à s'interroger sur ce que cela peut bien signifier. Elle est aussi lumineuse, que lui est sombre ! Comme un espoir à elle seule. Mais un espoir de quoi ? J'ai toujours pensé que l'espoir était le carburant des imbéciles.
Si l'espoir fait vivre, moi, il m'a toujours brisé, anéanti, alors comment comprendre une chose qui m'a toujours détruit!? Alors que je m'interroge, l'apparition s'adresse à Lilia Cohen.
- Maman, que vais-je faire sans toi!?
Bordel, c'est sa fille ! Comment disparaître maintenant ? Comment ne pas chercher à la connaître, comment ne pas chercher à la revoir ? Je suis confus et perdu.....
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