Quand la folie me prend en otage
Il y a un instant encore, nous n'étions qu'un groupe d'inconnus réuni dans un même endroit pour manger. Ce restaurant était chic. Je ne sais pas ce que je suis venue faire ici mais, cela n'a plus d'importance, car, maintenant, nous sommes des otages, enfermés au fond de la cave du restaurant. Pas de fenêtre, pas d'espoir de fuite.
Nous sommes serrés, nous transpirons, nous pleurons. Certains sont collés aux murs, d'autres aux barreaux qui nous maintiennent prisonniers. Certains sont pris par la panique, d'autres par la folie. Je ne vois qu'une solution de trouver de l'aide. Il doit y avoir au moins un téléphone dans tout le troupeau. Je demande aux autres prisonniers, me faufilant entre eux. La puanteur me prend la gorge, je suffoque. Je trébuche sur un corps. Je me relève et continue à mendier pour un simple téléphone. Le temps passe. Personne n'en a. Je vais donc m'asseoir dans un coin, où je ne risque pas d'être écrasé, emporté, tué.
Le silence n'est brisé que par des sanglots et par quelques braves qui osent parler. Ceux-ci sont pris par nos bourreaux. On ne les revoit plus après cela. On entend des cris puis le silence, les pleurs reviennent. C'est ainsi que petit à petit, nous disparaissons. Malgré tout, on est toujours aussi serrés, aussi puants. Je vois une petite fille, à quelques mètres de moi, qui parle en sanglotant. Ce n'est pas à ses voisins qu'elle parle, non , elle parle au téléphone ! Il y a de l'espoir. Mais, au moment où je me faufile pour la rejoindre, elle est emportée par un garde. C'est impossible... après tout ce temps, l'espoir s'en va aussi vite qu'il est arrivé. Les gens autour pleurent plus fort mais ne s'opposent pas. Je rejoins enfin l'endroit où elle était. Je m'effondre au sol pour pleurer.
Le temps passe puis je vois, debout face à moi, la petite fille qui est revenue. Elle ne veut pas parler de ce qu'il s'est passé mais je remarque, dans sa poche, le téléphone. Je le lui demande avec un simple geste universel. Elle me le prête. Dès que je l'ai dans mes mains, j'appelle la police. Ils disent être bientôt sur place, qu'on allait être sauvé. Rassurée, je m'assois et décide de dormir un peu.
Je suis réveillée par des cris, des coups de feu qui proviennent de dehors. J'imagine la police qui se dresse contre nos bourreaux. Je me lève, bien droite, puis, prenant la main de la petite fille, j'avance. J'atteins les barreaux de notre cellule et, sans hésitation, j'ouvre la porte qui nous maintenait prisonniers. Je me retourne. Les autres me jettent des regards furtifs, craintifs. Je les encourage à sortir, leur dis qu'ils sont libres. Mais, en plongeant mes yeux dans les leurs, je vois le désespoir et, pensant à tous ceux qui ont disparu, je comprends que le temps a plus passé que je ne l'imaginais. Ils ne peuvent plus croire à une libération. Mais moi, j'y crois encore. Je leur crie tantôt de se battre, tantôt de fuir. Rien à faire. J'ai pitié de ces malheureux. En croisant le regard d'un jeune homme, assis face à moi, je vois que lui aussi a pitié de moi.
Je ne comprends pas. Je baisse les yeux vers la main que je tiens fermement. Du moins, c'est ce que je croyais avant que la réalité ne se dévoile. Il n'y a ni main, ni petite fille, ni téléphone. Je regarde mon autre main qui tient la porte verrouillée que je croyais ouverte. Mes yeux me font défaut. J'écoute donc, tendant l'oreille, abaissant le voile pour entendre la réalité. Ni coups de feu, ni police. Je ne comprends pas. Je regarde alors de nouveau le jeune homme et, c'est dans ces yeux que je me souviens. De tout. De la police qui ne répondait pas. De la petite fille emportée. De la folie qui m'a envahi. C'est en me souvenant de ces souvenirs oubliés que je disparais, les gardes emportant mon espoir anéanti ainsi que mon désespoir grandissant.
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