Chapitre 6

Pour la première fois depuis longtemps, Yvan prit l'ascenseur pour se rendre tranquillement chez lui. Il frappa à la porte, le bouquet de roses entre les mains, le sourire aux lèvres et attendit de longues minutes, sans résultat. Pourtant, aujourd'hui, elle était censée finir plus tôt... Visiblement sa femme était occupée, encore au téléphone... 

Las d'attendre, il sortit finalement les clefs de sa veste et entra. Au silence qui régnait dans la pièce, une angoisse l'étreignit aussitôt. il ne mit pas longtemps à réaliser que le logement était vide non seulement il n'y avait plus aucune trace de la présence de Lana mais ses affaires avaient également disparu. Il ne restait dans les placards que ses propres vêtements. 

Assommé par cette amère constatation, il jeta le bouquet à terre, s'assit sur son lit et la tête entre ses mains, se mit à pleurer. Mais très vite la colère le submergea. Pour qui se prenait-elle ? Quelle sa... ! Il lui avait tout donné, tout sacrifié et c'est comme ça qu'elle le remerciait ! Finalement sa mère avait raison, elle ne valait pas grand-chose. Toutes les mêmes ! 

Puis il réalisa que jamais elle ne l'aurait quitté pour vivre seule, il y avait forcément quelqu'un derrière tout ça. Un homme capable de lui assurer son train de vie, vu son salaire minable. Elle croyait peut-être qu'il allait accepter la situation et rester là, sans rien faire ! Non, il allait reprendre sa femme, lui montrer qui était le maître. Ensuite seulement, il se chargerait de l'autre con qui se croyait plus malin. Il ne fallait pas qu'elle s'attende à ce qu'il passe l'éponge, jamais ! Il allait le lui faire payer cher, très cher. Il choisit alors de se rendre sur son lieu de travail, avec un peu de chance cette p... y serait encore et devant tout le monde, n'aurait pas d'autre choix que de le suivre. Sur ce, il se dirigea d'un pas décidé vers la bibliothèque. 

À peine avait-il poussé la porte qu'il balaya d'emblée la salle du regard. Il y avait du monde cet après-midi-là. Puis soudain, ses yeux se posèrent sur elle et son coeur se mit à tressaillir. Elle était assise au fond de la pièce et semblait en grande conversation avec un homme installé à ses côtés. Un individu qu'il n'avait jamais vu auparavant. Eux, par contre, semblaient très bien se connaître ! Leurs sourires, leurs regards, leur attitude complice les trahissaient, sans qu'aucun doute ne soit permis. Il les observa longuement, tapi dans l'ombre, sans faire de bruit ni proférer un seul son, alors qu'une douleur sourde lui comprimait la poitrine, que sa respiration devenait difficile et que sa vue se brouillait. Il était terrassé, en état de choc, son corps et son esprit ne répondaient plus. Il avait beau avoir imaginé cette scène plus de cent fois, aucune n'égalait en intensité celle qui se déroulait maintenant sous ses yeux. Comment l'amour pouvait-il faire souffrir à ce point ? 

Lana, c'est lui qui l'avait découvert en premier, lui qui l'avait modelée pour en faire la femme qu'elle était aujourd'hui. Personne n'avait le droit de la lui prendre, elle était son épouse, sa chose, et lui appartenait pour la vie. À cet instant, il aurait voulu que ce bellâtre disparaisse et retrouver sa vie d'avant. Dans le même temps, il ne put s'empêcher de penser à l'air triomphant que sa mère ne manquerait pas d'afficher en apprenant la nouvelle et se sentit honteux. Incapable de réagir dans l'immédiat, ne trouvant pas la force de retourner chez lui, il prit la décision de se rendre chez Judith, qu'il savait absente pour l'après-midi.