Chapitre 6
Nous arrivâmes devant une porte grise, toute simple.
— Je te fais passer par là. C'est la porte de service mais au moins on n'a pas à faire tout le tour, s'excusa-t-il en grimaçant.
Je haussais les épaules. Je m'en fichais, je voulais juste voir ce qu'il y avait à l'intérieur et pourquoi tout le monde se l'arrachait.
Il n'y eut pas le moindre grincement quand elle s'ouvrit. Entrée de service peut être, mais bien entretenue. Le couloir derrière était immaculé. Il aurait fait une attaque en voyant celle de l'Apo.
De part et d'autres du couloir s'ouvrait de nombreuses portes.
— Et bien, ça mène où tout ça ?
— Oh ça. Ce sont les vestiaires et les réserves.
J'étais dubitative, ça faisait quand même beaucoup de réserves pour un bar. Ils avaient des vestiaires individuels ou quoi ? Je mourrais d'envie d'en ouvrir une mais j'avais peur de me faire jeter dehors.
— Et maintenant, place au spectacle ! s'enthousiasma-t-il en poussa une seconde porte, noire cette fois-ci.
Je n'en revenais pas. Déjà de jour c'était juste superbe, alors je ne pouvais qu'imaginer à quel point ça devait être époustouflant de nuit.
Une grande piste de danse occupait le milieu de la salle. Plusieurs estrades accueillaient des barres de pole dance, pour les plus aventurières je supposais. Je ne me voyais pas du tout m'exposer ainsi. Je n'étais pas de ce bord-là, mais ça ne m'empêchait pas d'apprécier la vue et la sensualité que ça dégageait. De nombreuse tables avec quelques tabourets étaient disséminés autour de cet espace.
Tout était dans les tons noirs et dorés. Les lustres ressemblaient à des méduses, légères et aériennes.
Des alcôves entouraient l'ensemble, s'enfonçant dans les murs et accordant de l'intimité à ceux qui voulaient se faire discrets. Une belle hauteur sous plafond permettait à l'ensemble de ne pas être étouffant. Des dalles y réfléchissaient la lumière, ce qui aérait encore l'espace.
Et le bar était un monument à lui tout seul. Trônant en demi-lune à une extrémité de la pièce, il invitait à la débauche et à la démesure. Il semblait tout en marbre, les étagères derrière lui arboraient fièrement les verres et les nombreuses bouteilles. Tout était parfaitement ordonné.
Je laissai glisser ma main sur celui-ci, je savourais cette perfection et cette douceur sous mes doigts.
— Un petit mojito peut-être ?
Mike passa derrière le bar et revint avec les bouteilles.
— Ce ne serait pas de refus, répondis-je en m’asseyant sur le tabouret.
— Une femme qui ne se laisse pas abattre ! Comme je les aime ! Alors, que fait une jolie jeune fille comme toi dans la vie de tous les jours ?
Je pris le temps de remettre une mèche rebelle derrière mon oreille avant de répondre.
— Oh, rien de très impressionnant. Je suis des cours de licence d'économie à la fac, c'est ma dernière année.
— Ok, et tu comptes faire quoi après ? Ta famille est de la région ?
— Je ne sais pas trop, je commence un peu à regarder les boulots qui peuvent m’intéresser. Je cherche quelque chose de stable, de quoi pouvoir m'installer tranquillement. Quant à ma famille – J'avais toujours un peu de réticences à aborder le sujet – je n'ai plus qu'une tante et une cousine à moitié folle qui habite à trois heures de route d'ici. Mes parents sont morts quand j'étais petite.
Machinalement, je me mis à triturer la bague de ma mère qui ne me quittait jamais. Je chassais les images qui me revenaient spontanément.
— Je suis vraiment désolé. Je ne voulais pas t'embarrasser.
Je balayais ses excuses d'un geste puis baissais la tête le temps de reprendre une contenance. Sa main frôla ma joue, pour remettre cette mèche qui s'était de nouveau enfuie.
Bien que le contact ne soit pas désagréable, je ne pus retenir un mouvement de recul.
L'instant d'après, je me retrouvais dans ses bras.
— Euh, tu veux bien me lâcher s'il te plait ?
Je tentai quand même la politesse avant d'utiliser le peu que j'avais retenu de la self défense.
— Je n'y arrive pas, tu sens vraiment trop bon.
Je sentais son souffle remonter le long de mon cou. Vraiment comme s'il se prenait un rail de mon odeur. Je voulais réagir mais j'étais comme tétanisée. Comment avait-il pu passer du type charmant à ce pervers en trente secondes ?
Ses mains commençaient à me caresser le dos, l'une d'elle à s'aventurer vers mon cul. A ce moment-là, j'eus un sursaut de volonté qui me fit me débattre et tenter de le repousser.
— Arrête de te débattre Elena, j'ai encore plus de mal à me contrôler ! J'essaie mais c'est tellement dur !
Alors là je paniquai. Je commençai à hurler et vociférer. Puis je sentis ses dents sur ma carotide, une douleur atroce me transperça. Mon genou trouva ses bijoux de famille sur son chemin et un instant plus tard j'étais libre.
Je courus à perdre haleine vers l'endroit où nous étions arrivés. Je n'osai pas me retourner de peur de le voir sur mes talons, déjà que j'avais l'impression de sentir encore son souffle sur mon cou.
Je secouai la porte dans tous les sens avait de trouver le système d'ouverture. Je la refermai derrière moi puis, adossée à elle, je me laissai glisser par terre. Je n'y comprenais rien. Pourquoi m'avait-il sauté dessus comme ça ? A aucun moment je n'avais paru intéressée. Je préférai ne même pas imaginer ce qu'il aurait pu me faire, j'en tremblai.
Je pris un instant pour reprendre mon souffle et mes esprits. Il fallait que je récupère Emma et qu'on se tire d'ici. Ces types étaient malades.
Je me levais et m'époussetais rapidement, je n'avais pas très envie de traîner dans le coin. Il pouvait arriver à tout moment. Je repartis me mêler à la foule tout en cherchant Emma du regard. Il y avait encore plus de monde que quand j'étais partie me faire croquer.
Je vis Emma à la même place que tout à l'heure. Un peu plus proche de Stan quand même. En fait, j'entendis son éclat de rire avant de la voir. Je poussais tous ceux devant moi à coup de poussez-vous, excusez-moi. Je m'attirai des regards outrés, mais je n'en avais rien à foutre. J'étais au bord de la crise d'hystérie et contrôlais à grand peine mes tremblements.
— Oh mais qui revoilà ! Ça va ma chérie ? Tu as vraiment une sale tête, me dit Emma en me voyant arriver.
— Stan vous feriez mieux de faire interner votre coéquipier ! explosais-je en montrant mon cou. Il a essayé de me bouffer ce connard ! Il se prend pour qui celui-ci ?
Au diable la politesse. Encore plus avec Stan qui me regardait avec un sourire narquois.
— Je suis désolé que mon associé vous ait sauté dessus, il a vraiment du mal à résister aux jolies filles. Peut-être n'avez-vous pas su retenir votre charme ? répliqua-t-il d'un air entendu.
Alors là, j'ouvris de grands yeux ronds. C'était de ma faute s'il m'avait sauté dessus.
— Ce que tu es drôle, gloussa Emma en posant sa main sur épaule et s'appuyant sur lui. Pour une fois que tu as une touche Elena, tu ne devrais pas te plaindre.
Et maintenant j'étais bouche bée. Ma meilleure, et seule, amie ne prenait même pas ma défense.
— J'étais à deux doigts de me faire violer et toi tout ce que tu trouves à dire c'est que c'était de ma faute ? Tu es sérieuse là ? fulminais-je. Je me casse !
Je tournai les talons et m'enfuis à nouveau parmi la foule. Si je restais, ils allaient le regretter. Je sentais la colère bouillir dans mon corps et ce n'était jamais bon. Je préférais lui laisser une chance de se racheter plutôt que de l'assassiner sur place.
— Au revoir Mademoiselle Erine, me salua le portier.
Je lui adressai un signe de tête puis haussai un sourcil, comment connaissait-il mon nom ? Je balayai la question d'un haussement d'épaule, j'avais autre chose à penser. Comme par exemple mon cou qui m'élançait encore.
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