Chapitre 10
Je me sentais plus légère que je ne l'avais été depuis longtemps. Comme si tous ces événements avaient fait resurgir une part de moi mise de côté.
La monotonie c'était sympa et rassurant, mais ça manquait vraiment de fun. Après tout, Emma avait peut-être en partie raison, je devais laisser leur chance aux autres et m'ouvrir un peu plus à ce que la vie avait à proposer.
Si je faisais un peu le point sur ma vie jusqu'à maintenant, elle n'avait pas toujours été rose. Voir ses parents se faire assassiner, passer de foyers en foyers, arriver chez une tante bizarre puis tracer son chemin pour ne pas retomber dans cette instabilité. C'était jouer la sécurité mais est-ce qu'une vie toute tracée comme ça était intéressante ? Pas sûre ...
Mes parents avaient fait en sorte de me protéger, parce que j'étais précieuse pour eux. Parce que ma vie valait la peine d'être vécue. Mon coeur se serra, et mon souffle se fit court. Même si je me souvenais à peine de leurs traits, de leur voix, ils me manquaient à chaque instant. J'enviai tous ceux qui pouvaient grandir avec leurs parents à leur côté. Savoir qu'ils avaient ce soutien indéfectible, peu importe les choix qu'ils faisaient. Moi, je ne pouvais compter que sur moi-même.
Qui me dit qu'ils m'auraient guidé vers cette monotonie ? Que ce dont ils rêvaient pour moi était cette vie bien rangée ? Je n'en savais rien et ne le saurais jamais.
J'avais interprété les choses comme ça, car ma mère s'était sacrifiée pour ma sécurité. Au fond, c'était ce dont l'enfant que j'étais avait besoin à ce moment-là. Mais maintenant ?
Alors aujourd'hui, il était peut-être temps de changer de regard sur les choses. Car, est-ce que j'étais réellement heureuse avec le chemin de vie que j'avais choisi ? Ce mode de vie de none ? Pas vraiment. Il était temps que je me prenne en main. Je ne disais pas non plus de tout jeter aux orties et de devenir cascadeuse professionnelle.
Je pris une grande inspiration, et c'est sur cette nouvelle résolution que je repris pied dans la réalité et rentrai chez moi.
Les jours suivant se passèrent tranquillement. J'avais beau avoir décidé d'une nouvelle orientation pour ma vie, j'avais toujours des impératifs. Et je voulais dans tous les cas valider mon année. S'accorder plus de détente et d’insouciance ne voulait pas non plus dire tout laisser tomber.
Je reparlais à Emma. Je n'arrivais pas à rester fâchée longtemps. Nous ne reparlâmes pas de l'incident du Sample. Je ne lui parlais pas non plus de mon rendez-vous prochain avec Mike. Je savais qu'elle serait surexcitée pour moi, banaliserais encore plus le fait qu'il m'ait mordu. En plus de ça, elle me traînerait dans tous les magasins possibles et inimaginables pour trouver la « tenue parfaite ». Autant dire hors de prix pour peu de tissu.
Je restais quand même mal à l'aise. Je n'arrivai pas à me défaire de la sensation d'être observée. J'entendais parfois un bruissement, comme quelque chose qui glissait derrière moi. Ou cette impression d'être dans la ligne de mire de quelqu'un, ce grattement désagréable entre les omoplates.
Nous travaillions ensemble à la bibliothèque quand ça arriva de nouveau.
— Emma, est-ce que tu vois quelqu'un derrière moi ?
Elle leva la tête de son livre puis regarda autour de nous.
— Non pourquoi ?
Je me sentis bête, je devais devenir folle.
— Oh, j'avais l'impression qu'on nous regardait, répondis-je en balayant mon impression d'un geste de la main accompagné d'un signe de tête.
— On a bien l'air d'être les seules ici, alors tu ne te fais pas de films ma chérie, souligna-t-elle avec un sourire avant de se replonger dans son boulot.
Quelques heures plus tard, nous décidâmes de nous accorder une pause bien méritée.
— Quoi ? Notre bourreau de travail veut prendre l'air ?! s'étonna Emma
— Et oui ! Les choses changent ! Riais-je
Mais je déchantais vite. Une nouvelle fois, je sentais un regard insistant posé sur moi.
— Du coup il faut que je te raconte ! Ca y est !
Ses yeux pétillaient, je me demandai ce qu'elle avait à m'annoncer. J'attendis.
— C'est officiel, Stan et moi sommes ensemble ! s'écria-t-elle.
J'ouvrai des yeux grands comme des billes. J'étais contente, et en même temps saisi d'un très mauvais pressentiment pour cette histoire.
— Euh super ça ! me forçai-je à la féliciter.
— Oh oui tu n'imagines même pas à quel point je suis heureuse ! Il est tellement charmant.
J'étais de plus en plus gênée par ce que je ressentais.
— Emma, il faut que je te parle de quelque chose.
— Oui de quoi ? Ça ne te pose pas de problème que je sois avec Stan ? Tu n'avais pas l'air intéressée pourtant ...
— Hein ?! Non ! Ce n'est pas du tout par rapport à Stan. C'est qu'en ce moment je me sens constamment surveillée. Comme si quelqu'un me suivait en permanence.
Elle me regardait avec une moue dubitative.
— Tant mieux parce que je n'aurais pas apprécié devoir gérer ta jalousie envers notre couple. Il me rend tellement heureuse.
— Et qu'est-ce que tu penses de ce que je viens de te dire ?
— Mais enfin ma chérie, tu te fais des films tu le sais bien. Pourquoi est ce qu'on te surveillerait ? répliqua-t-elle. En plus, ce n'est pas toi qui sors avec le célibataire le plus en vue du moment !
Sur cette phrase philosophique, elle éclata de rire.
J'étais déçue et blessée que mes inquiétudes passent une nouvelle fois en second plan par rapport à ses préoccupations. J'avais toujours été là pour elle, dans ses peines comme dans ses succès. Je l'avais toujours soutenue et voilà où on en était aujourd'hui. Elle se fichait complètement de mes interrogations et de mes attentes pour un mec rencontré deux semaines plus tôt ... Comme quoi les amis nous oublient vite, quand ils ont quelques choses de plus intéressant à penser. Par contre, quand ils ont besoin, ils savent se rappeler à nous. J'en avais ma claque.
— Ok laisse tomber, soufflais-je
— Mais oui ce n'est rien ! Détends-toi !
Facile à dire.
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