Chapitre 13

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L’orée de la forêt était droit devant nous et avec, la fin de la seconde étape.

Gabrielle s’était réveillée et bien que faible, elle avait tenu à avancer par elle-même. Elle s’était dénichée une branche qui faisait office de canne et avançait tant bien que mal en s’appuyant dessus. Toutefois j’avais réussi à la convaincre de me laisser son sac. J’avais le sentiment que si elle prenait son sac elle s’écroulerait, elle me semblait tellement fragile depuis son agression.

Lorsque nous arrivâmes en bordure des arbres, cette bordure qui, d’après nous marquait la fin de la forêt, nous découvrîmes qu’il s’agissait juste d’une gigantesque clairière avec un lac de taille modeste au milieu. En réalité la forêt était beaucoup plus importante et s’étendait sur plusieurs kilomètres. Peu importe où notre regard se posait, il y avait des arbres. Des arbres à perte de vue. D’autant plus que la nuit tombant avec la différence entre la fraicheur du soir et la chaleur de la journée, une brume enveloppait l’horizon, bouchant notre vu.

Nous cherchâmes la borne pour valider notre passage mais elle était introuvable. Jusqu’à ce que Gabrielle qui s’était avancé jusqu’à l’eau la trouve.

- Elle est là-bas, me dit-elle sur un ton entre désespoir et résignation.

- Où ça dis-je en plissant les yeux et en suivant la direction que m’indiquait son doigt.

- Là-bas, sur l’eau… enfin plutôt sur l’amoncellement de cailloux qui dépasse de l’eau.

Je ne pu rien répondre. Que pouvais-je bien lui dire ?

Nous savions tout deux qu’il était suicidaire d’aller dans l’eau. En plus des sangsues qui devait foisonner sous la surface, nous ignorions quelles autres bestioles mutantes vivaient dans ce lac. Sans parler de tous les microbes et de toutes maladies que nous pourrions attraper si nous nous baignons dans cette eau.

Atterré, je me laissais tomber au sol. Comment allions nous valider cette étape ? Cela signifiait-il que nous n’irions pas plus loin, que la Course était déjà finie pour nous ? Et comment les autres avaient-ils réussis à valider leur passage à la borne ?

Alors que je m’apprêtais à demander comment faire à Gabrielle, espérant qu’elle ait une idée, elle posa un doigt sur mes lèvres, m’intimant le silence. Je fronçais les sourcils et essayait de me dégager pour lui parler quand même. Elle me jeta un regard autoritaire empli de sérieux et me montra le ciel de son autre main. Je ne comprenais toujours pas où elle voulait en venir, jusqu’à ce que j’entende un étrange bruit et lève les yeux à mon tour.

Pour atteindre la borne, une sorte d’échelle en corde avec des barreaux en bois avaient été tendu entre deux arbres de chaque côté du lac. On devait donc se pendre par les mains aux barreaux et avancé, échelons après échelons jusqu’à une corde qui descendait sur l’amoncellement de roche, puis vraisemblablement remonter pour traverser le reste du lac et atteindre l’autre rive.

Traverser la forêt et en affronter ses dangers n’étaient visiblement pas suffisant pour les organisateurs, il fallait en plus de tout ça qu’ils rajoutent des épreuves pour atteindre les bornes.

Je serrais les dents en sentant la colère monter une fois de plus en moi. Une sorte de torrent glacé qui m’inondait en refroidissant chaque partie de mon être avant de me chauffer à blanc.

De là où nous étions je voyais à peine l’échelle, je compris alors comment Gabrielle avait pu trouver ce passage lorsque je vis un de nos concurrents en train de le parcourir difficilement.

Alors qu’il arrivait au-dessus de l’eau, ses bras tremblaient de plus en plus à cause de l’effort, même de là où nous étions nous voyons bien qu’il était épuisé et n’avait plus la force d’avancer. Pourtant il continuait de progresser, doucement, barreaux après barreaux. Mais son corps ne pu en supporter plus. Il lâcha prise en poussant un cri d’effroi faisant échos aux nôtres.

Il chuta et s’écrasa à moitié sur l’amoncellement de roches, se fracturant un bras et surement quelques côtes. Le souffle coupé il ne pu même pas pousser de cris de frayeur lorsque ses jambes enfoncées dans l’eau furent soudainement attirées vers le fond. Il battit désespérément des bras et tenta avec ses dernières forces de s’accrocher aux rochers. Mais l’animal qui l’avait attrapé l’entraina sous l’eau l’instant suivant.

Je me contentais de regarder, la bouche entrouverte. Je ne savais pas quoi dire, penser ou faire. J’étais perdu. La scène qui venait de se dérouler sous mes yeux n’avait duré qu’une poignée de seconde et mis à part le cri du garçon lorsqu’il avait lâché l’échelle, elle n’avait été perturbée que par le remous de l’eau causé par les mouvements frénétique du garçon et ceux plus calme de l’animal.

Gabrielle se laissa tomber à côté de moi, elle semblait aussi perdue que moi. Nous étions comme déconnecté de la réalité à cause de l’horreur de ce que nous venions de voir. En quelques secondes seulement une vie s’était terminée. La dangerosité de la Course en devenait palpable.

Je n’avais plus la force de me lever et pourtant j’allais devoir traverser ce lac pour valider ma seconde étape et ne pas avoir traversé tout ça pour rien. J’allais au-devant de la même chose que ce garçon qui venait de périr sous nos yeux, incapable de se défendre contre la nature.

Alors que je tentais de reprendre mes esprits parce qu’il allait bien falloir que je fasse cette traversé moi aussi, quelques bulles éclatèrent à la surface du lac, un espoir ridicule défiant toute raison me fit pensé que c’était lui, qu’il avait survécu malgré ses blessures et la force supérieur de son adversaire, je ne pouvais pas m’empêcher d’espérer le voir surgir à la surface de l’eau et rejoindre à la nage la borne.

Mais mon cœur se serra et j’eu l’impression d’avoir une pierre qui tombait au fond de mon estomac tandis qu’un étau me serrait la gorge lorsque je pu distinguer l’objet qui avait percé la surface du lac. Sa chaussure. La seule chose qui restait de lui était sa chaussure. En voyant un objet volant foncé pour faire comme un zoom sur le dernier vestige du coureur, je compris que l’un de ses proches venaient d’assister à sa mort et les larmes me montèrent aux yeux en imaginant l’enfer que devait vivre ce proche, son esprit empli de stupeur et de déni.

Cela me fit l’effet d’une décharge qui me remit sur pieds. Il était hors de question que je mette Clio dans cette situation, je voulais au contraire que son cœur soit gonflé de fierté et de joie plutôt que de larmes.

Je me dirigeais vers l’arbre d’où il fallait partir pour pouvoir commencer à monter avant qu’il ne fasse trop sombre pour distinguer quoi que ce soit ce qui signerait notre arrêt de mort dans tous les cas.

Gabrielle aussi fini par se secouer toute seule et elle me rejoignit au pied de l’arbre. Je remarquais qu’elle se tenait plus droite et n’avait plus sa branche improvisée en canne. La mort de notre concurrent l’avait tellement perturbé qu’elle était ne ressentait plus la fatigue. Nous parlâmes stratégies quelques minutes pour savoir comment monter jusqu’à l’échelle en corde puis comment la traverser. Il fut décidé que je passerais le premier, le temps qu’elle se crée un harnais avec les sangles de son sac. Sac qu’elle venait tout juste de récupérer sur mon dos.

Je grimpais le long de l’arbre, les branches étaient suffisamment fournies pour me permettre de monter sans trop de difficulté mais assez espacé ce qui n’entravait pas mon parcours. Au sommet de l’arbre se trouvait une toute petite plateforme en bois, une seule personne pouvait tenir debout dessus. Elle se situait au départ de l’échelle en corde.

De là-haut le lac se perdait dans la pénombre grandissante et me donnait une impression de vide en dessous de moi, cette sensation m’emplit d’effroi et me fit douter. Toutefois je savais que je n’avais pas le choix, Clio avait confiance en moi, je devais lui prouver que son frère était une personne de parole, car si elle me perdait, qui lui restait-il ? Fort de cette constatation, je m’agrippais à l’échelle en corde, qui trembla légèrement sous mon poids.

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