Chapitre 5
La date de l’inscription approchait. J’avais réussis à convaincre Clio de ne pas s’inscrire et se faisant lui avait révélé un secret qui aurait mieux fait de ne jamais être ébruité. Maintenant elle m’en voulait. Mais sachant que ce serait moi qui participerais à la Course et que je risquais ma peau, son regard ne s’inondait pas que de colère en me voyant mais se voilait d’inquiétudes également.
Le site internet gouvernemental avait publié deux semaines avant l’ouverture des inscriptions, différents renseignements.
ARTICLE COUVERNEMENTAL – LA COURSE
La course, 50 fois
La course se déroulera simultanément dans 50 pays différents. Pour savoir si votre pays en fait partie veuillez consulter la liste plus bas. Seul le premier de la course remportera une place à son nom ou au nom de la personne qu’il désire, ainsi les 50 dernières places pour la Caverne seront délivrées au 50 premier des Courses.
La course, à terrains variables
La course sera une épreuve de vitesse, de survie et donc par conséquent sportive mais également intellectuelle. La course se déroulera à travers différents paysages, tel que le désert, la plaine, la forêt…
La course, émission mondiale interactive !
Sachez que pour éviter toute triche la course sera entièrement filmé, pour permettre au reste du monde d’observer les progrès, le film sera retransmis en direct sur les chaines nationale. Certaines données des implants (voir paragraphe La course, matériel) agrémenteront l’émission consacré à la course. Votre famille ou vos proches pourront suivre votre évolution en sélection dans le menu de l’émission votre nom.
La course, risques mortels
Il n’est pas impossible que des décès soit à déplorer car durant la course tous les coups seront permis, excepté les homicides volontaires, bien sûr. Dans une telle éventualité, nous vous demandons de rédiger votre testament, votre famille aura la possibilité de venir récupérer votre corps (s’il a pu être récupéré) et vos effets personnels et pourront effectuer vos dernières volontés. Si votre famille le désire elle pourra s’entretenir durant une heure avec un notaire au sujet de votre testament.
La course, matériel nécessaire
Vous aurez la possibilité d’emmener son propre respirateur et le nombre de capsule d’oxygène qu’il désire, toutefois il sera fourni à chacun d’entre vous cinq capsules d’oxygène grand format (leur réserve est deux fois plus importante que les standards). Pour pouvoir vous localiser rapidement et à n’importe quel moment grâce à un implant que nous vous fixeront nous-même dans votre poignet, cet implant nous fournira aussi votre état de santé.
La course, règles à savoir
La course est ouverte à tous les volontaires. Elle sera divisée en plusieurs étapes, vous devrez valider une étape par jour, sinon vous serez éliminé. Pour valider les étapes, il vous suffira d’apposer votre poignet où se situera l’implant sur la borne. Ces bornes sont construites avec un alliage qui les rends suffisamment solide pour que vous ne puissiez les abîmer ou les briser. Toutefois si vous êtes surpris à tenter d’en endommager une vous serez automatiquement éliminé. Le premier coureur ayant valider toutes les étapes aux bornes et dépassant la ligne d’arrivée en premier sera déclaré vainqueur.
[…]
Le reste exposait les différents documents nécessaires à l’inscription, tel qu’un justificatif d’habitation, une copie du certificat de naissance, le carnet de la famille, une carte d’identité, un testament…
Je préparais mon dossier d’inscription sous le regard pesant de Clio. Je m’étais arrangé avec notre voisin et ami de la famille de longue date. Depuis la mort de nos parents et la disparition de sa propre famille nos liens s’étaient resserrés. Il accéda à ma requête rapidement sans que j’eu à le supplier ou à lui rappeler notre amitié. Je lui avais demandé de s’occuper de Clio pour moi pendant la course et après, au cas où je ne revenais pas. C’était une grosse responsabilité surtout pour la situation que nous vivions en ce moment et depuis plusieurs années déjà. Mais il accepta et me jura qu’il ferait tout pour elle. Après tout, comme il me l’avait si bien dit, il la considérait un peu comme sa fille, surtout depuis les événements tragiques qui avaient secoué nos deux familles sensiblement à la même période. Même si je n’avais jamais trop aimé ce lien entre Clio et Philippe que nous appelions Phyl, je ne pouvais que reconnaître qu’il existait et qu’il était utile. Phyl était pour Clio la figure paternelle qu’elle avait perdue et même si j’étais là pour elle, elle avait de temps en temps besoin de parler et de voir quelqu’un d’autre que moi. C’est pourquoi Phyl qui nous avait toujours soutenu était tout désigné pour ce rôle. Phyl quant à lui, transférait tout son amour paternel qui ne lui servait plus à rien depuis la mort de sa fille Sophie, qui à l’époque avait sensiblement le même âge que Clio. Ces sentiments paternels ne faisaient que l’étouffer et le rendre suffisamment malheureux pour que dans les premiers temps après sa disparition il ait tenté plusieurs fois de rejoindre sa femme et sa fille. Je savais qu’il ne voulait pas tenter quoi que ce soit pour rejoindre la Caverne, il préférait attendre la mort et rejoindre sa famille plutôt que de tout tenter pour une vie sans elles. C’est pourquoi je savais que je pouvais lui faire confiance et lui confier Clio sans crainte. Clio ne serait pas toute seule et c’était tout ce qui comptait.
J’hésitais à lui en parler car ça réveillerait forcément le souvenir de notre conversation précédente, ce que je préférais éviter. Mais à bien y réfléchir je n’avais pas le choix, car d’ici quelques jours, elle allait devoir emménager chez Phyl pendant que moi je participerais à la Course, elle devait donc préparer ses affaires. Je choisis donc un déjeuner pour lui en parler. Pensant ainsi que je pourrais de nouveau lui en parler le soir pour la convaincre que c’était une bonne idée. Je pris donc une bonne inspiration et me lançais.
- Clio, dis-je d’une voix un peu trop sévère à mon goût, je dois te dire quelque chose, ajoutai-je plus doucement.
Elle ne me répondit pas mais planta ses yeux dans les miens. Ce qui signifiait clairement qu’elle m’écoutait mais qu’elle refusait pour l’instant d’utiliser sa salive pour me répondre. Elle attendait de savoir ce que je voulais lui dire avant soit, de participer à la discussion, soit, de s’enfermer dans le mutisme, m’abandonnant à ma conversation. Je lui annonçais donc la nouvelle sans perdre de temps.
- Durant la course je veux que tu emménage chez Phyl. Il prendra soin de toi pendant que je ne serais pas là, et avec réticence j’ajoutais, et au cas où je ne reviendrais pas.
La colère quitta un instant son visage pour laisser la place à l’effroi et la tristesse, le désespoir pointa au fond de ses yeux, ce qui me brisa le cœur. J’avais l’impression de l’abandonner, de rompre ma promesse, de commettre l’irréparable, mais je savais que je n’avais pas le choix. Si je voulais que Clio ait un futur, je devais participer à cette Course mais surtout je devais absolument gagner.
- D’accord, répondit-elle d’une voix qui réduisit mon cœur déjà brisé à néant.
La colère ne faisait plus partie de la palette de sentiments reflété par son visage. J’arrivais à deviner les pensées qui tournaient dans sa tête.
La Course approchait et le moment de nous dire au revoir, peut-être pour toujours, aussi. Bientôt elle dirait au revoir, ou adieu au dernier membre de sa famille et cela la remplissait de tristesse, de peur et de colère envers cette société et ce système. Je savais ce qu’elle pensait car la même chose rebondissait dans mon cerveau, et sans le voir, je savais que mon visage renvoyait la même chose que le sien. J’avais la gorge trop nouée pour finir de manger. Je mis mon assiette au réfrigérateur pour la conserver pour mon dîner. Clio fit de même quelques minutes plus tard. Après cela, je retournais à l’entrainement que j’avais commencé le jour où j’avais décidé de participer à la Course. Ce que je faisais avait plus un effet placebo sur mon esprit terrifié que de véritables effets bénéfiques pour mon corps, mais ça m’allait. De toute façon cet entrainement, je le faisais déjà depuis des années sans le savoir en allant tous les jours travailler dehors, faire des travaux physiques, réfléchir à une façon suffisamment ingénieuse pour régler un problème rapidement et sans trop utiliser d’énergie ou de ressources. Mon corps et mon esprit étaient déjà rompue à ce genre d’exercice et je les faisais juste par acquis de conscience et pour rassurer Clio.
Le jour des inscriptions arriva bien trop vite. J’allais déposer mon dossier complet à la mairie qui se chargerait de le transmettre aux organisateurs. Un courrier électronique devait m’être envoyé le lendemain, ce qui me prouverait que mon inscription était validée. Le lendemain, je reçu le mail et l’espace d’un instant je fus soulagé, mais la gravité du moment me ramena rapidement à la réalité, j’allais courir et mettre ma vie en péril dans l’espoir d’obtenir une place qui au final ne me serait pas destiné. Et si… Je repoussais toutes ces sombres pensées qui pour moi ne faisaient que représenter le côté obscur de l’Homme. Je ne pouvais pas me permettre de laisser ces horribles choses me détourner de mon objectif. Dans ce mail, on me donnait de nouvelles informations. D’ici deux jours je devais être au départ de la Course. Arrivé là-bas je serais préparé pour la Course, avec l’implant et de nouvelles instructions. Le lieu de rendez-vous se trouvait être dans une ville pas très éloigné de la nôtre. En deux jours de marche je devais pouvoir y arriver mais pour cela je devais partir maintenant, ce qui impliquait de faire mes adieux à Clio.
Les larmes aux yeux et la gorge serrée j’allais prévenir ma sœur. Toute la tension qui nous avait éloigné depuis ma déclaration s’évapora d’un seul coup. En larme, Clio se pendit à mon cou tandis que je me mettais à genou. Nous pleurâmes ainsi l’un contre l’autre pendant un moment jusqu’à ce que nos larmes se tarissent d’elles-mêmes. Nous n’en avions plus. Nous avions vidé nos corps de ce liquide si précieux à l’expression de notre humanité. Notre étreinte dura encore un moment même après que nos yeux furent secs. J’essayais de mémoriser la forme de son visage, la texture de ses cheveux serré contre ma joue, la chaleur de son coup, son odeur, la profondeur et la couleur de son regard. Je voulais tout garder en moi. Me souvenir de tous les détails aussi insignifiants soient-ils pour parvenir à la matérialisé dans mon esprit aussi souvent que possible lorsque je serais loin d’elle. A la façon que ses petites mains avaient de me parcourir le dos, je sus qu’elle essayait de faire la même chose. Je finis par la repousser doucement. Je la pris par la main et de l’autre j’attrapais son sac d’affaires. Nous nous sommes préparé à sortir et nous sommes allé chez Phyl.
Il nous accueillit la mine grave, une expression qui convenait parfaitement à la situation. C’était le moment pour moi de partir. Je pris Clio une dernière fois dans mes bras et durant quelques secondes j’eu la sensation de retrouver Clio, ma petite Clio de 10 ans, celle qui ressentait le besoin d'être protégé. Ses petits bras serré autour de mon cou essayaient désespérément de me retenir. Si je m’étais écouté, si j’avais pris en compte ce que me dictait mon cœur, j’aurais tout laissé tomber pour rester auprès de Clio jusqu’à la fin. Nous aurions dépéri ensemble. Jusqu’au bout j’aurais pu la serrer dans mes bras pour la rassurer, lui dire que tout irait bien alors que je savais pertinemment que nous allions mourir asphyxié ou empoisonné par l’air nauséabond et toxique qui enveloppait notre cher planète Terre. Doucement, précautionneusement je la transférais dans les bras de Phyl. Elle se débattit un moment avant de se raccrocher à lui comme à une bouée de sauvetage. Je fis quelques pas en arrière en agitant la mais pour lui dire au revoir. Au revoir, pas adieu. Il était hors de question que je ne revienne pas. Phyl reculait lui aussi lentement jusque chez lui, soudain Clio qui avait caché son visage dans le cou de Phyl se tourna vers moi.
- S’il te plait Luc, promet moi de revenir ! Ne m’abandonne pas ! Me cria-t-elle, les derniers mots se perdant presque dans de nouveaux sanglots.
Je sentais moi aussi de nouvelles larmes me bruler les yeux lorsque je lui répondais.
- Je te le promets ! Je te jure que je reviendrais.
Après ça je tournais les talons et me mis à courir avec l’impression grandissante que j’étais justement en train de l’abandonner. Nous n’avions jamais été séparé ainsi plus d’une journée. Je savais que la nuit serait longue et difficile pour nous deux. Heureusement Phyl serait avec elle. Il la prendrait dans ses bras et la bercerait doucement en lui parlant tellement bas que je n’étais pas sûr que ses paroles soit compréhensible, mais le ronron de sa voix saurait la calmer comme lorsqu’elle était plus petite. Ses sanglots diminueront d’intensité jusqu’à cesser complètement, ses paupières abaisseront le rideau du sommeil sur ses yeux secs et elle sombrera. D’une certaine manière je l’enviais, elle avait quelqu’un pour la rassurer alors que moi j’errais seul dans la nuit, me dirigeant vers ma mort plus que probable. A peine cette pensée m’effleura-t-elle l’esprit que je me sermonnais. Non, je ne devais pas penser ainsi car je condamnais ma sœur et il était inacceptable qu’elle quitte ce monde sans avoir ressenti une seule fois une véritable once de bonheur. C’était inconcevable. Je n’allais pas mourir, mieux que ça, j’allais gagner, j’allais la sauver.
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