16 décembre 1663, 14h, maison de Fendora
- Te décideras-tu un jour à me reparler ?! J'ai l'impression de vivre avec un cadavre ! A 14 ans on ne fait plus ce genre de caprice. Je t'ai expliqué à maintes reprises la raison de mon refus quant à ton souhait de revoir ta famille.
Non. Je ne voulais pas lui parler. A cause d'elle, je souffrais. Imperturbable, la guérisseuse continua son monologue :
- L'autre jour, quand je suis allée en ville vendre mes potions, j'ai eu une idée qui pourrait te plaire. Tu m'avais parlé de vengeance... je ne pense pas que ce soit la bonne solution. Tu pourrais être formée aux armes pour devenir garde de la ville, qu'en penses-tu ? Bien sûr, il faudra que tu te fasses passer pour un garçon, ce sera le seul problème. Au fait, j'ai croisé un jeune homme de ta connaissance il me semble. Il parlait du temps où il travaillait pour la famille Langlois...
A ces mots, je sus qu'elle parlait de Nils, mon cher frère... essayant de rester de marbre, je fis la moue et retournais à mes occupations.
- Je sais que tu te retiens d'exploser Noémie ! Je n'attends que cela, moi, que tu exploses ! Ton frère te cherche depuis 6 mois, tous les jours il demande aux voyageurs de passage s'ils ont vu une jeune fille de 14 ans, aux yeux bleus et aux cheveux marrons, qui voyagerait seule !
Enfin, je ne pus me retenir plus longtemps et craquais, je me retournais face à Fen qui me regardait, assise sur la table de la cuisine :
- Je veux voir Nils ! Il y a trop longtemps que tu m'as interdit de le revoir, maintenant c'en est trop !
Fendora sourit et me dit :
- Il a rejoint la brigade des chasseurs de sorcières. Il se promène donc souvent dans la forêt, et il se pourrait que tu le croise si tu voulais bien aller me chercher des plantes !
Je me jetais dans ses bras en pleurant, incapable de contenir le flot de larmes coulant sur mes joues.
- Merci Fendora...merci...
- Il me semble que c'était la seule chose qui pouvait te refaire parler ma grande. Tout en disant cela, elle me caressait les cheveux et déposa un baiser sur mon front.
Fen me proposa de m'apprendre les plantes, j'acceptais aussitôt, car devenir soldat ne m'enchantais pas plus que ça.
C'est dans la bonne humeur que passa l'hiver. La jeune femme finit par me considérer comme sa fille, la fille qu'elle n'avait jamais pu avoir. Elle m'a dit un jour avoir été mariée lorsqu'elle était jeune, mais l'homme qui l'avait épousée l'avait répudiée, car elle s'était rendue compte qu'elle était stérile. Quand elle me raconta cette histoire, je compris pourquoi elle tenait tant à me protéger de l'extérieur et de ma famille...Dès lors, je m'efforçais de ne pas la décevoir.
Plusieurs mois passèrent, l'hiver laissa place au printemps. Vivre en marge de la société fini par me plaire. J'aimais cette solitude, elle me permettait de vivre comme bon me semblait, et Fen m'instruisait par diverses manières, de façon à ce que je sache un maximum de choses. Ainsi, j'appris à soigner les problèmes liés au cœur, à l'estomac, ainsi que soigner les entorses ou fractures diverses.
Au fond de moi-même, je me demandais si je comptais un jour vivre de cela. Mais pour être honnête, je n'y songeais guère et prenais cette formation pour un passe temps.
Le printemps se déroula sans encombres, redonnant à la vie un aspect plus gai, avec ces multiples refrains que chantent les oiseaux de la forêt.
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