L'admiration

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â- On ne s'est pas déjà vues quelque part?

- Je ne crois pas. Bonne journée."

J'avais prononcé ces quelques mots en arrêtant de respirer. Alors que je flânais tranquillement à la bibliothèque, elle était apparu devant moi, débarquant avec grâce devant mes yeux qui ne l'attendaient pas. Elle sourit et fit quelques pas pour se mettre en quête d'un roman quelques rangées plus loin.

Ce n'était pas la première fois que nous nous croisions. Je l'avais déjà dévisagée lorsqu'elle était dans la rue, avec ses filles. Ou bien en train de faire les boutiques, avec son mari. A chaque fois, j'avais eu le souffle coupé par son élégance, sa grâce, son assurance. Par contraste, je ressemblais à une petite boule de chiffons.

La première fois que je l'avais vue, j'en ai été profondément bouleversée. Ainsi, c'était elle, Madame Crémaux. La femme de l'homme que j'aimais. Elancée, brune, les cheveux longs, le teint hâlé, la peau parfaitement lisse et le regard espiègle. Elle était mince, portait des talons avec un maintien parfait, un pantalon blanc et une blouse qui savaient la mettre en valeur. A ce moment là, je venais de la voir en compagnie de Florent. Mes yeux s'étaient inévitablement détournés de lui pour examiner celle qui partageait son quotidien, qui pouvait s'endormir et se réveiller à ses côtés tous les jours. Alors que j'aurai dû la haïr sur le champ, elle m'avait éblouie. Le temps de reprendre mes esprits et je recevais un SMS de mon amant : Tu es toute troublée! Et tellement belle au naturel. Je t'embrasse.

Dès lors, la question qui ne me quitterait plus était apparue dans mon esprit : comment pouvait-il être amoureux de moi alors que sa femme incarnait à merveille la perfection? De plus, elle correspondait parfaitement à sa classe sociale, celle des dîners, des vacances hors de prix et de l'école privée pour les enfants. Je ne comprenais rien. Je l'avais imaginée fripée, laide, obèse ou totalement défigurée par la chirugie esthétique...Je n'imaginais pas une telle femme, qui avait l'air joyeuse, belle et assurée. Mais que faisait-il avec moi?

Evidemment, la réponse pouvait paraître évidente compte tenu de notre relation cachée. Pourtant, cela n'était pas suffisant. Nous passions beaucoup de temps à discuter, à boire des cafés ou à visiter des musées pour que notre relation soit réduite au simple champ physique. A moins qu'elle ne se refuse à lui, il n'avait rien à chercher ailleurs. Quand je les avais croisés, elle lui avait lancé un regard réfutant mon hypothèse. Pas de doute, cette femme aimait son mari et moi, je ne comprenais plus rien.

Là, à la bibliothèque, j'ai regardé de loin ses choix de lecture. J'aurai pu faire les mêmes. Elle était cultivée, aimait la littérature. Toujours suivie de mon regard sans s'en douter, elle s'est attardée sur l'exposition de photographies que j'étais venu voir.

Je tremblais. Ce n'était pas de la jalousie, j'étais tout simplement subjuguée. J'en venais même à me demander comment elle était tombée amoureuse de Florent. Certes, il était mignon, intelligent, sensible mais elle pouvait avoir tous les hommes de la Terre à ses pieds. Je tenais peut-être là mon explication. Florent me fréquentait par vengeance. Pourquoi alors prenait-il la peine de m'écrire, de m'appeler tous les jours? De balayer mes doutes par des "je t'aime" ou prévoyait toujours des excursions pour nous fabriquer des souvenirs inoubliables ensemble? La dernière fois, il m'a même avoué qu'il avait pensé refaire sa vie avec moi, comme s'il lui fallait recommencer alors qu'il avait déjà atteint la perfection : le job de ses rêves, un statut social qui suscitait l'envie, une famille parfaite et une femme sublime et intelligente. Non, vraiment, je ne voyais pas ce qu'il voulait refaire avec moi.

Je décidais donc de quitter la bibliothèque, me sentant moche, nulle et sans intérêt. Je rentrais chez moi et coupais mon téléphone, je ne voulais surtout pas d'un message de Florent. J'aurai l'impression qu'il se moque de moi. Pire, si je n'avais pas de ses nouvelles, je songerai sans cesse à tous les moments sublimes qu'il doit vivre avec elle. Non, je n'étais pas capable de supporter ça et il me fallait arrêter le flot de mes pensées. J'allumais la télé et me fixait devant un téléfilm policier américain, bien ficelé et peu écrit. Parfait pour oublier son existence quelques temps.

Avant de me coucher, je ne résistais pas à rallumer mon téléphone. Un message de Florent, Je pense à toi. Et moi je pense à elle. Celle qui ne devrait même pas troubler mon existence, mon histoire d'amour. Je pensais à elle et l'admirais. Elle était grande, elle était belle. Elle était la mère de ses enfants. Elle avait la vie que je voulais.

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