17.02.21
Je ne sais plus exactement quand j'ai commencé à penser à cette histoire. Elle est née d'une petite pulsion, comme ça, petite flamme vibrante et audacieuse, réclamant son temps sur scène.
Elle m'a chaleureusement appelé, quémandant que je la regarde et que je la sculpte à ma manière. Elle me fait confiance, elle se vend à moi, s'offre à mon imagination, pétillante et vive. Pleine d'une vie que je n'aurais jamais pensé avoir, elle se glisse dans mes pensées et exige que je ne pense qu'à elle.
Tous les jours, à toute heure, elle vient près de mon oreille, y chuchote tout ce qu'elle veut et me guide sur des sentiers dangereux s'éloignant de tout. Elle me promet la nouveauté, l'expérience, la passion et la joie de l'écriture.
Il n'y a pas un jour sans qu'une idée, une pensée, une référence, une recherche ne me vienne à l'esprit. J'essaie d'avoir un rythme régulier, de ne pas perdre ces fils rouges que j'ai connecté entre mes idées et moi.
J'ai noté la date qui marque définitivement le début officiel de ce projet. J'ai noté la date de la jeune pousse qu'était ce projet.
J'ai cherché longtemps un titre. Un titre qui sera le sujet, le vrai sujet de ce projet, qui ne sera juste pas un trophée posé sur une étagère que l'on a oublié de dépoussiérer.
Je pense avoir trouvé le titre. J'aime bien aussi les doubles sens, alors je pense qu'il en aura un. Un double sens, qui devrait fleurir de métaphores, de références et d'idées. Je veux que ce titre intrigue. Non pas pour le mot que j'y glisserai, mais pour le choix de ce mot. Quelle serait la réaction de celui qui s'échouerait sur ce titre ?
Je n'ai pas de résumé. La construction du récit se fait lentement dans mon esprit. Petit à petit, des scènes prennent forme, des images se dressent, peignant des tableaux sombres et bleutés, des souvenirs instables et dorés jaillissent des mémoires rapportées, et une voix mature et calme s'élève dans tout cela.
L'idée générale, c'est que le personnage principal ne soit qu'une parole rapportée. Pourquoi ? Parce que la fascination, c'est le mot clé. Une fascination maudite. Mais personne ne connaît vraiment cette fascination, celle qui prend forme sous les traits de ce personnage. Je ne pars pas à la recherche d'un caractère. Je veux simplement créer quelque chose de mystique - il s'agit de voir si ce mot conviendra toujours à la fin.
Je veux que ce roman apparaisse comme une peinture du néo-classiscisme. Je veux ce décor, cette ambiance, cette suspension, cette tension incertaine et pourtant palpable, gravée dans l'air et s'imprégant dans nos poumons. Je veux que tout vive et ressente.
Ainsi donc, je veux que la figure de mon personnage inspire aussi bien la fascination que la haine. Tout comme toute chose sur cette terre. Nous pouvons éprouver une fascination pour le feu, parce que sa couleur, sa chaleur, sa danse, son mystère nous attire mais une fois le bras tendu, la main brûlée et les doigts crispés, notre rage explose et l'on désire briser ce qui nous a fait souffrir.
Mon personnage principal doit être comme une sculpture baroque qui provoque les passions et nourrit les obsessions. Une figure presque intouchable, un rêve, une illusion, une croyance, un mirage du désir humain. Il serait le reflet involontaire d'une société assoiffée d'un désir brûlant et charnel.
Ce ne doit pas être son visage mais plutôt son être, son âme, sa personne qui sollicite, excite et émerveille de la pire des façons, jusqu'à pousser les damnés en enfer, perdus après des actes irréparables. Je veux montrer que la beauté exquise pousse au crime étrange, au crime des sentiments, au crime de l'affreux.
Ce qui est le plus étrange, c'est que la surface de cette statue est une coquille vide. Une coquille qui ne ressent rien de l'intérêt qu'on lui porte. Ses regards ne s'arrêteraient nulle part, trop loin et trop désintéressé par ce que certains voudraient lui offrir. Il n'éprouve que le strict minimum.
Cette figure divine est la pièce d'un théâtre funeste, tragique et éternel.
En effet, elle est partout. Elle se dresse comme une araignée sur sa toile. Elle attend patiemment que ses proies y tombent dans un moment d'étourderie avant de les dévorer, dans une jouissance mal dissimulée.
Elle guette. Elle épie. Elle surveille. Elle bouge ses pions. Elle ne fait rien d'inutile.
Echec et mat.
Elle n'est pas stable. Elle est la frontière du monde, celle qui pourrait tout faire basculer, changer l'équilibre et renverser ce qui a toujours existé.
Elle est la frontière qu'on n'osera jamais franchir. Celle qui ne te laissera jamais partir et qui ne te laissera jamais couler. Ses bras se sont déjà enroulés autour de toi et veillent à la chaleur de ta passion.
Cette figure divine est un péché. Elle est la pire chose que le monde ait pu donner. Et pourtant, son existence aurait pu disparaître dès le début.
A croire qu'elle devait naître, exister, vivre, abuser et s'amuser avant de mourir une dernière fois, en défiant le monde de le surpasser comme il a surpassé tout ce qui pouvait l'être et devait l'être.
L.B.
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