08.05.21 - Texte brut ou texte stylisé ?
C'est la question que je me pose.
Si je devais écrire comme j'ai pris l'habitude de faire pour moi, ce texte m'apparaîtrait brut.
Quand je fais ça, j'ai l'impression d'aller dans le nouveau roman et de produire du Marguerite Duras alors que justement, je n'apprécie pas cet environnement épuré.
J'entends aussi par brut le fait que je me centre davantage sur les émotions ou les sentiments des personnages que de l'environnement ou des actions qui surviennent. C'est pourquoi, je devrais mixer les deux et parvenir correctement à enchaîner les choses, les emboîter les unes aux autres, sans redondance ni superficialité, qui donnerait une matière non nécessaire à l'avancée de l'histoire.
Brut comme je le comprends, ce serait purement mon style. La question est de savoir si cela dérangerait le lecteur ?
En effet, quand j'écris, ce que j'apprécie faire au final, c'est de faire de très courts paragraphes ; et si je n'en fais pas, c'est qu'à chaque fin de phrases, je saute à la ligne.
Peut-être comme une poésie en prose ? En tout cas, c'est ce que j'aime faire. Mais est-ce véritablement nécessaire de chercher à le produire consciemment ? Je ne pense pas.
Alors, faisons-le de manière tout à fait inconsciente. Sans chercher à sublimer ce procédé. Faisons à l'instinct, au naturel. Cela pourrait mieux fonctionner.
Un texte stylisé, c'est un texte pourvu d'ornements plus ou moins exagérés et/ou utiles, intelligents, voire logiques. A chaque fois que je pense stylisé en ce sens, j'imagine les longues descriptions de Victor Hugo, d'une extrême précision, dans un soucis de détails subtiles propre au siècle en question ; je me rappelle de celles d'Emile Zola ou de Balzac. Qui sont toutes différentes mais qui ont leur charme.
Et puis, les textes stylisés sont aussi envisageables dans des oeuvres plus contemporaines.
Sans détour, j'évoque Carlos Ruiz Zafon, un auteur que j'apprécie énormément. Il a toujours su équilibrer le réel à l'iréel, au monde concret à celui de l'incertitude. Au final, il joue à la limite de leur frontière. A qui puis-je penser d'autres ?
Peut-être Georges-Olivier Châteaureynaud, Emmanuel Carrère, Eric-Emmanuel Schmitt, Laurent Gaudé, Paul Claudel, Leïla Slimani, Patrick Süskind, André Gide, Benjamin Wood ... et j'en passe.
Chacun dépeint son récit avec style. Et pourtant, ce style, c'est leur façon d'écrire. Un peu comme un texte brut ?
Cela me fait penser à un roman que je suis en train de lire. C'est curieux, car la structure peut paraître ordinaire en voyant les chapitres, qui tranchent le rythme des péripéties. Cependant, à l'intérieur, c'est un pavé uniforme, où dialogue, action, pensée et autre se mélangent. Cela donne une cadence assez étonnante et réveil l'intérêt du lecteur.
Bien sûr, faut-il pouvoir apprécier cette façon de retranscrire la chose.
Cet auteur, c'est Giulio Cavalli et l'oeuvre dont je parle, c'est A l'autre bout de la mer.
Aux premiers abords, j'ai eu quelques difficultés à rentrer dedans puis l'aspect condensé a su me séduire. Ce n'était pas ordinaire, cela en sortait justement. Et j'avoue apprécier la nouveauté, la surprise.
Cette réflexion me permet d'apporter quelques solutions aux questions que je me pose à propos de ce récit que je souhaite réaliser. Je tâtonne, pourrons-nous dire. Je pense que cela aide, ce n'est pas une nécessité mais d'un point de vue qui est le mien, je peux voir la progression que j'ai réalisé. Et cela m'est utile.
Il est dit que le style d'un texte repose sur l'art du langage. La façon dont l'écrivain utilisera les moyens d'expression du langage. Et tout doit correspondre intelligemment au sujet qui est abordé. Lorsque vous choisissez un genre, vous ne pouvez y inclure n'importe quel procédé narratif. Sauf si vous êtes maître dans l'art de l'hétérogénéïté.
C'est exactement comme un puzzle. Enfin, je crois.
Il y a des pièces, elles ont toutes une forme et une couleur différentes. Et pour parvenir à représenter ce que ces pièces tentent de cacher, il faut les assembler judicieusement. On ne peut pas forcer deux formes qui ne correspondent pas parce qu'on se persuade du contraire. L'expression "Quand on veut, on peut" n'est pas applicable dans ce procédé.
Cela revient donc au même pour le style d'un texte. Ne pas forcer deux choses qui ne sont pas compatibles.
Chaque chose à sa place. Sont ceux qui peuvent prétendre à chambouler les lois établies de cette structure du puzzle les maîtres de la fusion - je n'ai pas d'autres mots parce que je ne crois pas les savoir assez nombreux pour porter un nom.
Il est possible que certains auteurs parviennent à mélanger deux choses opposées avec prouesse. Cependant, ce n'est pas le cas de tout le monde, et encore moins du mien. (Il serait quand même intéressant de s'y essayer par curiosité et par apprentissage pour développer une autre forme d'écriture). Donc, là où je voulais en venir, c'est qu'il ne faut pas que je m'engage sur ce terrain.
Je dois pouvoir maintenir à flots mon travail avec une simplicité ordinaire. Viendra la complexité plus tard, quand je pourrais affirmer avoir l'expérience nécessaire pour le faire.
Bref ! Disons juste qu'à la suite de cette réflexion, mon premier jet de mon récit doit être simple et direct, dans mon style à moi, brut de surcroît et qu'il est impératif que je ne m'égare pas dans des tentatives désespérées de choses "nouvelles" ou "jamais faites".
Soyons plutôt attentifs à la compréhension et à la logique de ce que j'écris. C'est le premier point à travailler pour n'importe quel récit.
L.B
Annotations
Versions