Chapitre 3
Au début, les lapins de la ferme eurent beaucoup de mal à aider leurs cousins. Ils ne savaient pas creuser parce que beaucoup d'entre eux ne l'avaient jamais fait. Certains ignoraient même ce qu'était un terrier ! De plus ils étaient gras et s'essoufflaient très vite. Il leur fallut deux ou trois heures pour apprendre à travailler efficacement ; mais ils y mirent tant de bonne volonté qu'ils finirent par s'en tirer de manière honorable. Bien sûr, ils n'étaient pas encore tout à fait aussi dégourdis que leurs cousins mais on le leur pardonnait aisément...
Et puis ils étaient nombreux ; avec leur aide, le travail avançait beaucoup plus vite et Zip se félicitait de sa merveilleuse idée.
Trois jours plus tard, à l'aube, les habitants de la forêt se réunissaient au grand complet devant une fosse large et profonde qui, de l'avis unanime, était bien assez grande pour trois ou quatre hommes. Quand chacun eut pu juger du travail des lapins et des lièvres et féliciter les ouvriers, Belle et Groin le sanglier tirèrent des branchages sur le piège. Pui on recouvrit ceux-ci des feuilles mortes, de touffes de mousse et d'herbes sèches.
Quand ce fut fait, Pimpin prit la parole :
- Je crois que nous avons fait du bon travail, dit-il. Je suis content, et je tiens à vous remercier tous. J'ai appris que la chasse ouvrait demain et, à mon grand soulagement, nous serons prêts. Voici comment nous procèderons : le rôle des oiseaux sera de guetter l'arrivée des chasseurs. Lorsqu'ils arriveront à l'orée du bois, le merle devra siffler trois fois. Je les laisserai approcher, et quand ils seront devant le gros chêne, je détalerai devant eux pour les obliger à me suivre jusqu'ici.
Les autres animaux ne devront pas quitter leur domicile, pour des raisons évidentes de sécurité. Les chefs de famille veilleront à ce que cette consigne soit respectée. Est-ce bien clair pour tout le monde ?
Un grand silence régnait dans l'assemblée : jusque là, personne n'avait osé se demander qui servirait d'appât. Ce rôle était capital, mais aussi extrêmement dangereux. Nul ne l'ignorait. Chacun était ému que Pimpin se propose spontanément pour le tenir. Des larmes brillaient dans les yeux de Pimpine, et Pimpinou était terrorisé :
- Mais, papa, sanglota-t-il, que se passera-t-il si les chasseurs ont le temps de tirer ?
- Il faut prendre le risque, répondit Pimpin.
- Ce n'est pas juste que ce soit toi qui te sacrifie encore, dit Belle, je m'en chargerai.
- Non, intervint Groin. Une mère se doit à ses enfants. Et les tiens ont déjà perdu leur père. C'est moi qui servirait d'appât.
- C' est impossible, répondit Pimpin. Tu es bien trop lourd ! Les branches cèderaient sous ton poids et c'est toi qui tomberais dans le piège.
Il fallut se rendre à l'évidence : le sanglier ne pouvait servir d'appât. Une fois de plus, Pimpin avait raison. Zip allait se proposer à son tour lorsqu'un vieux lièvre se faufila jusqu'au premier rang de l'assemblée. Il avait les oreilles tombantes et son poil roux n'était plus très brillant :
- Mes amis, dit-il, j'ai vu bien des fois cette forêt predre ses feuilles et reverdir. J'ai obtenu de la vie tout ce que je pouvais en attendre. J'ai été heureux. Aujourd'hui je suis vieux et las. Je n'ai plus de famille, je n'ai pas d'enfant. Laissez-moi remplir le rôle qui est le mien. Je suis lièvre et je peux encore courir. Autrefois, j'étais le plus rapide de tous. Laissez-moi attirer les chasseurs dans notre piège.
Quand il eut ainsi parlé, le vieux lièvre se retira dignement, et la foule des animaux s'écarta devant lui avec respect.
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