Chapitre 9
Royaume d’Héllibore. Galiorn.
Nelson tournait en rond dans son bureau depuis un bon moment. Il ne savait pas quoi faire et cela l’énervait. Cette jeune fille avait répondu différemment des autres éteints, elle avait pourtant subi la même chose qu’eux mais elle éprouvait toujours des sentiments positifs envers ses parents contrairement à ses camarades. Il cherchait vainement une solution à son problème quand il prit la décision d’avertir le roi et la reine malgré l’heure tardive et d’écouter leurs avis. Les souverains se couchaient toujours très tard à cause de leurs devoirs envers le royaume.
Ayant aucune idée de l’endroit où ils pouvaient bien être il entreprit d’aller les chercher en premier à la salle principale du palais mais avant tout il verrouilla son bureau à l’aide d’une puce implanté dans son avant-bras. Il quitta le laboratoire en laissant ses collègues travailler sur des prototypes d’antidotes. La nuit n’était pas un rempart dans la vie des habitants de ce royaume, elle était calme et appréciée.
La salle principale était plusieurs étages au-dessus, en s’y rendant Nelson croisa plusieurs personnes auxquelles il leur fit un signe de tête dont la petite Fiora.
— Bonjour docteur, s’exclama Fiora en dévoilant un grand sourire.
— De même Fiora Kourby, répondit-il en lui ébouriffant ses cheveux blonds.
— Tu vas déjà te coucher ?
— Bien sûr que non petite, je cherche le roi et la reine. En revanche toi tu devrais te diriger vers ta chambre te reposer, j’ai appris que tu avais un examen de santé demain.
— Ne t’en fait pas pour moi, je suis certaine que le résultat sera aussi parfait que la dernière fois, fit Fiora avec un clin d’œil.
— On ne sait jamais petite.
— Je le sais bien. On m’a dit que les souverains sont en train de discuter avec le général dans la salle d’arme.
— Merci beaucoup Fiora, répondit Nelson en semblant se crisper.
— Pas de quoi. Au fait j’ai peut-être 16 ans mais je ne suis pas aussi petite que cela, signifia-t-elle en partant.
Nelson trouvait Fiora très attachante avec son caractère assez prononcé par moments, seulement il éprouvait aussi de la peine à son égard depuis qu’il avait appris que son frère était un éteint. Ce jour-là il s’était promis de le faire revenir pour elle. Ne voulant pas trop penser à cela il prit direction de l’endroit qu’avait indiqué la petite.
La salle d’arme était aussi bien protégée que le laboratoire et peu de personne y avaient accès. Quand on possédait connaissance de ce qu’il s’y cachait il était vraiment rassurant que de hautes mesures de sécurité soit installées, mieux valait que les armes ne tombent pas entre les mains de mauvaises personnes.
La pièce se trouvait au cœur même du palais, d’épais murs construits dans un matériau lisse d’un blanc très pur la cernaient froidement. Aucunes fenêtres, aucunes portes. Juste un mur tant épais qu’insonorisant. La salle était surveillée par des gardes faisant une ronde alternée autour de celle-ci, seul un ne bougeait pas. Nelson se présenta au garde chargé de faire entrer les gens à l’intérieur de la salle d’arme avec son accord.
— Je voudrais voir les souverains, fit-il savoir au garde.
— Présentez-vous d’abord.
— Nelson Thomas, médecin au laboratoire du palais, secteur des éteints.
— Bien. Votre laissez-passer je vous prie.
Nelson lui montra le papier.
— C’est en ordre, observa le garde en fronçant ces sourcils qui lui donnèrent ainsi un air extrêmement concentré. Tournez-vous s’il vous plait je dois faire une fouille corporelle.
Le médecin s’exécuta aussitôt tout en levant ses bras à la verticale. Une fois le contrôle réalisé le garde fit signe à Nelson de se placer dans un cercle noir au sol.
— Tenez-vous bien droit, les bras le long du corps, respirez doucement, évitez de parler si vous ne voulez pas être nauséeux pendant votre transport. J’actionne le transporteur dans 5, 4, 3, 2, 1…
Une lumière blanche rayée de noir traversa Nelson de toutes parts. Chacun des atomes le constituant se dispersèrent puis se mirent à voler comme les flocons tantôt légers tantôt violents d’une boule de neige en verre pour finir par disparaître un à un. Il se retrouva face à une bibliothèque d’armes. Le nombre d’instruments de combats présents était assez incroyable, ils s’étendaient partout. Dans des cartons, sur les murs, le plafond, dans des vitrines et dans des coffres. Se dépêchant le médecin marcha jusqu'à la seconde pièce se situant à l’intérieur de celle-ci. Effectivement les souverains se trouvaient bien là avec le général à parler.
— Ce n’est qu’une question de temps maintenant, fit une voix grave.
— Très bien Edyson. Gardez cela sous secret pour le moment, seules vos équipes peuvent être mises au courant.
— Ne vous en faites pas je ferais attention, fit le général avant de se retourner. Tiens ! Voilà Nelson Thomas. Comment vas-tu ?
— On ne peut mieux, articula le médecin d’un ton glacial. Vos majestés, salua-t-il en inclinant la tête vers le bas. J’espère ne pas vous embêter.
— Ne t’inquiète pas, j’allais partir. Je te laisse le champ libre, rassura-t-il tout aussi froidement.
— Reste donc, je vais avoir besoin de ton avis professionnel en plus. C’est assez important.
— Vite alors, je dois échanger avec l’une de mes équipes qui est en mission, s’impatienta le général en soufflant.
— Edyson White ! se facha la reine. Je vous suggère de ne pas presser les choses. Si Nelson veut nous informer de quelque chose d’important qu’il le fasse correctement sans que vos querelles n’interfèrent ! Nelson vous pouvez parler à présent.
— Je préfère être direct. Nous avons une éteint qui diffère des autres. Elle ne considère pas ses parents comme une menace, elle les regrette.
— Je souhaite la rencontrer, ordonna la reine Adelina aussitôt.
Le roi posa sa main sur l’épaule tendue de sa femme pour l’apaiser avant de s’adresser à celle-ci.
— Attends qu’il finisse avant.
— Tu lui as fait plusieurs tests ? se renseigna Edyson.
— Évidemment. Vous savez que les éteints sont pris pour leurs capacités plus élevées que la moyenne. On a donc évalué ses aptitudes qu’elle soit réveillée ou endormie sur des points phares. Cérébralement elle réfléchit et agit comme tout le monde cependant on a pu observer que son corps est capable de surmonter la douleur beaucoup plus facilement que quiconque. Cela expliquerait ce comportement inhabituel. Son corps tente encore de résister au produit qui lui a été injecté. Cette fille est une résistante.
— Vous dites qu’elle est résistante, mais à quel point ? se renseigna le roi en croisant les bras.
— Au point de pouvoir encore marcher avec plusieurs balles dans le corps.
— C’est incroyable de posséder une telle endurance ! admira la reine.
— J’en viens à une unique question : doit-on tenter quoi que ce soit ?
Tous ressentaient une inquiétude due au choix délicat qui s’imposait à eux.
— Honnêtement c’est tentant mais j’ai peur qu’elle termine comme chaque essai précédant. Êtes-vous certain d’avoir tout examiné chez elle ? s’enquit le roi en passant la main dans sa masse de bouclettes blondes.
— Bien sûr que non. Dans la vie il y aura toujours des découvertes, même si l’on pousse assez loin la recherche et que l’on pense enfin posséder toutes les connaissances on fera toujours face à des événements imprévus.
— Moi j’en dis que cette éteint est un cadeau empoisonné, prévint Edyson. Si au moins on… Aïe !
Plusieurs décharges électriques venant d’un petit carré accroché à la ceinture du général pincèrent sa hanche gauche le coupant ainsi dans sa phrase.
— Je jure que le scientifique qui a inventé ce boîtier de malheur recevra de mes nouvelles ! blasphéma Edyson. Je dois y aller on a besoin de moi.
Le général partit à la hâte voir qui avait eu la mauvaise idée d’activer la boîte survoltée.
— Emmenez-moi la voir maintenant, imposa la reine Adelina.
Nelson obtempéra et conduisit donc les deux souverains au lieu de confinement des éteints. La reine laissa échapper discrètement des larmes en voyant ces jeunes enfermés sans aucun souvenir. Le médecin s’en rendit compte et proposa de faire demi-tour si venir ici devenait trop dur pour la reine.
— C’est bon, merci.
Ils s’arrêtèrent devant le compartiment de la rouquine. La jeune fille était recroquevillée, ses longues mèches ondulées retombaient de part et d’autre de son dos. Ses yeux gris exprimaient un immense vide que même l’amour ne suffirait pas à le combler.
— C’est elle ? demanda le roi Elton.
— Tout à fait. Le nom qui lui a été attribué par, excusez-moi de l’expression, ces abrutis professionnels est H-14.
— On peut lui parler ? souhaita la reine.
— Je veux bien mais elle doit rester dedans. Le gaz que l’on envoie normalement aux éteints ne suffisait pas pour elle, on a dû l’augmenter fortement. Je vais réduire la dose qui la rend amorphe.
— On comprend mieux quand vous dites qu’elle résiste plus que la normale.
Nelson posa sa main sur la porte transparente déverrouillant de la sorte un hologramme, il fit danser ses doigts sur celui-ci puis informa aux souverains qu’ils pouvaient parler à H-14. La reine se rapprocha puis frappa la paroi vitrée deux fois. La rouquine releva doucement sa tête puis maladroitement se tint debout sans rien prononcer.
— Est-ce que ça va ? tenta la reine Adelina.
Aucune réponse.
— Écoute on est désolé de ce qui t’arrive et on n’aspire qu’à t’aider.
Aucune réponse.
— On a peut-être une solution pour toi, tout n’est pas perdu.
Aucune réponse.
La reine, confuse, se pencha vers son mari et le médecin.
— Elle ne veut pas parler.
— Le gaz en est peut-être la raison ?
Nelson s’apprêtait à les rassurer quand H-14 fit un pas, puis deux, puis trois jusqu’à se planter face à eux.
— Je… je veux que… que… que l’on me soigne, balbutia-t-elle très bas.
Figés sur place par la demande déconcertante, les souverains et le médecin ouvrirent grand la bouche. Leurs neurones semblèrent se déconnecter un court instant avant de repartir de plus belle.
— Oui, assura la reine. Ne t’inquiète pas on…
Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase que l’éteint répéta plus fortement et plus assurément sa requête.
— On est là, on…
Une nouvelle fois la rouquine la coupa en hurlant cette fois-ci. La reine dans son incompréhension chercha de l’aide de son regard. Le roi haussa ses épaules lui dévoilant de cette manière que lui non plus ne savait quoi faire. H-14 se mit à crier incroyablement aigu. Sur-le-champ Nelson se dépêcha de propager plus de gaz dans le compartiment de la jeune fille qui finit par chanceler et s’écrouler à terre.
— Vous pensez qu’il faut tenter le tout pour le tout maintenant ?
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