CHAPITRE XII : LARS - RAPPORT DE FORCE (1/2)
Debout dans un coin et les bras croisés, Lars observa Leïv faire des mamours à son "ami" sans faire de commentaires. Ses doigts s'enfoncèrent dans sa peau malgré lui, tandis qu'une vague de colère contre sa foutue personne le submergeait.
Mais qu'est-ce qui lui avait pris, bon sang ?! Il était en terre étrangère, il ne pouvait surtout pas se permettre de faire des actions irréfléchies comme tout à l'heure. Encore heureux que Leïv ne lui ait pas fait la peau ! Lars se passa une main tremblante sur le visage, il était clairement en train de perdre la tête. ll devait absolument se reprendre, sinon.. son hôte allait finir par lui tordre le cou. Et ça le peinait tellement d'avoir à l'admettre, mais il l'aurait sûrement bien mérité.
Le magicien reporta à nouveau son attention sur le divin et son compagnon. Il ressentait toute la passion qui les animait, cette profonde affection qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre. Et son cœur se serra. Si fort que ça lui fit mal, comme si la douleur était vraiment physique. Leo lui manquait tellement ! Lars donnerait n'importe quoi — il ferait n'importe quoi ! — pour le retrouver. Pour revoir son sourire, entendre son rire, le serrer contre lui, l'embrasser...
Il voulait juste rentrer chez lui.
"Dans ce cas, arrête de faire le con et trouve un moyen de te barrer au plus vite !" lui souffla une petite voix moqueuse, tel un démonet sur son épaule. Lars s'empressa aussitôt de la chasser, il ne manquerait plus qu'il entende Leo dans sa tête !
Il poussa un léger soupir au moment où Leïv se décollait enfin de son cortémachin truc. Le rouquin se redressa lentement, une main protectrice laissée sur l'épaule de son ami ? Amant ? Peu importe ! Lars se focalisa sur l'expression sérieuse de son visage. C'était étrange de découvrir cette facette de lui, mais en même temps si fascinant. Toute trace d'amusement avait disparu de ses prunelles chocolat. Le dieu se dévoilait enfin, ils avaient fini de jouer.
— Alors ? Qu'est ce que tu comptes faire ? l'interpella le Chat en le regardant droit dans les yeux comme jamais auparavant.
L'intéressé décroisa les bras dans un geste lent et calculé, tout en soutenant son regard. Oui, il était sur ses terres, seul et perdu, mais surtout en position de faiblesse. Cependant, il refusait de se montrer vulnérable et encore moins de courber l'échine, peu importe que l'autre soit un divin tout puissant. Lars s'était juré de ne plus jamais se laisser intimider ni écraser par qui que ce soit, tant pis si cela devait lui coûter la vie. Plus jamais.
— Rien du tout, c'est TON problème, c'est à toi de le régler, finit-il par rétorquer d'un ton sec. J'ai cru comprendre que mes méthodes ne te plaisaient guère, je préfère ne plus intervenir.
— Oh, donc si je comprends bien, mon Cortégien ne représente aucun danger pour toi, puisque tu n'as plus aucune intention d'aucune sorte à son égard ? Dans ce cas...
Leïv se tourna vers le dénommé Aldiem, non sans reprendre d'abord son expression enfantine si agaçante. Il en faisait exprès cette fois, c'était sûr ! Il le narguait ! Sale petit...
— Tu peux rentrer chez toi, mon grand ! Essaye juste de ne pas trop parler de notre "invité" aux autres, tu veux bien ? Après tout, qui pourrait croire à une histoire aussi abracadabrantesque ? balança-t-il ensuite dans un grand sourire.
Lars serra les poings sans rien dire. Il n'avait pas l'intention de répondre à cette provocation ridicule. Il avait fini de jouer aussi. Il était temps de reprendre la main, comme à chaque fois qu'il faisait face à des situations impossibles. Peu importe la taille des problèmes à surmonter, la force des ennemis à vaincre, il avait toujours réussi à s'en tirer. Il avait déjà affronté des dieux, bon sang, ce n'était pas Leïv et sa clique qui allaient lui faire peur.
— Quoi ? demanda l'autre enquiquineur face à son silence et son regard noir. Tu as bien dit que je devais trouver une solution, non ? Eh bien, voilà ma solution, si cette méthode te dérange, libre à toi d'en proposer une autre.
Malgré le masque souriant qu'il arborait fièrement, le magicien pouvait clairement déceler de l'animosité dans sa voix. Il était de toute évidence furieux, mais au lieu de le frapper ou de lui hurler dessus, il choisissait de le montrer de cette manière là. Bizarre... Mais franchement, Lars n'avait aucune envie de consacrer du temps et de l'énergie à essayer de le comprendre. Tout ce qui lui importait, c'était de quitter cet endroit. Et vivant de préférence.
Le jeune homme réfléchit, évaluant rapidement toutes les options qui s'offraient à lui. Laisser le nouveau venu sortir de cette chambre et courir le risque de dévoiler sa présence n'était pas dans ses intérêts. Et de toute évidence, le séquestrer quelque part lui vaudrait de la part de son hôte un sort peu enviable. Lars pourrait bien proposer de lui effacer la mémoire, mais avec ses pouvoirs actuellement à côté de la plaque, il risquait de lui griller complètement le cerveau au lieu de supprimer quelques souvenirs. La seule solution serait donc...
— Dis-lui tout, lâcha-t-il soudain d'une voix froide en désignant Aldiem d'un geste délibérément nonchalant. Plus question de perdre la face devant ce crétin immortel.
Le compagnon du divin, toujours assis sur le lit, les regardait tour à tour d'un air complètement perdu. Le pauvre ne comprenait visiblement rien à ce qui se passait. Sa tête en était presque risible. Et Lars s'agaçait d'avance à l'idée qui venait de germer dans la sienne et qui nécessitait la participation de cet indésirable. Ça ne lui plaisait pas du tout, mais il n'avait pas d'autres alternatives. Pour le moment, du moins.
— J'ai besoin de circuler à ma guise dans ton monde, précisa-t-il, le ton toujours aussi glacial, bien qu'il ait commencé à retrouver ses gestuelles maniérées sans même s'en rendre compte. Je pense que m'imprégner de l'aura des lieux pourrait m'aider à débloquer mes pouvoirs, ajouta-t-il en haussant les épaules. Je prendrais alors l'apparence de ton... ami. Bien sûr, ça impliquerait qu'il reste ici lorsque je me balade dans ton village...
Il faillit dire "village de dégénérés" mais se retint juste à temps. Ce n'était pas le moment d'en rajouter une couche. D'ailleurs, il devait peut-être davantage surveiller son langage désormais ? Le Chat avait aussi ses limites, apparemment. Comme tout le monde, tiens ! Ce dernier le dévisagea quelques instants, laissant monter le suspense derrière une expression neutre, avant d'afficher son habituel grand sourire :
— Tu vois quand tu veux, je savais que tu trouverais de toi-même une solution pacifique !
Lars ne rata pas la touche moqueuse dans sa voix, ce qui lui donna des envies de meurtres. Respire, s'ordonna-t-il intérieurement tandis que le maudit Chat se détournait de lui pour s'en retourner à son "cher et tendre".
— Vous n'avez vraiment pas transgressé la Grande Interdiction ? demanda aussitôt celui-ci alors que le divin prenait place sur le matelas à ses côtés.
ll le fixait avec des yeux écarquillés et la tête toujours aussi niaise. Décidément, les deux faisaient bien la paire, songea Lars en essayant de ne pas trop les toiser d'un air mauvais.
— Non, je te l'ai dit, répondit Leïv d'une voix accorte.
— Qui, alors ?
— Personne. Cet homme est... venu par ses propres moyens.
Et il lui expliqua toute l'histoire jusque dans les moindres détails tandis que Lars les observait sans rien dire. C'était la deuxième fois que le paniqué faisait référence à une "grande interdiction". Il rangea cette information dans un coin de sa tête, se disant qu'il serait certainement bon de se renseigner là-dessus plus tard. D'ailleurs, il devait en apprendre plus sur ce monde, c'était le seul moyen pour lui de s'en sortir. Et retrouver enfin Leo.
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