CHAPITRE XVI : LARS - CHASSEZ LE NATUREL... (1/2)
Lars rejeta la tête en arrière en soupirant pour ce qui semblait être la millionième fois. Il faisait une de ces chaleurs dans les thermes du Lion, mais quelle importance franchement ! Pour une fois, le jeune homme n'avait pas le cœur à se plaindre. Il pourrait utiliser la magie pour faire baisser la température, mais à quoi bon ? Il méritait toute cette souffrance.
Il avait couché avec Leïv. Deux fois. Et tout ça en l'espace d'un seul et unique après-midi !
Comment disait-on déjà ? Chassez le naturel, il revient au galop. La preuve : Lars n'avait même pas tenu deux jours avant de se jeter sur le dieu comme un pauvre adolescent en rut. Et le pire c'est qu'il avait aimé ça, et pas qu'un peu ! Il avait savouré chaque baiser, chaque caresse, chaque seconde passée dans ses bras.
C'était presque aussi bien qu'avec...
Non, non, non ! Ce n'était vraiment pas le moment de retomber dans ses travers ! Depuis... Leo, il avait décidé de tirer un trait sur ce genre de "passe-temps". Il pensait en avoir fini, terminé avec tout ça ! Enfin... Apparemment, il essayait surtout de s'en convaincre. Affligeant.
Lars poussa un gémissement pathétique, tout en se laissant couler au fond du bassin. Avec un peu de chance, l'eau brûlante ferait peut-être disparaître tous les suçons qu'il avait sur le cou, le torse, les épaules... Leïv s'en était vraiment donné à cœur joie. Il ne put retenir un frisson d'excitation en repensant à ses lèvres et sa langue sur sa peau....
Aaaaah ça suffit !
Espèce d'imbécile, se fustigea-t-il mentalement, toujours en apnée dans l'eau. Il fallait vraiment qu'il arrête de penser avec son entrejambe et qu'il se recentre sur le plus important : c'est à dire LEO et le moyen de le retrouver. Cela impliquait bien évidemment de débloquer ses pouvoirs mais lui, tout ce qu'il trouvait de mieux à faire, c'était partager le lit de son hôte... Franchement, bravo, c'était vraiment parfait tout ça !
Le magicien émergea de l'eau sans cesser de rager contre lui-même. Avant de se ressaisir. Bon, mieux valait prendre un problème après l'autre. Là tout de suite, c'était Leïv son problème numéro 1. Où plutôt l'incontrôlable attirance qu'il éprouvait pour ce dernier.
— Ah, tu es là ! Je me doutais bien que je te trouverais ici.
La voix du Lion le tira brusquement de ses pensées. Lars ne s'était même pas rendu compte que l'aube s'était levée et que cela faisait des heures qu'il se baignait dans les thermes.
Il se tourna vers le nouveau venu et ne put s'empêcher de le détailler du regard. Le divin ne semblait pas blessé... pour cette fois. Il avait juste l'air très fatigué. La nuit contre les néatrucs a dû être rude... Oh et puis zut, ce n'était pas comme s'il s'inquiétait non plus !
— C'est bon, j'allais justement retourner en haut, lui répondit finalement Lars en agitant une main agacée dans sa direction.
Il attendit un peu, mais l'autre ne bougea pas de sa place, un petit rictus aux coins des lèvres. Le magicien leva les yeux au ciel, amusé malgré lui, et n'en déplaise à sa conscience et sa culpabilité. C'était plus fort que lui. Lorsqu'il ne l'agaçait pas prodigieusement, Leïv avait le don de lui arracher des sourires aux moments les plus improbables.
Secouant la tête pour chasser la moue amusée sur son visage, Lars sortit du bassin complètement nu, puis tendit une main vers le mur où étaient accrochées les serviettes. L'une d'elles se détacha de son crochet pour venir flotter dans sa direction. Pendant ce temps, le Lion ne se gênait pas du tout pour le reluquer, mais sans pour autant s'approcher ni faire un geste vers lui. Il continua de le fixer en silence pendant que le sorcier se séchait et se rhabillait, incapable de se décider entre l'amusement et l'agacement quant à ce petit manège. Mais à force de s'y adonner, il pouvait désormais différencier les sourires de Leïv, les sincères des forcés... et celui qu'il arborait n'avait rien de naturel.
— Est-ce que... ça va ? ne put alors s'empêcher de demander Lars en s'approchant.
— Bien sûr. Le soleil brille, et quand je dis soleil, je parle surtout de moi... Je ne demande pas mieux, lui répondit Leïv d'une petite voix dont il peinait à cacher la fatigue.
— À d'autres, répliqua le magicien avec agacement. Tu me prends pour un imbécile ? Es-tu blessé ?
— Quoi, tu t'inquiètes pour moi, maintenant ? Tu es adorable, mais il n'y a pas de quoi s'en faire. Je t'assure, je me porte à merveille. Tu veux peut-être vérifier par toi-même ? ajouta-t-il avec un entrain forcé.
Lars le fixa avec irritation sans répondre, avant de se détourner d'un geste brusque et se diriger à grands pas vers la sortie. Il voulait vraiment jouer à ce petit jeu ? Très bien, après tout, qu'est-ce que lui, en avait à faire, franchement ?!
— Je vais bien, vraiment ! Je suis juste... fatigué, c'est tout. La nuit a été longue, et... et très éprouvante, céda subitement Leïv dans un lourd soupir.
Et Lars se retourna pour le regarder. Son sourire s'était complètement effacé, et par là-même le masque jovial qui cachait l'exténuation sur son visage. Pour une raison qu'il ne pouvait se l'expliquer, le sorcier se sentit perturbé de le voir ainsi. Il en regretterait presque ses grands sourires tout en joie qui l'exaspéraient tant.
Il ne dit cependant rien et attendit que le Lion le rejoigne. Il remontèrent ensuite dans la chambre sans un mot. Le silence entre eux n'était pas froid, même pas gêné. Le terme le plus approprié serait... apaisant ? Bizarrement apaisant dans ce cas.
Une fois dans la pièce, Leïv se jeta sur le lit en soupirant de contentement. Lars s'y installa en tailleur sans cesser de le regarder d'un air circonspect. Il ne savait même pas pourquoi il continuait de le dévisager avec autant d'insistance, ce n'est pas comme si le divin pouvait subitement mourir de fatigue... n'est-ce pas ? Et d'ailleurs, pourquoi faisait-il une fixation là-dessus ? Ah oui, parce que Leïv était son seul allié dans ce monde. Voilà. Rien de plus.
— Arrête de me regarder, puisque je te dis que ça va aller. Mon métabolisme est le plus performant des Incarnations, il en faudra bien plus que ça pour m'abattre. Je serais en forme avant que tu n'aies le temps de dire "Le Chat".
Lars leva les yeux au plafond. Il agita ensuite une main agacée, comme pour chasser les pensées parasites qui avaient visiblement décidé de prendre son cerveau en otage.
— D'accord, si tu le dis. Mais tu as vraiment une sale tête, je dis ça, je dis rien !
— Merci, j'ai pris le temps de me refaire une petite beauté avant de venir te voir, je suis ravi que tu l'aies remarqué.
— Et moi, je meurs de faim, lâcha soudain le sorcier en se rendant compte qu'il n'avait rien avalé depuis 24 heures. Encore heureux que son côté surnaturel lui permette d'être moins dépendant de la nourriture que la majorité des gens...
— Désolé, je ne suis pas vraiment en mesure de pourvoir à tes besoins pour le moment... Tu n'as qu'à envoyer Aldiem te chercher quelque chose. Ne t'inquiète pas, il ne dira rien.
— Et il est passé où déjà ?
— Je l'ai logé à l'étage du dessous. On ne peut pas le renvoyer au village à plein temps, mais je n'allais pas non plus le faire dormir sur le divan.
— Mmmmm, j'imagine qu'il préfèrerait ton lit, marmonna Lars en le toisant d'un air moqueur.
— J'ai entendu ! Et bien que je sois d'accord en son nom, ça aurait été franchement inapproprié...
Inapproprié, qu'il disait... Ce mot sonnait étrangement à son oreille, comme s'il faisait référence à autre chose... Et soudain, ça le frappa. Un détail lui était subitement revenu en pleine figure. Un détail au sujet de Leïv, et de ses... relations diverses.
— Oui, bon si tu le dis ! le coupa-t-il en s'agitant avec impatience. Maintenant, il faut que tu m'éclaires à propos de toi et Bliztruc des Gémeaux... C'est moi qui ai mal compris la nature du rendez-vous d'hier ou... tu couches avec tes adelphes ?!
Sur le moment, il n'y avait pas du tout fait attention. Il faut dire qu'il avait encore été trop concentré à faire autre chose... Enfin bon, peu importe, il reporta son attention sur le divin en laissant ses pensées divaguer vers sa propre famille. Rien que l'idée de fricoter avec ses dégénérés de frères et sœurs lui donnait la nausée. Pas seulement à cause de leur lien de sang. Juste que ce n'était pas du tout l'amour fou entre eux. Plus encore... Ils se haïssaient.
— Bien sûr, Bliz est même mon amant le plus régulier, je ne vois pas en quoi cela t'étonne. Ah oui, j'oubliais que vous, les humains, aviez une conception différente des termes familiaux... lui répondit Leïv sur un ton léger et sans équivoque.
D'accord... Après, pourquoi s'étonner ? Leïv et sa clique étaient des étoiles, et donc à des années-lumières des coutumes humaines. Et puis, ce n'est pas comme si Lars n'avait encore jamais côtoyé des peuples, des civilisations ou même des familles qui pratiquaient l'inceste... Sans parler des divinités mineures qui ne manquaient jamais une occasion de copuler entre elles, au diable leurs filiations... Bref, les relations tordues entre Leïv et les autres Incarnations, surtout Bliz (un surnom aussi ridicule que le nom complet), étaient vraiment les derniers de ses soucis ! Mais son expression dut refléter le contraire, car le Lion poussa un petit soupir ennuyé.
— Mes yeux sont peut-être rivés sur ce plafond, mais je peux sentir le jugement dans les tiens. Déjà, ce n'est pas très gentil ni civilisé. (Lars leva le regard au ciel) Mais si ça peut te rassurer, sache que nous ne sommes pas vraiment une famille. Pas dans le sens que vous accordez à ce mot. Pour nous, il ne vaut rien. Père, frère, sœur... ce ne sont que des appellations que les humains nous ont données il y a longtemps et que nous avons fini par accepter d'utiliser, mais nous n'avons aucun lien biologique.
— Mmmm si tu le dis... mais dans ce cas, comment vous... euh... venez au monde s'il n'y a aucun lien de parenté entre vous ?
Mais tu t'en fiches ! protesta aussitôt une petite voix irritée dans sa tête. Tu devrais plutôt quitter ce satané lit et aller t'entraîner quelque part !! Pour débloquer ENFIN tes pouvoirs et retrouver... Mais Lars la chassa impitoyablement dans un coin reculé de son cerveau. Il n'était franchement pas d'humeur à écouter cette horripilante voix moralisatrice. Et puis il fallait se l'avouer, il était curieux de savoir comment fonctionnait tout ça...
Annotations