CHAPITRE XX : LARS - MON BEAU MIROIR... (1/2)

9 minutes de lecture

Lars faisait les cent pas depuis des heures. Enfin, non peut-être pas des heures, mais cela faisait quand même un bon moment qu'il tournait en rond dans la chambre de Leïv.



Il n'arrivait pas à tenir en place, la faute à ce maudit Lion !



Après avoir disparu il ne savait où pendant le reste de la journée, Leïv était passé en coup de vent pour lui annoncer de but en blanc (et l'air toujours aussi candide) qu'ils allaient dîner ensemble le lendemain, avant de s'en aller, tranquille, chasser les néamachintrucs.



Il lui avait dit qu'il s'occupait de tout, que Lars n'avait pas à s'en faire blablablabla. Quoi ? Mais bien sûr que si, il devait s'en faire ! Il avait toutes les raisons de s'en faire !



Il n'avait rien à se mettre pour l'occasion !



Hors de question de porter ces loques qui lui collaient à la peau depuis des jours. Mais où pourrait-il bien trouver une tenue acceptable ? Pas dans les penderies de ce cher Leïv en tout cas, vu qu'il n'en avait pas ! Ah mais zut alors, cet idiot et son univers paléolithique allaient finir par le rendre fou. Sans parler de cette chaleur ! Au secours !



Mais pourquoi te mettre dans un tel état de stress ? intervint l'horrible petite voix moralisatrice dans sa tête. Ce n'est qu'un dîner. Que tu n'aurais jamais dû accepter d'ailleurs ! Mais franchement, à quoi joues-tu avec ce type ? Dois-je te rappeler que tu n'es pas en vacances et que tu dois absolument rentrer ? Et que Leo...



— Silence ! tonna Lars en tapant des pieds comme un enfant. Tais-toi et va au coin !



Et voilà qu'il se mettait à parler avec lui-même, ou plutôt à sa conscience. Si ce n'était pas la preuve que son cerveau commençait à partir en cacahuètes. Il n'avait surtout pas envie de penser à Leo. Au fait qu'il était peut-être... Un profond désespoir le prit aussitôt à la gorge. Et son esprit se jeta immédiatement à corps perdu vers des pensées plus joyeuses.



Et quoi de plus joyeux que Leïv et sa jolie tête éternellement souriante ?



Il fallait absolument que Lars se trouve des vêtements acceptables pour demain. Et il ne voyait qu'une seule personne pour voler à son secours. Rien que l'idée d'aller le voir le rendait malade, mais à la guerre comme à la guerre...



C'est en soupirant exagérément que Lars partit à la recherche du serviteur-amant-petit-ami de Leïv. La nuit était déjà bien avancée, les étoiles scintillaient dans le firmament. Il ne put alors s'empêcher d'avoir une petite pensée pour le Lion. Ce dernier devait être très occupé à pulvériser ces horribles bestioles qu'étaient les... néatrucs. Espérons qu'il ne fasse pas l'idiot. Il avait tout intérêt à revenir en un seul morceau, surtout après ce que Lars s'apprêtait à faire pour être présentable à ce fichu dîner.



Le jeune homme souffla de nouveau avec exaspération en se plantant devant la porte de la case d'Aldiem. Il frappa en levant lourdement les yeux au ciel. Aucune réponse, Sainte Nitouche était sûrement en train de dormir. Ah et puis zut, l'heure n'était plus à la politesse. C'était pour une urgence. Et Lars poussa le battant sans plus de cérémonie.



— Aldiem, réveille-toi ! Il faut absolument que tu m'aides !



L'interpellé ne dormait pas, tant mieux ! Installé devant son chevalet, il peignait Lars ne savait quoi. L'intrusion du magicien le fit brutalement sursauter et il en lâcha presque ses pinceaux... ruinant sa toile au passage. Pas grave, ce n'était sûrement pas un chef d'œuvre de toute façon.



— Mais qu'est-ce que vous...



— Oui, je sais ! Tu ne m'aimes pas, je ne t'aime pas. Qu'est-ce que je fais à débarquer dans ta chambre en pleine nuit, dans ce cas ? le coupa Lars en agitant une main agacée face au regard à la fois surpris et contrarié de l'autre. Si ça peut te rassurer, je ne suis pas là pour te faire des avances, tu ne m'intéresses pas du tout !



— Oh, je me sens tellement mieux maintenant que ce point est clarifié ! Merci beaucoup !



— Trèves de mesquineries, il faut absolument que tu m'aides, je te dis !



— Moi ? Vous aider ? Parce que...?



— Leïv m'a invité à dîner demain et je n'ai rien à me mettre, tu te rends compte ?



Aucune réaction de la part d'Aldiem. En fait, il semblait tout bonnement incapable de répliquer. Il se contentait de le fixer avec de grands yeux comme s'il s'agissait de la pire nouvelle du siècle. Lars attendit un peu avant de claquer des doigts sous son nez avec impatience.



— Aldiem, je te parle ! Qu'est-ce que tu as à faire cette tête ? Ce n'est qu'un dîner ! Pas la fin du monde ! Enfin, bref, aurais-tu l'amabilité de me prêter des vêtements ? S'il te plaît, ajouta-t-il en essayant de ne pas trop étaler sa mauvaise foi.



Ce dernier le dévisagea encore quelques instants sans rien dire avant de finalement se lever et se diriger vers un placard. Tout de même, il était temps ! Quand il l'ouvrit, le magicien se rendit compte qu'il ne contenait rien d'autre que plusieurs copies conformes de ce fichu uniforme... Sérieusement ? Ils se trouvaient dans les étoiles et il n'y avait que ça à se mettre ? Mais à quoi ils pensaient, au juste, les designers de ces mochetés ? Ah et puis de toute façon ce n'était pas grave, Lars avait d'autres plans en tête.



— Faites votre choix, lui lança l'autre avec sarcasme.



— Ravale ton sourire, je n'ai pas du tout l'intention de porter l'une de ces toges, répliqua-t-il aussitôt en le toisant avec dédain. Je suis magicien, très cher, je vais utiliser la magie pour transformer une de ces horreurs en tenue acceptable pour ma magnifique personne...



Tout en parlant, il attrapa un vêtement au hasard puis le tint à bout de bras en grimaçant. Il soupira d'avance en pensant à tout le travail qui l'attendait : changer ce chiffon en un beau costume n'allait pas être simple. Mais bon, Lars aimait les challenges !



— Je me permets de réquisitionner ton lit !



Il n'attendit même pas son approbation pour étaler la tunique sur le matelas, en veillant à ce qu'aucun bout ne dépasse du rebord du lit. Puis sans plus se soucier d'Aldiem, il tendit les deux mains en avant. Son aura embrasa immédiatement ses iris et ses paumes, un cercle lumineux apparut tout autour de son futur costume.



Forvisere, murmura Lars et les lignes tracées sur les draps rayonnèrent avec intensité.



Le vêtement commença alors à se métamorphoser sous leurs yeux. Les tons clairs s'assombrirent progressivement jusqu'à devenir complètement noirs. Les manches se rallongèrent et s'affinèrent, la coupe et la nature du tissu se transformèrent... son beau costume prenait forme... avant de se retrouver soudain à l'état de cendre !



Quoi ? Mais non !!



— Zut ! J'y étais presque ! râla-t-il en laissant retomber ses bras le long de son corps dans un geste de colère.



Il contempla le petit tas grisâtre avec frustration. Le regard moqueur d'Aldiem doublé d'un sarcastique "Impressionnant !" rendit la situation encore plus humiliante.



— Sans commentaire, cracha férocement le magicien en se précipitant vers le placard pour s'emparer d'une autre tunique. Il fit disparaître la cendre d'un petit geste impatient de la main, avant de poser le nouvel uniforme et retenter le sort de permutation.



Ce ne fut qu'à la troisième tentative que Lars réussit ENFIN à obtenir des résultats probants. Il examina l'ensemble d'un œil critique avant de se décider à l'essayer.



— Alors, où sont les cabines d'essayage ? demanda le jeune homme en sachant pertinemment que c'était une question bête : il n'y avait qu'une seule et unique pièce dans cette maudite case.



— Pourquoi ne pas tout simplement remonter dans la chambre du Seigneur Leïv maintenant que vous avez réussi votre tour de magie ? rétorqua l'autre en le toisant avec humeur.



— Bien essayé, très cher, mais j'ai encore besoin de toi pour la suite.



Et sans plus de cérémonie, Lars se déshabilla devant lui. Non, il n'était pas du tout en train de se donner en spectacle ! Même s'il affichait un petit sourire en coin des plus suffisants. Surtout qu'Aldiem n'en ratait pas une miette, il tournait parfois la tête mais ne pouvait s'empêcher de le regarder faire. Il finit par détourner définitivement les yeux en croisant les bras avec irritation, ce qui ne fit qu'accentuer le rictus de Lars.



Bon, assez joué, ils n'avaient pas toute la nuit !



Le jeune homme enfila son vêtement tout neuf puis fit apparaître un miroir de nulle part.



— Alors qu'est-ce que tu en dis ? demanda-t-il à Aldiem en s'examinant sous toutes les coutures, l'air dubitatif. Il avait réussi à transformer l'affligeante toge en un splendide costume italien. Un ensemble tout de noir depuis la veste, en passant par le gilet, le pantalon et sans oublier la chemise en soie, avec de ravissants volants sur le devant.



L'ensemble lui seyait parfaitement, mais il n'était pas convaincu. Le pire, c'est qu'au vu de sa façon de l'observer, Sainte Nitouche semblait réellement réfléchir à la question !



— Peut-être que vous devriez...



— Tu as raison, c'est moche !



Et il plaqua ses deux paumes l'une contre l'autre : le cercle de permutation apparut sous ses pieds et l'enveloppa d'une chaude lumière violette, opérant les changements directement sur lui. Ça ira plus vite comme ça.



La veste... un peu plus cintrée, les épaules plus appuyées. La chemise... plus d'aération au niveau des volants. Le pantalon... un peu plus fin.



— Mais pourquoi êtes-vous autant stressé, monsieur Lars ? lui demanda soudain Aldiem en le dévisageant d'un air légèrement moqueur alors que l'interpellé continuait de s'affairer sur les retouches. Ce n'est qu'un dîner.



Comment ? Mais non !



Le magicien ouvrit de grands yeux outrés en se tournant lentement vers son indésirable acolyte pour la nuit. D'abord l'enquiquineuse dans sa tête et voilà que la sainte nitouche s'y mettait aussi ! Ils s'étaient donné le mot pour lui sortir cette remarque ridicule ou quoi ?!



— Alors de un, je ne suis PAS stressé et de deux, arrête de m'appeler monsieur Lars, c'est d'un ridicule affligeant ! explosa le jeune homme en agitant furieusement les mains. Et sinon, ravale ton petit sourire ironique, veux-tu ? Tu devrais plutôt me remercier de faire un minimum d'efforts pour honorer l'invitation de ton cher et tendre maître ! Dis-toi bien que j'aurais pû l'envoyer tout simplement paître, mais...



— Vous ne l'avez pas fait, termina l'autre en le fixant d'un regard mi-amusé, mi-accusateur. À croire que vous en avez envie aussi. J'ai même l'impression que vous avez hâte d'y être...



Cet imbécile cherchait visiblement à le provoquer. Sérieusement ? Lars pourrait très bien gommer cet air suffisant de son visage dans d'atroces souffrances, puis lui traficoter la mémoire. Leïv n'en saura jamais rien... ou alors, non. Il allait faire mieux.



S'amuser et le suivre dans son propre jeu.



Un début de sourire flotta aussitôt sur les lèvres du magicien. Très bien, ils allaient jouer.



Sans se départir de son rictus, Lars entreprit alors d'arranger sa tenue avec beaucoup de soin. Dans des gestes lents et calculés, il lissa le devant de sa chemise, effleurant délicatement les volants. Il boutonna ensuite son gilet, fit glisser ses doigts sur le revers de sa veste... et sans oublier d'arranger ses cheveux pour une coiffure impeccable.



Il se devait d'être parfait. Voyons voir ce qu'en pensait Aldiem. Un dernier coup d'œil dans la glace et il se retourna vers ce dernier, la tête suffisante au possible.



— Alors très cher, comment me trouves-tu ? demanda-t-il d'une voix suave. Ma tenue pourrait-elle plaire à ton maître ? Après tout, tu es le mieux placé pour savoir ce qu'il aime...



L'autre ne répondit pas, il se contenta de le fusiller de ses yeux vairons en croisant les bras. Sa tête de déterré aurait dû être jouissive à voir, mais non. Lars se sentit brusquement las de toute cette comédie. C'était juste ridicule, il n'avait pas de temps à perdre avec tous ces enfantillages. Et puis, il avait tout intérêt à conserver des relations "cordiales" avec Aldiem. On ne sait jamais, cela pourrait peut-être lui servir un jour.



— Écoute-moi bien : je n'ai aucunement l'intention de le séduire, voler son cœur ou je ne sais quoi, soupira-t-il en levant les yeux au plafond. Peu importe ce que tu imagines concernant mes intentions, sache que ce qui se passe entre Leïv et moi est juste... physique, d'accord ? Rien de plus qu'une relation purement physique entre deux adultes pleinement consentants...



Ce n'est même plus du consentement ce qu'il y a entre vous, c'est une véritable fièvre, intervint la petite voix dans sa tête, le ton chargé de reproches. Et les pensées de Lars s'égarèrent brièvement vers leur petite baignade dans les thermes ce matin. Sa bouche s'étira malgré lui en un petit rictus coquin en repensant aux lèvres de Leïv sur sa...



Bref !

Annotations

Vous aimez lire Merywenn1234 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0