Le dernier voyage d’Anya.
« Le bonheur c’est lorsque vos actes sont en accord avec vos paroles ». Gandhi.
Délivrée d’un poids énorme sur la poitrine, Anya passe les jours suivants le cœur et la tête plus légers. Elle se sent l’esprit bien plus serein d’avoir été entendue.
Elle passe beaucoup de temps avec Ysaline qui ne sait rien de sa décision. Elle veut juste graver son image, son sourire, son rire jusque dans sa chair pour que, lorsque le moment sera venu de partir, elle l’emporte avec elle dans ses dernières pensées ; ainsi quand ses paupières se fermeront, elle aura dans les yeux le visage de sa fille, de son joyau.
Anya prend aussi le temps de dire « au revoir » à Natacha et Pierre. Tous deux comprennent sa démarche bien qu’ils la désapprouvent dans la pratique, étant de ferveurs catholiques. Mais ils ont bien remarqué à chacune de leur visite qu’Anya dépérissait. Ce choix lui appartient et bien que difficile, ils le respectent.
Avec Dimitri, elle a de longues conversations où il est surtout question de leur fille. Sa femme lui donne de nombreuses recommandations, comprenant qu’il se sente un peu perdu quant à l’avenir avec une jeune femme et le rassure, Natacha sera là pour l’épauler.
Dimitri comprend qu’elle veuille être soulagée humainement de ce mal qui la ronge inexorablement. Lui aussi, par amour pour elle, s’est préparé à ce moment si particulier.
Ensemble, ils choisissent une date, Anya se sentant enfin libre. Elle a accompli tout ce qu’elle souhaite dire aux siens, leur dire combien elle les aime, combien elle est heureuse de faire partie de leur vie… ne manque que sa fille…
— Dimitri ? Je ne sais pas si Ysaline me pardonnera de l’avoir abandonné mais je lui ai écrit une lettre et je voudrais que tu la lui remettes lorsque je serai partie.
— Ysaline est intelligente, ma chérie. Elle t’aime et t’aimera pour toujours. Compte sur moi, je lui remettrai ta lettre.
— Merci mon amour. Je suis enfin prête à quitter cette vie de douleur. Il est temps d’appeler le Professeur Pietru pour lui communiquer la date choisie.
***
Dimitri ouvre la porte au Professeur et le conduit jusqu’à la chambre. Anya est allongée dans son lit, deux oreillers sous sa tête l’aident à se tenir droite. Sur son crâne, elle a mis le foulard de soie offert par Ysaline. Dans la pièce, Natacha et Pierre sont là, le visage grave.
— Hey ! Je veux voir des visages souriants pour m’accompagner, leur dit-elle.
Sa voix est d’un calme stoïcien mais affectueux.
Elle a un mot avec chacun, ressasse les souvenirs, comme pour les emporter avec elle. Sa main ne quitte pas celle de Dimitri.
— Bien, il est temps de commencer, finit-elle par dire au Professeur Pietru.
— Êtes-vous toujours certaine de vouloir le faire ? lui demande celui-ci.
— Je ne changerai pas d’avis… C’est le cœur libre que je m’en vais.
Il hoche la tête envers sa patiente et amie puis suspend au pied à perfusion qui ne la quitte jamais, une poche de morphine à laquelle il joint un produit létal.
Anya s’allonge confortablement, son regard bleu océan passe tour à tour avec tendresse sur chacun. Dimitri pose ses lèvres sur les siennes.
— On se retrouvera mon ange. Tu as mérité de te reposer maintenant. Je t’aime comme jamais je n’ai aimé !
— Je t’aime mon amour. Je t’attendrai.
D’un regard, elle fait signe au Professeur Pietru. D’un hochement de tête affirmatif, celui-ci actionne la molette.
— Bon voyage Anya, murmure-t-il.
Doucement, Anya ferme les yeux pour ne plus les ouvrir.
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