Valentin et Clémentine, vingt sept et vingt-cinq ans étaient très heureux dans leurs vies. Ils avaient emménagé ensemble dans un petit appartement du Sud-est de la France avec le projet de se pacser très prochainement, se fréquentant depuis bientôt quatre ans. Ils s’aimaient et possédaient un bon nombre de points communs, que ce soit sur leurs passe-temps mais aussi leurs caractères.

Ils étaient également ce que l’on pourrait qualifier de grands enfants car ils appréciaient tout particulièrement dénicher certains jeux et jouets qui avaient fait le bonheur de leur enfance. Valentin adorait collectionner les toupies plus connues sous le nom de « Beyblade » et ces derniers temps il en avait ajouté pas mal à sa collection. Il lui arrivait même de jouer un peu avec, tel un enfant extasié devant ces merveilles. Clémentine, elle, n’avait pas encore trouvé ce qu’elle voudrait amasser en collection enfantine. Or, elle finit par trouver son bonheur en allant un matin à proximité de la Fontaine-du-Vaucluse. Alors qu’elle regardait tout un ensemble de DVD proposés par un couple d’un certain âge, elle tomba sur des figurines qu’elle ne connaissait que trop bien : « My little pony », les poneys en jouets de sa génération. Il y en avait environ six et le coup de foudre fut immédiat. Clémentine ne se fit pas prier et les demanda aussitôt au couple. Les deux sexagénaires se regardèrent et la dame arborant des yeux gris fatigués lui demanda : « êtes-vous sûres de les vouloir ? Vous risquez de le regretter…ces jouets sont un peu…spéciaux… » Clémentine lui répondit qu’elle les voulait tous et qu’elle serait tellement heureuse de les avoir. Voyant l’empressement de cette dernière telle une enfant naïve d’avoir son jouet entre les mains, la dame n’insista pas et les lui donna. Clémentine paya en liquide et les emporta fièrement avec elle. Le couple regarda Clémentine et Valentin s’éloigner en se jetant des regards inquiets…

Arrivés à leur lieu de résidence, Clémentine se dépêcha d’ouvrir la boîte qui contenait les six figurines de My little Pony. Lorsqu’elle prit le temps de les contempler, elle ne pût s’empêcher de se ressasser ses souvenirs d’enfance notamment celui où une de ses grands-mères lui avait offert une seule figurine de cette gamme de jouets pour son anniversaire. Sans qu’elle ne sût exactement pourquoi, Clémentine n’avait jamais eu d’autres figurines exceptée celle qu’elle gardera jusqu’à ses quatorze ans. Après tout, ces jouets étaient assez chers comme la plupart à son époque et Clémentine qui n’avait jamais manqué de rien dans l’ensemble, n’avait pas toujours eu les jouets qu’elle aurait souhaité avoir notamment à certains anniversaires ou Noel. Les six figurines étaient de différentes couleurs, chacune disposait d’une brosse à cheveux pour leurs crinières colorées. Clémentine se sentit redevenir l’enfant qu’elle avait été, sous le regard mi-amusé et mi étonné de Valentin. Ce dernier continuait en parallèle sa collection de toupies, même si les jeux vidéos demeuraient maintenant sa marque de fabrique. Les jours passèrent et le couple continua son train de vie quotidien, entre travail, week-end entre amis ou en famille et des séances au cinéma de temps à autre. Chaque matin, Clémentine regardait une dernière fois ces chères figurines adorées qu’elle avait pris bien soin de positionner sur sa table de nuit. Puis elle partait, la tête désormais occupée de ce que lui réserverait sa journée de travail. Elle était loin d’imaginer que ses jolis poneys étaient vraiment très spéciaux…

Lorsqu’elle rentra de sa journée le même soir, elle crût entendre des coups résonner sur les murs alors qu’elle ouvrait la porte de son appartement. Quand elle entra, le bruit se tut, mais l’appartement était sans dessus dessous, comme s’il avait été saccagé. La table du salon avait été renversée, le frigo était ouvert et le lait renversé, et leur chat Myrtille semblait avoir été rasé au niveau du dos. Clémentine était abasourdie. Qui avait-pu pénétrer dans son appartement ? Ce fut sa première interrogation. Valentin arriva un quart d’heure plus tard et, comme Clémentine, il ne comprit rien à l’étrange spectacle qui se dressait devant eux, d’autant plus qu’il avait fermé la porte à clé en partant ce matin. Ils commencèrent alors à tenter de ranger et de remettre sur pied ce qu’ils pouvaient, ne sachant quoi penser. C’est alors que Clémentine vit, posée sur la commode, seul meuble encore debout, les six figurines de My little Pony, dressées telles des statues, toujours aussi belles et colorées. Que faisaient-elles là ? Clémentine demanda à Valentin si ce dernier les avait bougées d’endroit ce matin puisqu’il était parti au travail après elle. Ce dernier lui dit qu’il n’y avait absolument pas touché. En revanche les toupies Beyblade étaient restées confortablement à leur place d’origine, c’est-à-dire, dans un carton consacré spécialement à la collection. Plusieurs dizaines de questions se bousculèrent sans trouver la moindre réponse. Au moins bien trois heures après ce chambardement, l’appartement était à peu près présentable, la salle de bains et les toilettes comprises. Clémentine et Valentin décidèrent de ne pas porter plainte car ils ne pouvaient fournir aucune preuve…

Malheureusement, ce bazar mystérieux ne fut que le début…

L’appartement fut saccagé à cinq reprises, à chaque fois que Clémentine rentrait de sa journée. Et à chaque fois, chose inquiétante, elle retrouvait toujours ses figurines posées au même endroit…Clémentine, qui les affectionnait tant, commença à prendre ses distances avec elle en les mettant dans un carton à chaussures. Elle repensa alors au jour où elle les avait achetées au couple et d’emblée, les paroles de la dame lui revinrent en mémoire. Clémentine alla dans la chambre et jeta un coup d’œil aux six figurines posées sur la table de nuit. En les regardant une par une, elle ne vit rien de particulier. Mais lorsqu’elle voulut les regarder une dernière fois, elle crut entendre un son qui ressemblait à un ricanement. Et là, le sang de Clémentine ne fit qu’un tour. Les six figurines souriaient et même leurs crinières semblaient bouger ! La jeune femme comprit que le problème venait de ces jouets….quelque chose se brisa en elle à ce moment-là. Elles les aimaient tellement, mais sans comprendre pourquoi, elle sentait que si elle les gardait plus longtemps, Valentin et elle seraient en danger. Oui, elle en était convaincu …Clémentine expliqua à Valentin le même soir qu’elle ne pouvait plus garder ces figurines et qu’elle avait un mauvais pressentiment, sans qu’elle ne parvienne à fournir davantage d’explications. Valentin l’écouta attentivement et même s’il ne pouvait rien faire de plus pour aider sa compagne, il respecta son choix.

Clémentine entreprit de les donner au Secours catholique et sans plus tarder, elle les amena un samedi matin après une nuit très orageuse. Elle n’avait pas réussi à fermer l’œil de la nuit et c’est avec un certain soulagement qu’elle rentra chez elle sans les belles figurines. Au cours de la soirée suivante, Clémentine, qui s’était endormie sur le canapé alla rejoindre Valentin qui dormait déjà à poings fermés. Au moment de rentrer dans la chambre, elle crut entendre un léger ricanement.